Comment la campagne stratégique du Djiboutien Mahamoud Ali Youssouf lui a permis de l’emporter face au Kényan Raila Odinga ?

Le ministre des affaires étrangères djiboutien Mahamoud Ali Youssouf a été préféré à son principal concurrent, l’ancien Premier ministre kényan Raila Odinga. Son profil diplomatique et sa campagne adressée à des groupes de pays ont joué en sa faveur.

Le 15 février, les chefs d’État africains ont accordé leur confiance à Mahamoud Ali Youssouf. Ils ont préféré le profil du diplomate aguerri âgé de 59 ans, à celui de son principal concurrent à la tête de la Commission de l’Union africaine (UA), le très politique ex-Premier ministre kényan Raila Odinga. Ce dernier a pourtant remporté le premier tour du scrutin, qui se déroulait dans le hall Nelson Mandela, au siège de l’instance panafricaine, à Addis-Abeba. 

Le ministre des affaires étrangères djiboutien a ensuite bénéficié du report des voix du dernier candidat, le Malgache Richard Randriamandrato, éliminé au troisième tour. C’est finalement après le septième vote de l’assemblée des dirigeants, que la victoire de Youssouf est annoncée. Il a recueilli les deux-tiers des bulletins nécessaires, selon les statuts de l’UA. Son CV mais aussi sa stratégie de campagne ont joué en la faveur du successeur de Moussa Faki Mahamat, qui devient le cinquième président de la Commission.

Un rival au profil politique et clivant 

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« Le Kényan Odinga a mené une campagne extravagante. Un chiffre de 20 millions de dollars de dépenses tourne, explique une source qui a assisté au scrutin. Odinga a transformé cette campagne diplomatique en une campagne ouverte au grand public, un peu à l’image d’un scrutin national. » À 80 ans, le candidat cinq fois malheureux à l’élection présidentielle dans son pays est un personnage clivant au sein du peuple kényan, même après avoir reçu le soutien de son ancien rival, le président William Ruto.

« Beaucoup de pays africains veulent un chef qui se dédie à la tâche qui lui est confiée. Ils veulent un technocrate et un coordinateur, plutôt que quelqu’un qui se comporte comme un chef d’État », résume Abel Abate, chercheur au programme Afrique du centre de réflexion Chatham House. Youssouf semble avoir saisi les enjeux de la mission qui vient de lui être confiée. Celui qui est entré au ministère des Affaires étrangères dans les années 1990, avant d’en prendre la tête en 2005, s’est adressé à des groupes de pays plutôt qu’à des nations individuelles, comme l’a fait son principal concurrent.

Le nouveau président de la Commission a pour cela utilisé ses compétences linguistiques. Il maîtrise en effet les trois langues officielles de l’UA : le français, l’anglais et l’arabe. Sa religion musulmane lui a en outre assuré le soutien de la Ligue arabe, qui compte 26 membres sur le continent, et de l’Organisation de la coopération islamique qui en rassemble dix. « Il a fait un très bon débat, ce qui lui a apporté de nombreux soutiens », ajoute une source diplomatique, en référence au débat entre les trois candidats qui s’est tenu le 13 décembre.

Une ambassadrice algérienne à la vice-présidence

Selma Malika Haddadi

Pour l’épauler dans ses nombreuses missions, à commencer par la résolution des conflits au Soudan et dans l’Est de la République démocratique du Congo, Youssouf pourra compter sur sa vice-présidente, l’Algérienne Selma Malika Haddadi, élue dans la foulée. Le duo a en commun une excellente connaissance des arcanes de l’UA. Selma Malika Haddadi était en effet jusque-là ambassadrice de son pays en Éthiopie et auprès de l’institution panafricaine. 

Avant le scrutin, elle a prévenu qu’elle dédierait son mandat de quatre ans à « améliorer la gestion administrative et financière de la Commission de l’UA », à « renforcer la confiance et la synergie entre la Commission et les États membres de l’UA » et enfin à « optimiser la coordination au sein des organes et structures de l’UA et la coopération avec les partenaires ».

À plusieurs reprises, le président sortant a insisté sur la nécessité de redonner son efficacité à une instance enlisée dans la bureaucratie et les difficultés à trouver un consensus entre ses 55 membres – dont six sont suspendus après les putschs perpétrés dans leurs pays respectifs. « Allons-nous enfin ouvrir les yeux sur le sort de notre organisation ou alors continuer de la laisser se lamenter et gémir ? », a interpellé Moussa Faki lors de la cérémonie d’ouverture du 38e sommet de l’UA. Il passera le flambeau à son successeur, Youssouf, au mois de mars.

Lire aussi : Union africaine : qui est le Djiboutien Ali Mahamoud Youssouf élu président de la Commission ?

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