Au Mali, le Premier ministre Choguel Maïga, se disant « prêt à reprendre du service » après sa mise en repos forcé, fait désormais son retour à la primature ce lundi 5 décembre. L’annonce a été faite dimanche soir à la télévision nationale.
Après plusieurs mois de mise en repos forcé, le Premier ministre Choguel Maïga a fait sa première réapparition officielle le vendredi 25 novembre. C’était suite à une audience qui lui a été accordée par le président de la transition, Assimi Goïta, au Palais de Koulouba. « Après plus de trois mois d’absence, me revoici, parmi vous, en pleine possession de mes capacités physiques et intellectuelles », avait-il clamé.
Choguel va-t-il rester pour longtemps ?
Près d’une semaine après cette première réapparition publique, Choguel Maïga est ordonné officiellement à regagner son poste de Premier ministre dès ce lundi. Dans un décret lu ce dimanche soir à la télévision nationale par le secrétaire général de la présidence, Mamadou Oulalé, il est indiqué que « le colonel Abdoulaye Maïga [son intérimaire] est nommé en qualité de ministre d’État, ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation ». Ce qui permet ainsi à Choguel de reprendre du service. Mais le même décret précise que le ministre Abdoulaye Maïga, autrefois porte-parole du gouvernement, « assure [toujours] l’intérim du Premier ministre en cas d’absence, d’empêchement ou de vacances ». Ce qui signifie que Abdoulaye Maïga reste bel et bien dans la danse. Certains observateurs contactés par Tama Média voient en cela l’hypothèse d’une éventuelle future démission de Choguel, de lui-même, donnant lieu ainsi à un possible retour du colonel Abdoulaye Maïga à la tête d’un gouvernement remanié ou non. « J’ai vu Abdoulaye Maïga Premier ministre par intérim à la tâche comme quelqu’un qui manifeste une grande vitalité, agissant avec fermeté. Ses sorties (médiatiques) ont joué en sa faveur. Le nommer comme ministre d’État […], c’est comme pour rappeler aux gens le proverbe ‘’mieux vaut plier que rompre » , estime un analyste politique ayant préféré garder l’anonymat. Concernant le retour aux affaires de Choguel, l’analyste ajoute que cela peut laisser penser à une sorte de compromis avec les militaires, qui aboutirait à une possible démission de l’intéressé dans un futur proche pour qu’il puisse partir la tête haute..
Pour rappel, lorsque le ministre Abdoulaye Maïga a été nommé le 21 août 2022 pour assurer l’intérim de chef de gouvernement, beaucoup de partis politiques et regroupements, soutiens ou non de la transition comme le Cadre d’échange des partis et regroupements politiques pour le retour à l’ordre constitutionnel voyaient en lui un “rassembleur, un travailleur dévoué et un homme discret”. Tandis que Choguel, vétéran de la classe politique malienne, porté à la primature par le mouvement hétéroclite M5-RFP, aujourd’hui divisé est décrit de plus en plus dans l’opinion publique comme un “Premier ministre clivant, qui ne rassemble pas”, bien que l’on n’ait pas manqué de s’inquiéter de son état de santé.
« Pas de conflictualité au vrai sens du terme » ?
Depuis son hospitalisation dans une clinique privée de Bamako suite à un accident vasculaire cérébral (AVC), le doute, voire un mystère planait autour de sa situation, laissant croire à une situation de conflictualité avec le président Assimi Goïta et ses hommes.
Mais pour Dr. Abdoul Sogodogo, enseignant-chercheur en sciences politiques à l’Université des Sciences Juridiques et Politiques de Bamako (USJPB), il n’y avait pas en réalité cette situation de conflictualité : « D’un point de vue politique, ça peut être traité comme une situation confuse, mais en réalité, quand on regarde en tant qu’un observateur assez neutre, il n’y avait pas de conflictualité au vrai sens du terme », analyse-t-il. « Parce que dans une situation où il [Choguel] n’était plus à même d’assumer ses fonctions à cause de la maladie, il fallai nommer un Premier ministre par intérim ».
S’il y avait une volonté claire de la part du président d’écarter Choguel, « il l’aurait déclaré en situation d’incapacité à assumer ses fonctions et nommer directement un autre Premier ministre au lieu d’un intérimaire. Mais il ne l’a pas fait », fait observer Dr. Abdoul Sogodogo.
Par ailleurs, il faut rappeler que la Cédéao [Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest], attachée à ce que la primature revienne à un civil, suite notamment au deuxième coup de force, suit de près la situation socio-politique au Mali comme dans d’autres pays voisins en transition tels que le Burkina Faso et la Guinée. Le maintien de Choguel au poste de Premier ministre, en tout cas pour l’instant, serait donc selon certains observateurs un geste du pouvoir malien à l’endroit de la Cédéao pour éviter de nouvelles tensions.