N’Geur Sarr, est franco-sénégalaise, experte en culture d’entreprise, en égalité des chances et leadership. Depuis un burn-out en 2020, elle se consacre à démystifier la méritocratie et à redéfinir la notion de réussite. Forte d’une résilience construite à travers un parcours professionnel et personnel riches, elle recueille des témoignages inspirants de leaders aux parcours imprévus, capables de réussites hors du commun. Dans son livre « Les inattendus », publié le 23 mai 2024 aux Éditions Eyrolles, N’Gueur met en lumière ces multiples facteurs, au-delà du travail, qui font la différence entre « la réussite en soi et la réussite pour soi ».
Vous êtes auteure, conférencière, consultante, créatrice du podcast « Gatemeri ». Quel est le cheminement qui a construit la femme résiliente et déterminée que vous êtes aujourd’hui ?
Je suis la dernière d’une fratrie de 4 filles. Mes parents n’ont pas fait l’école française mais j’ai été élevée dans la culture du travail avec une stimulation intellectuelle importante. Je suis née et ai fait toutes mes études en France.
J’ai beaucoup voyagé. J’ai vécu au Pérou, en Asie, aux Etats-Unis, j’y ai acquis une grande capacité d’adaptation, de tolérance et une ouverture d’esprit.
Après une classe préparatoire et une grande école de commerce à Paris, j’ai intégré le groupe Canal+ pour développer, pendant sept ans, des filiales dans 11 pays d’Afrique.
En 2020, suite à un burn-out, je me suis mise en pause pour comprendre quelles étaient mes motivations réelles dans la vie et ce que je voulais y construire.
Moi qui pensais que le travail, le dépassement constant de soi étaient les baromètres de la réussite, cette traversée du désert m’a poussée à remettre tout cela en question.
J’ai donc commencé à interviewer des personnes qui, à mes yeux, semblaient avoir réussi. C’est ainsi que j’ai lancé « Gatemeri ».
« Gatemeri », est un podcast dans lequel vous interviewez des leaders pour redéfinir le sens de la réussite. Quel est votre objectif avec cette émission ?
Dans une vie classique, quand on est bon élève, on prend les opportunités comme elles viennent. On se laisse vite happer par la vie, sans prendre le temps de se demander ce qu’on veut ou qui on est au-delà de toutes les injonctions familiales, religieuses ou sociétales.
« Gatemeri » est le mot rwandais pour « couvercle ». Ma volonté avec ce nom est de montrer l’importance de découvrir nos trésors, nos valeurs, notre raison d’être et notre patrimoine personnel – ces éléments qui viennent donner un sens à notre vie.
J’ai interviewé des artistes, des sportifs, des personnalités politiques, de la culture et d’horizons très divers qui, à travers des conversations sans filtre, s’expriment autant sur leur propre traversée du désert que sur leurs succès.
Je voulais que « Gatemeri » soit une plateforme dynamique et influente, où la parole est libre et les idées foisonnent pour offrir aux auditeurs un espace de réflexion et de découverte. L’artiste Gaël Faye, la journaliste Denise Epotée ou encore le DRH monde de L’Oréal se sont prêtés à l’exercice.
Vous voulez démystifier la méritocratie en analysant la réussite de leaders dans « Les inattendus », votre livre paru le 23 mai 2024. En quoi cet ouvrage est-il différent des autres sur le même sujet ?
Dans « Gatemeri », j’ai interrogé des personnes de tous horizons. À travers ce livre, je veux mettre en avant, au-delà du travail, qui est sine qua non, les autres facteurs qui leur ont permis de se créer de tels parcours. Il ne s’agissait pas de rentrer dans un sempiternel écueil des facteurs de succès.
Je me suis focalisée sur les profils issus du podcast, dont la réussite n’était attendue ni par leurs familles ni par elles-mêmes. Il s’agit de personnes qui ont pu briser des plafonds de verre pour réussir dans des domaines très concurrentiels, de ruraux qui viennent de milieux sociaux, territoires défavorisés ou encore des personnes qui ont eu un parcours avec des bifurcations inattendues.
L’objectif est de mettre en évidence que la réussite n’est pas qu’une question de cases à cocher et qu’il existe quasiment autant de définitions que d’individus.
Quelle définition donneriez-vous de la réussite en vous basant sur toutes ces expériences ?
Je fais aujourd’hui une distinction entre la réussite en soi et la réussite pour soi. Quand j’étais chez Canal+, de l’extérieur, mon parcours donnait le sentiment d’une vraie réussite. Je voyageais en business partout, je dormais dans des hôtels cinq étoiles, mais je ne me sentais pas pour autant alignée avec ce qui me motivait réellement. Je n’avais pas encore ce sentiment de réussite pour moi.
Après mon burn-out, après avoir recueilli les témoignages de toutes ces personnes, après avoir créé “TheDots”, ma société dédiée à la culture d’entreprise, j’ai redéfini ce qu’est la réussite.
Pour moi, dans ce monde de l’hybridation identitaire, la vraie réussite, c’est la liberté d’être authentiquement soi dans tous les domaines de sa vie.
Après une société, un podcast, un livre, quelle sera la suite ?
Avec ma société “TheDots”, j’accompagne les entreprises pour aligner les compétences et aspirations des salariés avec les besoins des entreprises. Pour aller plus loin dans le déploiement de cet accompagnement, je veux faire l’analyse de l’impact des cultures locales sur la culture de travail, notamment sur le continent africain. On ne manage pas de la même manière au Rwanda et au Bénin, c’est important d’en tenir compte.
Je veux également déployer les podcasts en Afrique pour construire à travers les témoignages une définition de ce qu’est la réussite pour une personne qui vit sur le continent Africain.