Élargissement des Brics, établissement de relations stratégiques et renforcement de sa présence diplomatique : pour tenter de gagner du terrain face aux occidentaux dans la guerre d’influence mondiale exacerbée par la guerre en Ukraine, la Russie accélère son opération séduction sur le continent africain et notamment dans les pays dits “non-alignés”. A commencer par l’Algérie qui devrait intégrer très prochainement le groupe des pays “Brics”, selon le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov.
Dans une récente interview accordée à la version arabe de la chaîne Russia Today, le chef de la diplomatie russe a encensé l’Algérie, considérée comme « un partenaire stratégique » sur le continent africain.
Sergueï Lavrov a énuméré les « échanges intensifs » enregistrés entre les deux pays durant l’année écoulée, y compris des « manœuvres militaires » qui se sont déroulées en Russie et à Béchar, à l’Ouest de l’Algérie. Il a également mis en avant les visites bilatérales échangées entre les dirigeants des deux pays durant l’année dernière. « Les niveaux d’échanges économiques et commerciaux entre nous sont suffisamment appréciables. L’Algérie est parmi nos trois premiers partenaires africains », a-t-il affirmé. Il a également évoqué des « positions identiques » entre Alger et Moscou au sein de l’OPEP+ et du Forum des pays exportateurs de gaz.
Au-delà de la relation bilatérale, le chef de la diplomatie russe semble surtout être en opération séduction auprès d’Alger au moment où le pays cherche des alliés diplomatiques qui ne condamnent pas son offensive en Ukraine. Au même moment l’Algérie est également draguée par les Etats-Unis et ses alliés.
Des mots doux pour l’Algérie
Pour espérer avoir le gouvernement algérien dans le camp russe, Sergueï Lavrov n’a pas hésité à titiller l’égo des Algériens en affirmant que l’Algérie « ne se laisse pas dicter » ses positions. Interrogé sur la volonté de certains sénateurs américains qui ont demandé à leur gouvernement de sanctionner l’Algérie pour avoir refusé d’entériner les sanctions internationales imposées à son pays, le chef de la diplomatie russe a rappelé que les Américains se sont « attaqués à la mauvaise personne ». « Les Algériens ne sont pas ce peuple à qui on peut dicter quelque-chose et on ne peut attendre des Algériens l’obéissance ou l’exécution d’un signal de la main qui viendrait de l’autre côté de l’Océan, des orientations en contradiction directe à leurs intérêts », a-t-il indiqué. Et le chef de la diplomatie russe poursuit d’ajouter : « l’Algérie est un Etat qui se respecte et qui respecte son histoire et ses intérêts ».
Tous ces éléments placent l’Algérie « en tête de la liste des prétendants » à l’élargissement des Brics, ce groupe de pays constitué du Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud, assure Lavrov qui veut ainsi aller « vers plus de justice et de démocratie dans les relations économiques et politiques internationales » et développer « les structures d’avenir qui soient indépendantes des velléités d’un groupe de pays, ou d’un pays en particulier comme les font les Etats-Unis qui dévient l’utilisation du dollar dans le système financier et monétaire international (…) ». Pour la Russie, les Brics constituent des mécanismes qui « empêchent la dépendance aux outils et mécanismes de ceux qui visent, avant tout, de réaliser leurs propres intérêts en portant atteinte aux intérêts des autres », a détaillé Lavrov qui espère récolter les dividendes de l’élargissement de ce groupe de pays « dans deux ans ». En plus de l’Algérie, l’Argentine et l’Iran pourraient rejoindre les Brics, selon certaines sources médiatiques.
Cette sortie médiatique de Sergueï Lavrov intervient une semaine après l’annonce d’une visite d’Etat que devrait effectuer le président algérien Abdelmadjid Tebboune à Moscou le 10 mai prochain. Ce dernier a déjà participé, en tant qu’invité, à une réunion au sommet des Brics, tenue en juin 2022 par vidéo-conférence. Deux mois plus tard, il a annoncé la volonté de son pays d’intégrer ce groupe de pays qui ambitionne notamment de créer un nouvel ordre mondial « plus équilibré » face à la domination de l’Occident.
L’Algérie toujours non-alignée sur la guerre en Ukraine
Allié traditionnel de la Russie, l’Algérie s’est abstenue, à deux reprises, lors des votes de l’Assemblée générale des Nations-Unies qui a imposé des sanctions contre Moscou et lors d’un autre vote condamnant l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe. «Je n’approuve, ni ne condamne l’opération russe en Ukraine. L’Algérie est un pays non aligné, et je tiens au respect de cette philosophie. Notre pays est né pour être libre », a précisé le président Abdelmadjid Tebboune dans un entretien accordé au journal français Le Figaro en décembre dernier. « (…) il serait bon que l’ONU ne condamne pas uniquement les annexions qui ont lieu en Europe », a-t-il ajouté en référence à la question palestinienne et celle du Sahara Occidental.