Mossadeck Bally a été élu le 1er octobre à la tête du Conseil national du patronat du Mali (CNPM). Figure influente de l’entreprenariat africain, CEO depuis 30 ans du Groupe hôtelier Azalaï (premier groupe hôtelier d’Afrique de l’ouest) et Vice-Président du Cluster Digital Africa. Il a répondu à nos questions à l’occasion d’une rencontre avec le Groupement des Patronats Francophones (GPF) le 22 octobre 2022.
Tama Média : Pouvez-vous nous en dire plus sur votre élection à la tête du patronat malien ?
Mossadeck Bally : « Un jour, un groupe d’entrepreneurs est arrivé dans mon bureau et m’a demandé de me présenter pour cette élection. J’ai pris une semaine de réflexion car j’ai conscience de la responsabilité qui en incombe, surtout dans ce contexte économique particulier. J’ai finalement accepté et j’ai été élu à 90,70% des voix par les 117 délégués inscrits. J’ai ensuite constitué un bureau de 31 membres dont 5 femmes. »
TM : Quelle est votre projet pour développer le tissu entrepreneurial malien pendant votre mandat ?
MB : « Le premier exercice sera de faire sauter tous les freins à la création d’entreprise ou à l’officialisation des entreprises. Au Mali, il y a une majorité de petites entreprises dont plus de 60% existent hors du système formel. Il est donc important de les aider à émerger et à se structurer en supprimant un maximum de freins : les taxes trop élevées, la fiscalité compliquée, etc.
Mon constat est également que les grandes entreprises, notamment françaises, sont déjà bien implantées en Afrique, elles n’ont pas de craintes pour venir vers le continent. L’une de mes visions aujourd’hui est de créer plus de liens entre les TPE-PME du Mali et celles de l’extérieur, notamment celles des pays Francophones.
Je vais par exemple participer à la rencontre des entrepreneurs francophones organisée par le MEDEF (le patronat français ) à Abidjan mais je suis également ravi d’étudier un rapprochement avec le GPF qui met en relation les PME-TPE francophones (soit 88 pays)».
TM : Quels sont les secteurs porteurs qui peuvent attirer les TPE-PME francophones au Mali ?
MB : « Il y a plusieurs secteurs très intéressants au Mali.
Tout d’abord, l’agriculture. 60% des terres cultivables se trouvent en Afrique et l’Office du Niger (périmètre de culture irriguée aménagé sur le delta intérieur du Niger au Mali) pourrait nourrir toute l’Afrique de l’Ouest avec un potentiel de 1.400 000 hectares de terrains irrigables, dont à peine 200 000 hectares sont aujourd’hui alimentés.
Il y a des besoins en engrais, en machines agricoles, en partages de compétences et tout ce qui est nécessaire pour développer ce secteur.
Ensuite, l’élevage est un secteur très prometteur. Le Mali détient le second cheptel de bêtes après le Nigéria, donc le secteur a un fort potentiel.
Enfin le digital n’est pas à négliger. Une entreprise malienne vient de remporter trois médailles d’or (sur les quatre possibles) à Dakar au concours de robotique panafricain qui réunissait 360 jeunes issus de 20 pays africains.
L’accès à internet se développe également grâce à l’émergence d’acteurs africains dans le domaine des fournisseurs d’accès, ce qui rend le web accessible au plus grand nombre.
TM : Comment imaginez-vous le premier pas de la relation avec le GPF ?
MB : « Nous pourrions organiser un salon de rencontre des entreprises maliennes et francophones à Bamako afin de développer les relations entre nos entreprises privées de plus petites tailles. Selon moi, ce serait le meilleur moyen de soutenir le développement des entreprises au Mali et dans les pays d’Afrique francophone ».
TM : Que pouvez-vous nous dire de la situation au Mali actuellement pour rassurer les entreprises qui voudraient venir ?
MB : « Même si le Mali va mal aujourd’hui, il faut se projeter vers le futur. Certains liens politiques internationaux sont déstabilisés mais la relation avec la diaspora à l’international est maintenue. Aujourd’hui il y a une nouvelle constitution qui se prépare, la fin de la transition gouvernementale est prévue pour mars 2024 avec l’organisation de nouvelles élections présidentielles. Un organe indépendant a été créé pour cela : l’AIGE (Autorité Indépendante de Gestion des Élections).
Au niveau sécuritaire, il y a de moins en moins d’attaques, l’armée Malienne se restructure.
Énormément de choses évoluent partout en Afrique depuis des années, autant sur le plan social qu’économique ou encore politique, il faut donc continuer à se tenir la main et garder confiance dans la possibilité d’un futur meilleur. »
TM : Quel est votre secret pour réussir à mener à bien une vie de PDG de grande entreprise, la vie de famille et maintenant la gestion d’un projet aussi grand que la présidence du patronat d’un pays ?
MB : « Le secret c’est de savoir bien déléguer ! Cela m’a pris 30 ans pour structurer le groupe AZALAÏ et choisir les personnes qui peuvent me soutenir dans son développement. Aujourd’hui, je peux me mettre un peu en retrait et me consacrer à de nouveaux projets tout en gardant un œil averti sur ce qui continue à être mis en place.
Et je profite de mes déplacements en Europe pour passer quelques jours avec enfants et petits-enfants car c’est un équilibre très important ».
TM : Au-delà du patronat malien, quels sont vos projets pour 2023 ?
MB : « Je peux déjà vous annoncer qu’en 2023, le groupe AZALAÏ prépare le lancement d’un nouvel hôtel à Dakar ».