L’armée a déjoué une tentative de coup d’Etat vendredi à Sao Tomé-et-Principe, petit archipel considéré comme un modèle de démocratie parlementaire en Afrique, le Premier ministre accusant l’ex-président de l’Assemblée nationale, qui a été arrêté, d’en être l’un des commanditaires.
Quatre hommes, dont l’ex-numéro 1 du Parlement, Delfim Nevès, ainsi qu’un ex-mercenaire déjà auteur d’une tentative de putsch en 2009, ont été arrêtés après avoir été dénoncés par un commando de quatre hommes capturés après six heures d’échanges de tirs au quartier général de l’armée, qu’ils avaient attaqué dans la nuit, selon le chef du gouvernement Patrice Trovoada.
“Je veux rassurer tout le monde, les forces armées ont la situation sous contrôle”, a déclaré le chef du gouvernement dans une vidéo. M. Trovoada y apparaît assis à un bureau, les traits fatigués, en tee-shirt blanc sous un vêtement de pluie bleu.
“Il y a eu une tentative de coup d’Etat qui a débuté autour de 00H40 et (…) s’est terminée peu après 6 heures du matin”, a-t-il poursuivi, ajoutant: “Les forces armées ont subi une attaque dans une caserne”.
Un militaire, “pris en otage”, a été blessé, “mais il pourra reprendre ses activités dans quelques jours”, a précisé M. Trovoada.
Une habitante contactée par téléphone a raconté sous couvert de l’anonymat qu’elle avait entendu des “tirs d’armes automatiques et d’armes plus lourdes, ainsi que des détonations, deux heures durant à l’intérieur du QG de l’armée” dans la capitale Sao Tomé.
“L’opération était commanditée par certaines personnalités du pays en complicité avec certaines autres au sein du camp de l’armée, les quatre assaillants ont été interpellés et ont dénoncé certains autres, dont Delfim Nevès et Arlecio Costa”, a assuré M. Trovoada.
“Un groupe de quatre personnes associé au tristement célèbre Bataillon Buffalo ont pénétré dans la caserne, tandis qu’un autre groupe se trouvait à l’extérieur (…) dans des fourgonnettes” qui, eux, n’ont pas pu être arrêtés, a détaillé M. Trovoada.
Delfim Nevès était le président de l’Assemblée nationale sortante et a perdu cette fonction le 11 novembre lors de l’installation de la nouvelle chambre issue des législatives du 25 septembre, remportées à la majorité absolue par le parti de centre droit de M. Trovoada, l’Action démocratique indépendante (ADI).
M. Neves avait également été éliminé dès le premier tour de la présidentielle du 18 juillet 2021, finalement remportée par l’ADI Carlos Vila Nova. “Certains n’acceptent pas la volonté des urnes”, a lâché M. Trovoada.
Alternances politiques
Arlecio Costa, lui, est un ancien mercenaire du groupe sud-africain “Bataillon Buffalo”, un sulfureux groupe de sécurité privé démantelé en 1993 par Pretoria. En février 2009, alors chef d’un petit parti d’opposition, il avait déjà été arrêté et accusé d’être le meneur d’une tentative déjouée de coup d’Etat 12 jours auparavant.
“La situation dans la caserne est sous contrôle, mais nous devons avoir la certitude que le pays est complètement sous contrôle”, a assuré M. Trovoada. Il a annoncé qu’une enquête était en cours et expliqué que l’armée “a l’obligation de clarifier la situation, s’il y a eu d’autres ramifications au sein des forces armées”.
Des militaires ont été déployés dans la nuit pour sécuriser les résidences des membres du gouvernement et du président de la République, a également témoigné une habitante contactée après avoir fait un tour en voiture dans la capitale.
“La ville est calme, les gens vaquent à leurs occupations normales mais les écoles ont demandé aux parents de ne pas envoyer leurs enfants”, a-t-elle dit.
Deux grands partis se disputent la direction du pays depuis son indépendance en 1975: l’ADI de M. Trovoada et le Mouvement de libération du Sao Tomé-et-Principe-Parti social-démocrate (MLSTP-PSD, centre-gauche).
Ce petit pays pauvre est habitué aux alternances au pouvoir de ces deux formations qui dominent la scène politique depuis l’instauration du multipartisme en 1991, après 15 années d’un régime marxiste de parti unique dans cette ancienne colonie portugaise.
A la suite de plusieurs tentatives de coup d’Etat, les dernières en 2003 et 2009, le régime parlementaire s’y est affirmé et a permis plusieurs alternances entre l’ADI et le MLSTP, ce dernier étant issu de l’ancien parti unique.
La rédaction avec AFP