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Un mois de ramadan à l’économie à cause de l’inflation en Algérie galopante

30 mars 2023
5 min

Comme dans beaucoup de pays dans le monde, l’Algérie fait face à une inflation qui touche notamment les produits frais. À travers un plan d’augmentation des salaires, le gouvernement a tenté de soulager les ménages, mais cela reste insuffisant.

marche alger

«Tout est cher. Je vais me contenter de quelques abats de poulet pour agrémenter le repas de ce soir ». Debout devant le marchand de volailles, Djamila est contrariée. Cette quinquagénaire est venue au marché de Ain-Naadja, au Sud d’Alger, pour faire ses courses. En ce mercredi 29 mars, septième jour du ramadan, les prix des produits alimentaires frais sont toujours hauts malgré une sensible baisse, comparés aux premiers jours du mois de Carême, synonyme d’une fièvre dépensière pour les Algériens. A défaut d’acheter de la viande rouge dont les prix avoisinent les 2000 DA le Kg (environ 10 euros), devenue inaccessible pour la majorité des salariés, cette enseignante se rabat sur le poulet, dont le prix est de 450 DA (2 euros) le kg, pour faire son plat mijoté du soir.

Mais une semaine après le début du ramadan période pendant laquelle les Algériens sont particulièrement dépensiers, les ménages sont déjà à bout. « J’ai tout déboursé les premiers jours du mois Sacré, alors que tout était cher. Là, je dois me contenter du minimum », confesse Mohamed, un retraité. Avec sa pension de 35000 DA (175 euros), il arrive à peine à boucler les fins du mois. Tout comme Djamila, il doit se passer de beaucoup de produits. Et un tour dans le marché donne la mesure des augmentations : la tomate (1 euro, le kilo), les oignons à 2 euros ou encore la viande à 10 euros ont vu leurs prix atteindre des sommets. Cela est quasiment une mission impossible pour la majorité des ménages dont le revenu moyen ne dépasse pas les 200 euros. 

Il est vrai qu’après une flambée au cours des premiers jours du ramadan, due essentiellement à une demande exponentielle, les prix ont enregistré un recul une semaine plus tard. « Depuis quelques jours, les clients se font de plus en plus rares. Et les gens achètent de petites quantités », atteste Bakhti, un marchand de légumes dans ce marché situé dans un quartier très populaire d’Alger. Comme ses collègues, il est obligé de réduire ses marges bénéficiaires pour empêcher une très grande hausse des prix. Mais cela n’est pas évident. Etant en majorité hors-saison, les légumes, cultivés essentiellement sous serre dans le Sahara, sont hors de prix. A cela s’ajoute le comportement des « spéculateurs » qui font augmenter les prix à chaque veille de ramadan, selon un membre d’une association de protection des consommateurs.

Des produits subventionnés, des salaires augmentés… 

Pour tenter de casser les prix, les autorités algériennes ont décidé d’importer d’importantes quantités de viandes rouges. Vendues à des prix plafonnés à 1200 DA (6 euros), ces viandes bovines importées de Brésil et du Soudan sont écoulées dans des points de vente qui leur sont dédiées. Mais « cela reste insuffisant, puisque ces points de vente ne couvrent pas l’ensemble des communes du pays », proteste Saïd, fonctionnaire, rencontré dans un marché de proximité du centre-ville d’Alger.  Ces marchés, sensés permettre aux producteurs de vendre directement aux consommateurs, ont été mis en place par les autorités pour tenter de réduire les prix. Mais une visite sur les lieux nous a permis de constater que les prix des produits frais sur ces points de vente spéciaux ne sont pas très différents des prix pratiques sur d’autres marchés classiques de la capitale. 

Heureusement que pour tous les Algériens, les produits de base sont subventionnés. Ainsi, l’huile, la semoule, le sucre, le lait, la farine, les pâtes alimentaires, carburants et d’autres denrées et services sont cédés à des prix largement soutenus par l’État. A titre d’exemple, un litre de lait subventionné est vendu à moins de 2 centimes d’euros et une baguette de pain à beaucoup moins que cela. Cette politique évite donc une famine à beaucoup de familles modestes. Puis, pour aider ces foyers modestes, le gouvernement verse chaque début du mois de ramadan un chèque d’environ 50 euros à plus de 2,5 millions de familles. Une somme qui s’ajoute à d’autres aides apportées par des associations de bienfaisance qui collectent et distribuent des denrées alimentaires aux foyers nécessiteux.

Pour tenter de relever le pouvoir d’achat suite à l’inflation en Algérie, le gouvernement a augmenté les salaires des fonctionnaires. Ces hausses, pouvant aller de 3000 DA (15 euros) à 10000 DA (50 euros), ont vite été rattrapées par l’inflation et la dévaluation du dinar algérien, la monnaie locale, protestent les syndicats de fonctionnaires qui réclament des augmentations plus substantielles. Mais le président Abdelmadjid Tebboune a mis en avant « la nécessité de ne pas mettre en péril les équilibres financiers de l’État » et promet une autre augmentation pour l’année prochaine. Elle sera d’égale valeur que celle de cette année, a-t-il projeté.

En attendant, beaucoup de familles algériennes comptent sur la solidarité pour continuer à tenir le coup face à la hausse du coût de la vie.

Par Ali Boukhlef

Correspondant à Alger, Algérie