Diplomatie : l’Algérie veut ouvrir un nouveau chapitre avec les États-Unis

Algérie–États-Unis : le retour de Donald Trump à la présidence américaine semble marquer un tournant dans les relations entre l’Algérie et les États-Unis. Alger, historiquement ancrée dans un partenariat avec Moscou, manifeste désormais une volonté assumée d’élargir son champ d’action vers Washington, rompant ainsi avec certaines réserves du passé.

Le signal est venu de Massad Boulos, conseiller du président américain pour le Proche-Orient et l’Afrique. Le 19 avril, à la veille d’une visite en Afrique du Nord, il exprimait publiquement l’ambition américaine de renforcer les liens avec Alger. « Nous espérons les meilleures relations entre le Maroc et l’Algérie (…) il n’y a pas de doute que le Maroc est un allié et un partenaire, mais nous aspirons aussi aux meilleures relations avec l’Algérie. »

Une déclaration diplomatique en apparence, mais qui marque un basculement. L’Algérie n’exclut pas non plus de tourner une partie de son regard stratégique vers l’Ouest.

Un recentrage progressif

Cette ouverture américaine intervient en réponse à une dynamique enclenchée par Alger depuis le début de l’année. Elle traduit une volonté politique de rééquilibrer les alliances, sans renier l’héritage historique. Si la Russie demeure un partenaire de poids – notamment dans le domaine de l’armement – l’Algérie s’autorise désormais à explorer d’autres options, y compris dans des secteurs sensibles.

Amar Aba, ancien ambassadeur à Moscou et à Londres, aujourd’hui conseiller diplomatique du président Tebboune, rappelle que cette démarche n’est pas étrangère à la tradition diplomatique algérienne. Dès l’ère Boumediène, Alger combinait achats d’armement à l’Est et partenariats économiques avec les puissances occidentales. Une logique de diversification qui semble aujourd’hui réactivée dans un contexte géopolitique plus fragmenté.

L’énergie comme passerelle

Forum USA Algerie
Forum Algérie-Etats-Unis

La coopération énergétique demeure le socle du dialogue entre les deux pays. Les liens tissés entre Sonatrach et les majors américaines ne sont pas nouveaux. Mais ils prennent une nouvelle ampleur à l’occasion du Forum algéro-américain sur l’énergie 2025, tenu mi-avril  dans la ville de Houston. Dans une tribune publiée le 16 avril, l’ambassadeur Sabri Boukadoum souligne l’importance de cette rencontre dans la consolidation des relations bilatérales : « Cet événement met en lumière le renforcement de la coopération dans les domaines du pétrole, du gaz et des énergies renouvelables, et met en avant les efforts de l’Algérie pour attirer les investissements américains, simplifier la réglementation et accroître ses capacités d’exportation sur les marchés des énergies conventionnelles et vertes », a écrit diplomate. 

Hydrocarbures, gaz de schiste, énergies renouvelables : Alger cherche donc à capter les investissements américains et à moderniser son cadre réglementaire pour mieux s’intégrer aux marchés globaux. La transition énergétique devient ici un levier d’alignement stratégique.

Un tabou levé sur la coopération militaire

Le changement le plus significatif concerne toutefois le domaine sécuritaire. Jusqu’ici limitée au renseignement et à la lutte antiterroriste, la coopération militaire entre Alger et Washington s’oriente désormais vers un cadre plus formel.

Sabri Boukadoum
Sabri Boukadoum, ambassadeur d’Algérie aux États-Unis 

« Le protocole d’accord Algérie–États-Unis crée une base juridique pour une coopération élargie », confie l’ambassadeur Boukadoum au média Defense Scoop, le 15 mars. Et de citer un proverbe très américain : « Sky is The Limit ». Définition : « Seul le ciel est la limite. »

 Un tournant majeur pour un pays longtemps attaché à une doctrine de non-alignement strict.

Le Commandement américain pour l’Afrique (Africom) reconnaît depuis longtemps l’Algérie comme un acteur central dans la stabilité régionale. Mais l’ouverture à une coopération militaire plus concrète, même partielle, marque une évolution dans la posture d’Alger.

Terres rares, agriculture saharienne : les nouveaux terrains d’entente

Au-delà du pétrole et de la sécurité, d’autres domaines d’intérêt commun émergent. Arslane Chikhaoui, expert en géopolitique, évoque notamment le potentiel algérien dans l’exploitation des terres rares – un enjeu stratégique pour les industries technologiques américaines. Le développement de l’agriculture saharienne, où les États-Unis disposent d’un savoir-faire reconnu, constitue un autre axe de coopération possible.

Entre ouverture et souveraineté

Dans un entretien accordé à la presse nationale en mars, le président Abdelmadjid Tebboune a tenu à clarifier cette nouvelle orientation. Selon lui, l’approfondissement des relations avec les États-Unis ne remet nullement en cause les liens solides qui unissent l’Algérie à ses alliés historiques.

« Nos relations avec les USA s’améliorent quotidiennement et cela n’affecte en rien nos relations avec la Russie, la Chine et l’Inde, ça fait partie de nos gènes de non-alignés et aucun de ces pays n’a essayé de vassaliser l’Algérie », a résumé le président Abdelmadjid Tebboune.

Le message est clair : l’Algérie veut renforcer ses alliances sans renoncer à son autonomie stratégique. Une ligne de conduite qui s’inscrit dans une lecture pragmatique du nouvel ordre international.

Par

Correspondant à Alger, Algérie

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