En exil en Côte d’Ivoire depuis la démission forcée de son père Ibrahim Boubacar Kéïta, le 18 août 2020, Karim Kéïta brise enfin le silence suite aux sanctions annoncées du Trésor américain à son encontre.
C’est par un communiqué posté sur son compte Twitter, daté du 14 décembre, que Karim Kéïta, fils du défunt président Ibrahim Boubacar Kéïta, a tenu à briser le silence depuis son exil en Côte d’Ivoire, pays voisin du Mali. Deux pays en froid depuis l’arrestation des militaires ivoiriens à l’aéroport international Modibo Keita de Bamako et considérés par Koulouba comme « des mercenaires ».
« Depuis la rupture de l’ordre constitutionnel dans mon pays, le Mali, et soucieux de ne gêner en rien ni le pays qui m’a offert l’hospitalité en toute fraternité [la Côte d’Ivoire], ni la bonne marche de la transition au Mali, je me suis astreint à un strict devoir de réserve qu’aucun évènement n’est venu entamer ni prendre à défaut », a-t-il commencé par faire savoir. Se disant surpris de la décision du Trésor américain l’incriminant « à tort », selon ses mots, il se “sent obligé” d’apporter des clarifications.
Ce qui est reproché à Karim Keïta par le trésor américain
Dans le document de l’OFAC [Office of Foreign Assets Control], rendu public le 9 décembre dernier, il est reproché à l’ancien député et président de la commission défense de l’Assemblée nationale malienne, sous le défunt régime de son père Ibrahim Boubacar Kéïta, des faits de corruption allant du détournement de fonds publics à la réception de pots-de-vin dans le but de favoriser l’attribution de certains contrats à des entreprises. Il lui est également reproché de s’être arrangé, par l’intermédiaire du président d’alors, à mettre à la retraite “des fonctionnaires ne soutenant pas sa corruption”. Le Trésor américain estime également qu’il a organisé “des pots-de-vin pour soutenir son père Ibrahim Boubacar Kéïta à sa réélection en 2018 à la tête de la magistrature suprême du pays. Le Trésor américain indique qu’en Côte d’Ivoire où il est exilé, Karim occupe le poste de PDG de Konijane Strategic Marketing, désigné par OFAC comme société lui appartenant.
Ainsi, le pays de l’oncle Sam a décidé de prendre des sanctions à son encontre. Il s’agit du gel de ses avoirs privés et de l’interdiction de se rendre aux USA, notamment pour des soupçons de corruption en rapport avec l’achat de l’avion présidentiel et des équipements militaires en 2014, ou encore pour des accusations liées à l’extraction de ressources naturelles.
Pour sa défense, Karim Kéïta affirme avoir « constaté que cette décision a été prise unilatéralement, sans recoupement aucun, ni aucun contact avec [lui] ». En voulant ainsi clamer son innocence par rapport aux faits qui lui sont reprochés, dont il affirme être « étranger », Karim Kéïta indique demeurer « confiant en ce que des mécanismes internes au système Américain (sic) existent […] ». Et qu’il y ait « recours en temps utile ».
Rappel d’autres antécédents
Ayant été au cœur du défunt régime de son père, de 2013 à août 2020, plusieurs autres accusations planent sur la tête de celui qui était considéré à l’époque comme « le fiston national ». Il est notamment cité dans la disparition, le 29 janvier 2016, du journaliste Birama Touré. Selon les dernières révélations en date de Reporters Sans Frontières, ce journaliste aurait été « enlevé », « détenu » puis « torturé » et « probablement mort » sur son ordre, à la Sécurité d’État.
L’OFAC reconnaît, lui aussi, dans le même document publié le 9 décembre dernier, en marge de la Journée des droits de l’Homme et la Journée mondiale de lutte contre la corruption, son présumé rôle dans cette disparition et « mort apparente » du journaliste Birama Touré. En juillet 2021, en exil en Côte d’Ivoire, la Justice malienne a émis un mandat d’arrêt international à son encontre pour justement l’entendre sur cette affaire dans laquelle il est cité.
Dans le dossier des 49 soldats ivoiriens arrêtés au Mali, dont 3 soldates libérées pour, dit-on, des raisons humanitaires, Bamako a demandé officiellement à Abidjan de le lui remettre avec d’autres dignitaires de l’ancien régime comme l’ex-Premier ministre Boubou Cissé et l’ex- ministre Tiéman Hubert Coulibaly. Ce qui fut rejeté par la partie ivoirienne tout en demandant aux concernés un devoir de réserve. Le document de l’OFAC cible plus de 40 personnes et entités comme le président déchu Alpha Condé en Guinée.