L’UA élit son nouveau chef dans un contexte sécuritaire tendu

Pendant le sommet des 15 et 16 février, les chefs d’État africains vont élire le président de la Commission de l’instance panafricaine. Ils se pencheront aussi sur les principaux conflits qui ravagent le continent, et lanceront la thématique de l’année à venir, consacrée aux réparations.

sommet UA

Comme tous les quatre ans, les chefs d’État africains s’apprêtent à élire le président et le vice-président de la Commission de l’Union Africaine (UA). Le scrutin aura lieu au siège de l’instance panafricaine, à Addis-Abeba, lors du 38ème sommet de l’UA ces 15 et 16 février. Pour succéder au président sortant, le Tchadien Moussa Faki Mahamat, qui a atteint la limite de deux mandats, trois candidats sont en lice. L’ex-Premier ministre kényan Raila Odinga et le ministre des Affaires étrangères djiboutien Mahamoud Ali Youssouf font la course en tête, suivis du ministre des Affaires étrangères malgache Richard Randriamandrato.

« Nous allons nous focaliser sur la nouvelle commission, mais l’état de sécurité du continent fait également partie des priorités », résume une source au sein du Conseil de paix et de sécurité de la Commission. Les deux conflits majeurs, au Soudan et dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC), seront évoqués, même si aucune annonce majeure n’est attendue.

Les généraux soudanais absents du sommet

Pour cause, la guerre entre les Forces armées soudanaises et les Forces de soutien rapide s’enlise depuis bientôt deux ans. Les efforts du « Groupe de haut niveau » formé par l’UA et dirigé par le Ghanéen Mohamed Ibn Chambas n’ont pas porté leurs fruits. « Nous devons améliorer la coordination entre les différentes initiatives qui tentent de mettre fin au conflit », résume un diplomate qui a participé à une réunion au siège de l’UA consacrée au pays des deux Nils le 11 février. Le Soudan étant suspendu de l’UA depuis le coup d’État du 25 octobre 2021, les deux généraux rivaux ne seront pas présents ce week-end, éloignant encore toute perspective de réconciliation. Ces derniers s’apprêtent d’ailleurs à annoncer deux nouveaux gouvernements respectifs. L’un à Port-Soudan, la capitale de facto de l’armée située à l’Est, et l’autre en zone contrôlée par les paramilitaires, à l’Ouest.

La situation n’est guère mieux engagée en RDC. La rencontre sous l’égide de la Communauté des États d’Afrique de l’Est (EAC) et de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) – deux instances liées à l’UA – du 8 février entre les présidents congolais, Félix Tshisekedi, et rwandais, Paul Kagame, n’a pas permis de faire cesser les combats. Le 12 février, Kinshasa a fermé son espace aérien aux avions rwandais. Le Rwanda est en effet le principal soutien étranger reconnu des rebelles du M23, le (« Mouvement du 23 mars »). « Il est possible que les chefs d’État trouvent une voie pour augmenter le nombre de soldats soutenant l’armée congolaise sur le terrain afin que les rebelles du M23 quittent Goma », reprend la source au sein du Conseil de paix et de sécurité.

Élargir le processus de paix en RDC

Les chefs d’État pourraient aussi accepter la proposition de Paul Kagame d’organiser des négociations entre l’ensemble des groupes armés impliqués, explique Patricia Agupusi, professeure adjointe de sciences sociales au Worcester Polytechnic Institute (aux États-Unis). « Il est important d’associer l’ensemble des groupes ayant des intérêts dans la région, et les populations qui demandent le retour de la paix, en incluant les femmes. Un nouveau contrat social pourra ainsi être établi », souligne la chercheuse. La sécurité devrait donc figurer en haut de l’agenda du nouveau président de la Commission. Pour l’épauler, le commissaire aux affaires politiques, à la paix et à la sécurité, Bankole Adeoye, qui vient d’être réélu au cours de la 46ème session ordinaire de l’UA des 12 et 13 février, également au siège de l’instance.

« Peu importe qui succède à Moussa Faki Mahamat, il sera confronté à la résolution des crises », insiste une source diplomatique. La situation demeure en outre instable au Sahel, au Mozambique, au Soudan du Sud, ou encore en Éthiopie. L’intégration de la jeunesse au sein de l’UA et de l’instance sur la scène internationale fait partie des autres chantiers qui attendent le gagnant du scrutin. Par exemple, les dirigeants africains tentent, depuis plusieurs années, d’obtenir un siège permanent au Conseil de sécurité de l’Onu. L’organisation panafricaine a également amorcé un processus de réforme interne en janvier 2017. « Le problème, c’est que pour le moment le président de la Commission n’a pas le pouvoir de résoudre les conflits. Seule la bonne volonté des chefs d’État pourrait permettre de faire changer cela », indique Babatunde Fagbayibo, professeur de droit international à l’université de Pretoria (Afrique du Sud). L’an dernier, Moussa Faki Mahamat a regretté que 93 % des décisions de l’instance restent lettre morte.

Établir un cadre commun pour les réparations

Le sommet de ce week-end permettra enfin de lancer officiellement la thématique de l’année à venir dédiée à « la justice pour les Africains et les personnes d’ascendance africaine par les réparations ». « D’ici fin 2025, nous espérons faire émerger une position africaine commune et un programme d’action sur les réparations, précise Kyeretwie Osei, chef des programmes au Conseil économique, social et culturel de l’UA. Cela permettra aux pays membres de parler des mêmes perspectives, avec les mêmes définitions, les mêmes éléments de contexte, et ainsi d’être capables de répondre aux contre-arguments. »

Les contours des demandes de réparations restent donc à être définis. Mais le spectre devrait être large, balayant les ravages du commerce triangulaire, les pillages pendant la colonisation jusqu’aux actuelles réclamations de justice climatique. Et Kyeretwie Osei de conclure : « Cela fait des décennies que les Africains ont été laissés derrière. Maintenant, il faut que nous puissions arriver au même niveau de développement que le reste de la population mondiale. Nous devons éliminer toutes les barrières systémiques qui font obstacle. »

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