Les résultats des élections législatives françaises : quel potentiel impact pour les relations France-Afrique ?

Avec un taux de participation record de 66,7%, le premier tour des élections législatives a positionné le parti du Rassemblement National (RN) grand favori, avec 33,2% (des suffrages exprimés). Dans un contexte de relations France-Afrique en tension, la montée en puissance de l’extrême droite soulève de véritables inquiétudes notamment sur les questions d’immigration. Depuis Cotonou (Bénin), Gilles Yabi, économiste, analyste politique et Président de WATHI (West Africa Citizen Think Tank – Think Tank Citoyen de l’Afrique de l’Ouest) décrypte les impacts possibles des résultats de ces élections sur les relations avec le continent africain.

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Pour le continent africain, quels sont les principaux enjeux de ces élections législatives à l’issue desquelles le gouvernement français pourrait être dirigé par l’extrême droite ?

Gilles Yabi

Ce sont en majorité les anciennes colonies qui sont concernées par ces élections plus que le continent en entier.

Les enjeux ne sont pas les mêmes pour des pays qui ont une relation en « rupture » avec la France comme le Mali et pour des pays comme le Sénégal ou la Côte d’Ivoire qui entretiennent de meilleures relations avec l’ancienne puissance coloniale.

Si les sujets varient en fonction des pays et des rapports qu’ils entretiennent avec la France, les points communs restent les aspects économiques, sécuritaires mais aussi la question des conditions de vie de la diaspora africaine en France ou des personnes d’origines africaines ayant une citoyenneté française et vivant en Afrique.

Que le RN obtienne ou pas une majorité des sièges après le second tour de ces élections, sa montée en puissance dans le paysage politique français se traduit déjà par une libération de comportements racistes qui se concentrent beaucoup sur les populations d’origines africaines. Cela remet en question les conditions de vie de ces populations en France, qu’elles soient de citoyenneté africaine ou même française.

Suppression du droit du sol, priorité nationale, allocations familiales réservées aux Français, restriction du regroupement familial, quel regard portez-vous sur le programme du RN ?

La montée en puissance du RN dans le paysage politique français n’est pas nouveau et avec lui, ce discours faisant de l’immigration le principal problème de la France sur un plan économique et social.

Il y a cependant une différence entre les discours utilisés pour arriver au pouvoir et les actions réellement menées par la suite.

En ce qui concerne la politique migratoire, plus elle est dure, plus elle permet d’avoir des électeurs car c’est un discours simple et simpliste qui fonctionne. Quand on a des campagnes politiques essentiellement basées sur la communication, plus les messages sont simples, plus ils polarisent et fonctionnent.

Une fois ces partis au pouvoir, il y a cependant une réfection dans la formulation des politiques publiques.

On le voit en Italie par exemple avec un ministre d’extrême droite qui est complètement au fait des contraintes économiques de son pays et de ses faiblesses, notamment démographiques. 

Les pays européens ont également conscience qu’en cas de déficit important de main d’œuvre et ce, dans beaucoup de secteurs, ils ne peuvent pas se permettre d’appliquer une politique totalement restrictive à l’égard des migrants. Derrière ces États ne réside pas seulement le leadership politique mais également un appareil d’État et des personnes conscientes des contraintes auxquelles tous les pays sont soumis.

Pensez-vous qu’une victoire du RN serait une menace réelle pour les relations avec le continent ?

Il faut constater que ces relations sont déjà en train d’évoluer. A l’instar de ses prédécesseurs, le Président Emmanuel Macron qui avait annoncé beaucoup de changements dans la politique française en Afrique en espérant maintenir des relations particulières a fait face à des difficultés notamment face aux changements spectaculaires de régimes dans les pays du Sahel. Après une présence militaire forte, on a pu assister à un départ précipité de la défense et de la diplomatie française dans les trois pays que sont le Mali, le Niger et le Burkina Faso.

Quand on regarde également les statistiques des échanges économiques, on observe que la politique française en Afrique s’oriente de plus en plus vers les pays africains non francophones : le Nigéria, l’Afrique du Sud ou encore l’Afrique du Nord. En termes de ressources, ces pays sont désormais des priorités plus importantes pour la France que ceux d’Afrique de l’Ouest.

Il faut donc nuancer la réalité de l’impact des résultats de ces élections sur les relations entre la France et l’Afrique.

Quelles leçons tirer pour les pays africains ?

Ce qui se passe en ce moment en France et qui pourrait tout à fait se produire dans d’autres pays européens ou encore aux États-Unis avec un retour possible de Donald Trump au pouvoir, devrait inciter les pays africains à se concentrer sur leurs propres priorités, sur les efforts qu’ils doivent faire pour remédier notamment à leurs faiblesses structurelles sur le plan de l’économie, de l’éducation et de leur capacité d’anticipation des changements dans le monde.

On observe de plus en plus un recentrage vers les priorités internes des États, avec une montée du nationalisme qui se propage.

Les pays africains doivent en comprendre qu’il devient urgent de ne plus compter sur personne pour relever les défis les plus importants, c’est-à-dire améliorer les conditions économiques, sociales ou sécuritaires de leurs territoires. 

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