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Entretien avec le nouveau chef de l’OIT

Par Redaction
16 août 2022
3 min

Premier Africain à être élu à la tête de l’Organisation internationale du travail (OIT), l’ex-Premier ministre togolais Gilbert Houngbo, défend l’universalisation de la protection sociale.

gilbert houngbo

Q: Quels sont les défis sur la table?
R: “Il nous faut répondre de façon concrète aux conséquences socio-économiques, surtout aux conséquences sociales, causées par la Covid-19. Je suis particulièrement préoccupé par le secteur informel. C’était déjà un sujet assez important pour le BIT (Bureau international du travail, NDLR). Mon ambition, mon rêve, c’est de diriger cette organisation qui devrait à mon sens prendre le leadership pour nous assurer que chaque ménage – que ce soit au nord ou au sud – dispose d’un minimum de protection sociale. Et s’il y a une leçon que l’on a tiré du Covid-19, c’est le besoin d’une meilleure protection sociale. Évidement il ne faut pas être trop prescriptif: les besoins et les solutions peuvent varier entre États ou d’une région à l’autre. Pour autant, la question de l’universalisation de la protection sociale me paraît énorme. La question de la productivité – augmenter la productivité pas seulement des travailleurs mais aussi sectorielle – va être aussi importante, pour avoir une économie plus compétitive et pouvoir contribuer davantage aux besoins sociaux des travailleurs”.

Q: Pendant la campagne, les représentants des travailleurs vous ont apporté leur soutien, et certains vous ont qualifié de “porte-parole des travailleurs”. Comment réagissez-vous?
R: “J’ai été aussi surpris et trouvé cette critique amusante. Je ne me suis jamais considéré comme porte-parole des travailleurs, des employeurs ou des gouvernements. Je suis au centre. Dans une fonction comme la mienne, il faut être plutôt rassembleur et c’est ça le défi. J’ai des convictions. Le secteur public crée aussi de l’emploi mais c’est essentiellement le secteur privé qui crée de l’emploi, la richesse économique. Je le crois fondamentalement. Et pour moi ce n’est pas contradictoire de croire aussi à des valeurs que l’on peut juger progressistes. Notamment la protection des droits des travailleurs, pour moi c’est une question de décence humaine. Donc il faut essayer de mettre tout cela en équilibre et c’est ça le défi du directeur général”.

Q: L’Organisation mondiale de la santé, l’Organisation mondiale du commerce et l’Organisation internationale du travail sont maintenant dirigés par des Africains. Quel est votre regard à ce sujet?
R: “Je me réjouis que l’Afrique soit décomplexée et je suis très reconnaissant à mon gouvernement et à l’Union africaine d’avoir pensé à me proposer et à me soutenir jusqu’à cette victoire finale. Mais je me sens plutôt un DG élu pour le monde, pas seulement pour l’Afrique, et ma vision est internationale. Et il est important de garder à l’esprit que le multilatéralisme ne se limite pas à la Genève internationale. S’il est vrai qu’il y aura trois Africains à Genève, il est tout aussi vrai que, sur le plan international, si vous prenez toutes les agences du système onusien, il y a moins de 12% d’Africains. Et le fait que je sois élu veut dire que la place que j’occupais à Rome (à la tête du Fonds international de développement agricole, NDLR) devient vide, donc techniquement mon élection n’augmente pas le nombre”.