Guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine : quel impact en Afrique ?

Depuis son entrée en fonction, le président américain Donald Trump a mis en œuvre des politiques particulièrement hostiles à la Chine dont des restrictions commerciales. Plus récemment, des droits de douane de 20 % ont été ajoutés à toutes les importations en provenance de Chine et de nouvelles restrictions technologiques ont été imposées dans le cadre de la politique d’investissement America First (l’Amérique d’abord). Ce n’est pas la première fois que les tensions entre les États-Unis et la Chine montent. Historiquement leurs relations ont été marquées par des conflits économiques, militaires et idéologiques.


La chercheuse et économiste Lauren Johnston, spécialiste des relations sino-africaines, explique comment ces dynamiques peuvent également façonner les relations entre l’Afrique et la Chine.


Comment la Chine a-t-elle réagi aux politiques hostiles des États-Unis ?

Tout d’abord, la Chine réagit en général, officiellement avec défiance. Elle exprime sa déception, puis déclare que la politique des États-Unis ne profite ni aux deux pays ni à l’économie mondiale.

Deuxièmement, la Chine prend des mesures au niveau national qui privilégie ses industries principales les plus touchées.

Troisièmement, la Chine impose parfois des mesures de rétorsion.

En 2018, la Chine a imposé une taxe de 25 % sur le soja américain, une source essentielle d’alimentation animale. Le ministère américain de l’Agriculture a dû indemniser les producteurs de soja américains pour leurs pertes de revenus.

Autre exemple: en réaction aux sanctions américaines dans le domaine des technologies, la Chine veut renforcer son autonomie technologique en investissant des milliards dans les fonds dédiés à la technologie.

L’objectif est de mettre des financements à la disposition des entrepreneurs chinois et de repousser les limites technologiques dans les domaines ayant fait l’objet de sanctions, tels que les semi-conducteurs. Ces efforts sont soutenus par des subventions et des réductions d’impôts et dans certains cas, par des investissements directs de l’État chinois dans des entreprises technologiques.

Plus récemment, la Chine a riposté à la guerre commerciale américaine en en annonçant des taxes sur 80 produits américains. La Chine s’apprête à imposer des tarifs douaniers de 15 % sur certaines exportations d’énergie, notamment le charbon, le gaz naturel et le pétrole. Des tarifs douaniers supplémentaires de 10 % seront appliqués à 72 produits manufacturés, notamment les camions, les camping-cars et les machines agricoles.

Le commerce agricole a été durement touché. Le jour où les États-Unis ont annoncé une taxe de 10 % sur les importations chinoises, la Chine a annoncé « un tarif supplémentaire de 15 % sur le poulet, le blé, le maïs et le coton importés en provenance des États-Unis ». De plus, « le sorgho, le soja, le porc, le bœuf, les produits aquatiques, les fruits, les légumes et les produits laitiers seront soumis à une taxe supplémentaire de 10 %.

Comment ces réponses chinoises ont-elles affecté l’Afrique ?

Nous ne pouvons pas affirmer avec certitude que la réponse de la Chine aux tensions commerciales avec les États-Unis a explicitement affecté sa politique africaine, mais il existe des coïncidences notables.

Moins d’un mois après le retour de Trump à la Maison Blanche en 2025, et peu après l’application des premières taxes sur les exportations chinoises vers les États-Unis, la Chine a annoncé de nouvelles mesures visant à « renforcer les échanges commerciaux avec l’Afrique”.

Il s’agit de la dernière d’une série d’actions chinoises.

En janvier 2018, les hostilités commerciales ont commencé à s’intensifier après que Trump a imposé une première série de tarifs douaniers sur les machines à laver et panneaux solaires importés. Ces mesures ont eu un impact sur les exportations chinoises vers les États-Unis.

Plus tard, pendant la même année, la Chine a imposé des tarifs douaniers de 25 % sur les importations américaines de soja et a pris des mesures pour réduire sa dépendance vis-à-vis des produits agricoles américains. La Chine a également pris des mesures pour développer le commerce avec l’Afrique, en particulier le commerce agricole.

En septembre 2018, Pékin a accueilli le sommet du Forum sur la coopération sino-africaine (Focac), une réunion triennale des chefs d’État. Il a été annoncé que la Chine organiserait une exposition commerciale sino-africaine et favoriserait une coopération agricole plus étroite. Dans les jours qui ont suivi le sommet, le ministère chinois de l’Agriculture et des Affaires rurales avait déjà pris des mesures à cet égard. Une réunion des ministres africains de l’Agriculture s’est tenue à Changsha, dans la province du Hunan.

La province du Hunan occupe depuis lors une place centrale dans les relations sino-africaines. Elle accueille désormais un hall d’exposition permanente sur le commerce sino-africain et une grande exposition économique et commerciale sino-africaine bisannuelle (connue sous le nom de CAETE).

La province du Hunan accueille également la zone pilote pour une coopération économique et commerciale approfondie entre la Chine et l’Afrique. La zone a mis en place de nombreuses initiatives visant à surmonter les obstacles au commerce et aux investissements entre la Chine et l’Afrique, telles que le soutien dans les domaines du droit, de la technologie et des devises, ainsi que la formation professionnelle.

Enfin, la région est située dans une zone de libre-échange plus grande et mieux connectée à l’Afrique par des corridors aériens, maritimes et terrestres. Les exportations agricoles africaines vers la Chine transitent par le Hunan, où l’industrie locale soit utilise ces importations, soit les distribue dans tout le pays aux détaillants.

Les entreprises du Hunan sont bien placées pour jouer un rôle important dans le soutien du commerce sino-africain, en tirant parti des opportunités offertes par les hostilités sino-américaines.

Le géant de l’agritech du Hunan, Longping High-Tech, par exemple, investit dans la production de soja en Tanzanie.

Le Hunan est également un centre stratégique pour les secteurs de la construction, de la fabrication de l’électronique de transport en Chine. On y trouve le géant mondial de la construction Sany, qui produit des machines pour l’industrie lourde destinées aux secteurs de la construction, des mines et de l’énergie. BYD, le fabricant chinois de véhicules électriques, et son industrie ferroviaire électronique sont également implantés dans le Hunan. Ils ont des intérêts stratégiques et croissants en Afrique et peuvent également soutenir la course aux minéraux et aux technologies de pointe de la Chine avec les États-Unis.

Alors que l’hostilité entre les États-Unis et la Chine entre dans une nouvelle ère, quelles sont les implications pour les relations sino-africaines ?

Comme l’explique mon nouveau document de recherche, les pays africains, par exemple, réagissent aux nouvelles opportunités offertes par la Chine.

Fin 2024, alors que le monde attendait le retour de Trump, divers pays africains ont pris des mesures pour renforcer leurs liens économiques avec la Chine, en particulier avec la province du Hunan.

En décembre 2024, la Tanzanie est devenue le premier pays africain à ouvrir un bureau officiel de promotion des investissements dans la zone pilote de coopération sino-africaine de Changaha.

En novembre 2024, l’Exposition économique et commerciale Chine-Afrique et le Salon chinois des technologies de l’ingénierie se sont tenus à Abuja, au Nigeria. Des événements similaires ont été organisés au Kenya.

Début 2025, à Niamey, au Niger, une zone de coopération pilote conjointe a été inaugurée. Elle sert de partenaire direct de la zone pilote Chine-Afrique dans le Hunan.

Alors que la Chine se détourne des produits agricoles américains, par exemple, les producteurs agricoles africains peuvent en bénéficier. Les produits africains de substitution et les exportations potentielles bénéficieront d’une hausse des prix et d’un soutien accru de la Chine.

Le regain d’intérêt de la Chine pour le développement et pour le potentiel commercial de l’Afrique ouvrira de grandes perspectives. La question sera de savoir si les pays africains sont prêts à les saisir et à utiliser ce potentiel pour favoriser leur propre développement.

Par Lauren Johnston, Associate Professor, China Studies Centre, University of Sydney

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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