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Sénégal : la colère gronde après la condamnation d’Ousmane Sonko

01 juin 2023
7 min

Accusé de « viols répétitifs » et « menaces de mort » sur une masseuse d’un salon dakarois, l’opposant politique a écopé, jeudi matin, d’une peine de 2 ans de prison ferme pour « corruption de la jeunesse ». Suite au verdict, des affrontements à Dakar et à Ziguinchor entre les partisans de Sonko et les forces de l’ordre ont fait au moins 9 morts selon les autorités.

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Affrontements entre policiers et partisans d’Ousmane Sonko à Dakar
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Une voiture en feu lors des affrontements entre des policiers et les partisans d’Ousmane Sonko

Le 1er juin n’est pas une fête légale au Sénégal. Pourtant, dans la capitale qui concentre l’essentiel des activités économiques du pays, peu de gens ont vaqué à leurs occupations. Les écoles et universités étaient fermées. La raison, le verdict de la Chambre criminelle du Tribunal de Dakar dans l’affaire Ousmane Sonko – Adji Sarr laissait craindre des violences.

À l’entame de l’audience, après le procès du 23 mai dernier, les avocats de Ndèye Khady Ndiaye, la propriétaire de Sweet Beauté, le salon de massage où travaillait l’accusatrice, ont introduit une requête pour la réouverture des débats. Les conseils de Sonko ont également effectué une demande de rabat. Mais les juges ont tout rejeté, avant de lever le suspense.

Ousmane Sonko a été acquitté pour les faits de « viols et menaces de mort », mais reconnu coupable « de corruption de la jeunesse » synonyme de « deux ans de prison ferme » et d’une amende de « 600.000 F CFA (910 euros) » en vertu de l’article 324 du Code pénal.

En état de grossesse avancée, Ndèye Khady Ndiaye, relaxée pour les faits de « complicité de viols », a été condamnée à la même peine pour « incitation à la débauche ». Tous les deux, en outre, sont contraints à verser solidairement 20 millions F CFA (30.300 euros) de dommages et intérêts à Adji Sarr.

« Ce verdict sur commande est l’ultime étape du complot ourdi par Macky Sall et ses sbires à l’encontre du principal opposant de ce pays. Jamais la République du Sénégal et ses institutions n’ont été autant bafouées, souillées et désacralisées. La survie du Sénégal et des Sénégalais est en jeu », a réagi, à travers un communiqué, le Bureau politique national des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef).

Poursuivant, le parti de Sonko a demandé aux gens épris de justice de « (descendre) dans la rue pour faire face aux dérives dictatoriales et sanguinaires du régime de Macky Sall jusqu’à son départ à la tête de l’État » et invité « les forces de l’ordre et l’armée à se mettre du côté du peuple opprimé (en désobéissant) aux ordres illégaux et antirépublicains. »

Bien avant cet appel, de Saint-Louis (Nord) à Ziguinchor (Sud) en passant par Dakar (Ouest), des jeunes ont barré des routes, brûlé des pneus, incendié des véhicules, des établissements publics et engagé des heurts avec les forces de défense et de sécurité. Dans un flou total à propos d’un potentiel mandat d’arrêt de leur leader, les partisans de l’ancien Inspecteur des Impôts et Domaines ont convenu, sur les réseaux sociaux, de rallier la Cité Keur Gorgui, le quartier résidentiel de la capitale où vit Ousmane Sonko.

La justice au banc des accusés

Depuis l’éclatement de cette affaire, le 3 mars 2021, Sonko a admis être allé à Sweet Beauté pour soulager des douleurs dorsales et nié en bloc les accusations de « viols répétitifs » et « menaces de mort ». Face aux journalistes, présents aujourd’hui devant le Tribunal de Dakar, Me El Hadj Diouf, avocat de la plaignante, a déclaré que « (sa) cliente n’est pas totalement satisfaite du verdict », non sans apprécier « une grande victoire sur une personne qui se croyait au-dessus de l’État. »

Ayant couvert le procès d’il y a juste une semaine, Ayoba Faye, journaliste à PressAfrik, s’est fait une religion : « Kader Boye, l’éminent Professeur de Droit, ancien Recteur de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad), a écrit noir sur blanc que l’affaire Sweet Beauté n’aurait pas dû dépasser l’étape de l’enquête préliminaire. Je suis de cet avis.  La partie accusatrice avait l’occasion, mardi dernier, d’étaler ses preuves matérielles. Hélas, rien n’a été versé dans le dossier. Ce procès a coûté la vie à plusieurs concitoyens. Je ne sais pas si on mesure la gravité de la situation qui peut être dorénavant incontrôlable. »

Journaliste réputé et candidat déclaré à l’élection présidentielle censée se tenir le 25 février 2024, Mamoudou Ibra Kane s’est demandé « qui sont les vrais responsables de cette sordide affaire ? ». Selon Birahim Seck, Coordonnateur du Forum civil, section sénégalaise de Transparency International, « il est impératif que cette mascarade s’arrête. La justice doit être réformée de la cave au grenier ». Défenseure de la cause des femmes, Jaly Badiane a fustigé l’utilisation du viol comme « arme politique. » D’après Dr Babacar Diop, maire de Thiès (Ouest), cette condamnation est « la manifestation la plus achevée de la corruption de la justice de notre pays. Ce verdict est à la fois un acquittement pour Ousmane Sonko et une condamnation morale de la justice contre elle-même. »

Khalifa Ababacar Sall, ancien édile de Dakar, a quant à lui dénoncé « une nouvelle manœuvre judiciaire dont le but ultime est de perpétuer le processus d’élimination d’adversaires politiques. » Suffisant pour qu’Abdourahmane Diouf, président du parti Awalé, plaide pour la démission de Macky Sall. « Il doit partir. S’il avait été conscient de la situation, il ferait une déclaration à la nation ce jour pour mettre fin au stress institutionnel permanent et se mettre lui-même hors course. C’est la clé de la paix sociale dans notre pays. Il nous le doit bien », a-t-il dit.

Un ex-ministre de l’Enseignement supérieur de l’actuel chef de l’État, Mary Teuw Niane pour ne pas le nommer, a exprimé la même idée parce qu’« il y a trop de blessés, de dégâts, de peurs, de haine et de discorde. » Une fracture de la société qui aurait déjà causé des morts par balles réelles, à Ziguinchor notamment, de manifestants.

Hasard du calendrier ou pas, hier jeudi, au Palais de la République, un dialogue national s’est ouvert pour éviter l’impasse. Au même moment, les forces de l’ordre ont empêché la tenue d’un « dialogue du peuple », dans la banlieue dakaroise, initié par une frange de l’opposition et de la société civile.

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