Tard dans la soirée du jeudi 16 février, un extrait d’une vidéo de l’AFP ( Agence France Presse) datant de 2010 est largement partagée sur les réseaux sociaux, notamment Facebook, Twitter et dans de nombreux groupes WhatsApp, faisant croire à un coup d’État dans la même nuit contre le président nigérien Mohamed Bazoum. Attention à la folle rumeur qui continue de circuler sur les réseaux sociaux.
Dans la séquence, l’on peut apercevoir des militaires tenant des déclarations devant une foule de personnes. « L’acte qu’on a posé, on l’a posé à votre nom dans l’intérêt supérieur de la Nation nigérienne et nous vous donnons l’assurance que nous n’allons jamais vous décevoir », a déclaré un militaire visiblement haut gradé de l’armée nigérienne devant une foule de personnes. Trois pancartes, brandies côte à côte, sont visibles dans la vidéo avec un fond sonore. « Vive l’armée nigérienne », peut-on lire sur une pancarte et « Vive l’armée » sur une autre. Celle au milieu est quant à elle moins lisible.
Cette séquence a largement été relayée sur les réseaux sociaux à partir de la soirée du jeudi 16 février, aux environs de 23 heures GMT. « Coup d’État actuellement au Niger [sic]», « Coup d’État au Niger », « Coup d’État confirme au Niger [sic] », sont entre autres les légendes accompagnant la courte vidéo notamment sur le réseau social Facebook, dans des groupes WhatsApp et sur Twitter. Dans les commentaires, certains internautes ont réagi, affirmant ainsi qu’il s’agirait du coup d’État intervenu au Niger en 2010 et non un autre qui serait en cours.
Quel est le contexte réel de la vidéo ?
Partant de ces réactions, nous avons effectué des recherches sur YouTube avec « Coup d’État contre Tandja » comme mots-clés. Les résultats de notre requête nous ont permis de trouver rapidement le contexte exact de la vidéo. Celle-ci est postée le 21 février 2010, sur la chaîne AFP, l’Agence France-Presse : « Par milliers, les Nigériens saluent la junte au Niger », lit-on en titre de la publication. C’était effectivement suite au coup d’État intervenu le 18 février 2010 au Niger : la vidéo réalisée par l’AFP avait été enregistrée au lendemain de ce putsch, lors de la manifestation de soutien aux militaires — à l’appel d’une coalition d’opposition au pouvoir de Mamadou Tandja.
« […] Des milliers de Nigériens ont convergé samedi à Niamey pour un rassemblement de soutien à la junte qui a renversé le président Mamadou Tandja. Le président du Conseil suprême pour la restauration de la démocratie, Salou Djibo, a pris la parole devant la foule. […] », avait légendé l’AFP sa vidéo de 55 secondes — qui est visiblement enregistrée en plein jour contrairement à ce que laisssent croire ceux qui ont relayé la folle rumeur dans la nuit de jeudi.
Démenti formel du gouvernement nigérien
Mieux, le gouvernement du Niger, par la voix de son porte-parole — le ministre Tidjani Abdoul Kadri — a démenti l’information via un document officiel daté du 17 février dans lequel il parle de “mensonges grossiers qui sont distillés à travers des images d’archives”, a rapporté l’Agence nigérienne de presse (ANP) dans une dépêche.
Pour rappel, la folle rumeur est intervenue alors que le président Mohamed Bazoum était en déplacement en Europe : une visite de travail de 48 heures à Bruxelles, au siège de l’Union européenne, puis à quelques heures de sa visite en France, à Paris pour rencontrer son homologue français Emmanuel Macron.
Tentative de coup d’État en mars 2021
C’est donc dans ce contexte que l’extrait de la vidéo de l’AFP datant de février 2010 a été largement partagée pour prétendre à un éventuel coup d’État contre le président Bazoum, ce qui s’est avéré faux. Deux autres vidéos ont également circulé sur la rumeur dont une de France 24, en réalité datée du 31 mars 2021 où l’envoyé spécial de la chaîne Cyril Payen répondait en direct aux questions d’Elisabeth Allain.
La dernière tentative de coup d’État militaire au Niger a eu lieu dans la nuit du 30 au 31 mars 2021, à deux jours de la passation du pouvoir entre Bazoum et son prédécesseur Mahamadou Issoufou. Le procès de cinquante-huit présumés auteurs de cette tentative, majoritairement des militaires, s’est ouvert le 13 décembre 2022 devant le tribunal militaire — siégeant à l’école de gendarmerie de Koira Tegui de Niamey, dans la capitale nigérienne. Il est mis en délibéré au 24 février prochain.
Ce qu’il faut retenir
En conclusion, il faut noter, à la lumière des éléments présentés, que la vieille vidéo de l’AFP a été sortie de son contexte pour prétendre à un nouveau coup d’État au Niger. Dans ce pays de l’espace Cédéao et du Sahel, aucun putch ni tentative de putch n’a eu lieu le jeudi 16 février 2023.
Le dernier putch en date, réussi dans le pays de Hamani Diori et de Seyni Kountché, est celui de 2010 — conduit par le général Salou Djibo, qui a annoncé sa retraite anticipée de l’armée en mai 2019 pour fonder son propre parti [Paix, Justice, Progrès — PJP]. Et investi en août de la même année candidat aux présidentielles de 2020, lesquelles ont été remportées par Mohamed Bazoum qui était le candidat du parti au pouvoir [Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme].