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Désinformation en Afrique francophone, analyse des principales tendances observées en juillet 2024

26 août 2024
8 min

Dans le cadre de notre projet de Jumelage entre initiatives francophones de lutte contre la désinformation, soutenu par l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), Tama Média, Sétanal Média et La Voix de Mopti publient une note d’analyse commune sur les principales tendances de désinformation observées en juillet 2024. Rapport.

Dans le cadre de notre projet de Jumelage entre initiatives francophones de lutte contre la désinformation, soutenu par l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF), Tama Média, Sétanal Média et La Voix de Mopti publient une note d'analyse commune sur les principales tendances de désinformation observées en juillet 2024. Rapport.

Par Sagaïdou Bilal (Tama Média) ; Souleymane Diassy (Sétanal Média) ; Youssouf Traoré (La Voix de Mopti)


1. Brève description du contexte

La période couverte par le rapport a été caractérisée par la tenue de la Conférence des chefs d’État et de gouvernement de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). L’organisation a tenu sa soixante-cinquième (65e) session ordinaire le 7 juillet 2024 à Abuja, en République fédérale du Nigéria, sous la présidence de Bola Ahmed Tinubu, président du Nigéria et président en exercice de l’organisation sous-régionale.

Dans la même période, le premier sommet des chefs d’État de l’Alliance des États du Sahel (AES) s’est tenu le 6 juillet 2024 à Niamey, au Niger. Ce sommet historique a réuni les dirigeants du Burkina Faso, du Mali et du Niger pour discuter de la création et de l’institutionnalisation de la Confédération de l’AES.

Au Mali, la crise sécuritaire a continué d’endeuiller des familles. C’est au cours du mois de juillet 2024 que la nouvelle Constitution du Mali a marqué son premier anniversaire. Au Sénégal, le président Bassirou Diomaye Faye a désormais plus de 100 jours d’exercice du pouvoir.

L’ensemble de ces événements ont été largement commentés sur les réseaux sociaux, parfois accompagnés de fausses informations pour la plupart recensées par l’initiative « Mali, Sénégal : l’intelligence artificielle et les contenus audiovisuels en langues locales au service de la lutte contre la désinformation auprès des personnes analphabètes et auprès de la diaspora sénégalaise et malienne en Europe ».

Dans les deux pays, des actions de lutte contre la désinformation, d’éducation aux médias et à l’information (EMI) sont menées. Les initiatives de fact-checking au Mali (BenbereVerif, Le Jalon, ABM et Mopti Check ) ont produit des dizaines d’articles de vérifications des faits, des vidéos d’éducation et de sensibilisation. En dehors des actions en ligne, des formations et débats ciblant les jeunes, les journalistes, blogueurs, web activistes… ont été déployés. Idem pour le Sénégal, seul pays francophone du Sahel central à abriter à ce séjour une rédaction spécialement dédiée au fact-checking avec la certification IFCN, il s’agit de la rédaction francophone d’Africa Check basée à Dakar.

2. Aperçu des tendances sur les réseaux sociaux

Au cours du mois de juillet, 37 des fausses informations captées par les collecteurs proviennent du réseau social Facebook, 29 ont été trouvées sur le réseau social X et 9 sur TikTok. L’équipe de collecteurs ne recense pas bien évidemment toutes les fausses informations sur ces plateformes digitales. La majorité des fausses informations collectées porte sur l’actualité de l’Alliance des États du Sahel. Une tendance observée au cours du mois de juillet. Ces fausses informations touchent une pluralité de sujets/d’acteurs tels que la monnaie, les équipements militaires, les cours en ligne, ou le Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko.

1. Le Sahel Central au cœur de la désinformation

Le 29 juin 2024, un post Facebook prétendait que la Banque Centrale de l’Alliance des États du Sahel (AES) serait située au Burkina Faso. Le post, accompagné de la légende « Les 3 pays de l’AES se préparent à la proclamation de la confédération et au lancement de la monnaie. Tout est paraphé ! », a généré plus de 40 000 vues, 110 000 j’aime et plus de 130 reposts en 48 heures.

La fausse monnaie

Une autre vidéo de trois minutes montrait des billets et des pièces d’argent prétendument de la nouvelle monnaie des pays de l’AES. Aucune déclaration officielle des autorités des pays concernés n’a confirmé cette information de création de la monnaie devenue très récurrente. Au regard de la recrudescence de cette fausse information, on peut noter une forte volonté d’un groupe de personnes ou d’une partie de la population des pays concernés de voir l’émergence d’une nouvelle monnaie, perçue par beaucoup comme essentielle pour amorcer le développement et l’indépendance économiques de la région.

Un autre post X, publié le 1er juillet 2024, prétendait qu’un capitaine de l’armée française avait été arrêté à l’aéroport international Modibo Keïta de Sénou (Bamako) avec une valise de billets de francs CFA. Cette publication a rapidement gagné en popularité avec plus de 15 000 vues et 85 reposts en moins de 8 heures. En réalité, cette information était également fausse. La fausse nouvelle fait suite au discours tenu, par le président de la transition du Mali Assimi Goita, le 22 juin 2024 à Sikasso. Il avait laissé entendre sans citer de nom qu’une puissance étrangère avait voulu déstabiliser l’économie malienne en introduisant une quantité importante de faux billets de banque.

Une autre fausse affirmation qui a fait le tour des réseaux sociaux que nous avons repérée indiquait que la société civile sénégalaise exigeait une alliance avec les États de l’AES, illustrée par une copie d’un document de presse. Cependant, le communiqué ne mentionnait aucune alliance politique entre le Sénégal et les pays membres de l’AES, rendant cette publication trompeuse.

2. Supposé cours en ligne au Mali

Une publication sur Facebook prétendait que le ministère de l’Éducation nationale du Mali organisait des cours en ligne gratuits, promettant un diplôme et un emploi à la fin. Pourtant, la page Facebook officielle du ministère n’a jamais publié une telle information, et aucun communiqué officiel n’a confirmé cette initiative. Enfin, une publication sponsorisée sur Facebook prétendait que, dès octobre 2024, tout le monde pourrait suivre gratuitement des cours universitaires en ligne à l’Université de Bamako. Aucune annonce officielle n’a confirmé l’information, ce qui la rend trompeuse.

Ces affirmations non fondées circulent dans un contexte de publication des résultats de l’examen du Diplôme d’Études fondamentales (DEF) publiés le 19 juillet 2024 et dans l’attente de ceux du Baccalauréat de la même année. Cette catégorie de fausses informations touche particulièrement les plus jeunes, les enfants. Ils en sont vulnérables parce que « analphabètes médiatiques ». Ceux qui font circuler ces contenus le font généralement pour créer des pièges à clics et maximiser leurs audiences en ligne.

3. Les armes, un sujet de fantasme

L’acquisition de nouveaux équipements de guerre par les pays en guerre comme le Mali est un sujet mobilisateur. Pour beaucoup, c’est l’unique moyen pour endiguer le terrorisme et ramener la sécurité. C’est dans cette optique qu’une publication sur Facebook montrait une photo d’un avion de combat avec la photo du président de la transition du Mali, affirmant que les MIG-35 avaient été commandés par le Mali. Ce post a cumulé plus de 18 500 vues en deux jours. Cependant, il s’agissait d’une information manipulée et non fondée.

Au Sénégal, un post affirmait que le Premier ministre Ousmane Sonko avait été « humilié » lors de sa visite au marché de Colobane, dans la région de Dakar, en partageant une vidéo où l’on entend des huées et des insultes. Des journalistes présents sur les lieux ont confirmé qu’il s’agissait d’une vidéo manipulée avec un ajout de fond sonore différent.

L’élection en Mauritanie voisine, une image hors contexte a été utilisée pour illustrer le nombre de morts dans ce pays suite aux émeutes après les résultats de l’élection présidentielle du 29 juin 2024. Cette utilisation hors contexte a induit en erreur de nombreux internautes.

Ces fausses informations montrent à quel point il est crucial de vérifier les informations avant de les partager. La désinformation peut se propager rapidement et avoir des conséquences néfastes. Vous pouvez aussi consulter ici le rapport de juin dernier.


Cette note d’analyse fait partie d’une série de rapports mensuels consacrés à la lutte contre la désinformation en Afrique francophone. La production est réalisée avec le soutien de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) dans le cadre du projet « Mali, Sénégal : l’intelligence artificielle et les contenus audiovisuels en langues locales au service de la lutte contre la désinformation auprès des personnes analphabètes et auprès de la diaspora sénégalaise et malienne en Europe ».