Le président sénégalais, Macky Sall, dans un message à la Nation d’une trentaine de minutes, prononcé lundi soir, a expliqué sa décision par la volonté d’honorer une promesse même si la Constitution en vigueur, d’après lui, lui donne le droit de briguer un autre mandat de cinq ans.
Lundi 3 juillet 2023. Jour J. Depuis plusieurs années, le président Macky Sall entretenait sciemment le flou sur ses intentions. Ce soir, il s’est enfin décidé à clarifier son « ni oui ni non » sur une éventuelle troisième candidature à la prochaine élection présidentielle. Car le 25 février 2024, date retenue pour le scrutin, c’est demain.
À 20 heures (heure locale), la capitale Dakar, privée d’une bonne partie de ses habitants, partis fêter l’Aïd el-Kébir auprès de leurs familles, à l’intérieur du pays, retient son souffle. Le Lion rouge, l’hymne national, retentit dans les foyers à travers la Radiodiffusion Télévision Sénégalaise (RTS, publique). Le moment est solennel, le peuple à l’écoute.
La fin d’un long suspense
Macky Sall, vêtu d’un costume bleu, a finalement déclaré qu’il ne sera pas candidat : « Contrairement aux rumeurs qui m’attribuaient une nouvelle ambition présidentielle, je voudrais dire que j’ai une claire conscience et mémoire de ce que j’ai dit, écrit et répété ici et ailleurs. C’est-à-dire que le mandat de 2019 était mon second et dernier. C’est cela que j’avais dit et c’est cela que je réaffirme ce soir. J’ai un profond respect pour les Sénégalais et les Sénégalaises qui m’ont lu et entendu. J’ai un code d’honneur et un sens de la responsabilité historique qui me commandent de préserver ma dignité et ma parole. »
Poursuivant, le président élu pour la première fois en 2012 a affirmé que sa décision de se limiter à deux mandats contre vents et marées a été « longuement et mûrement réfléchie ». Dans la lignée de ses prédécesseurs Léopold Sédar Senghor, Abdou Diouf et Abdoulaye Wade, « dont les parcours sont bien sûr différents, mais qui ont contribué chacun à construire l’image de ce Sénégal démocratique qu’il faut perpétuer », Macky Sall ne voulait pas « faire moins ».
Toutefois, a-t-il ajouté, je sais que cette décision surprendra tous ceux et celles dont je connais l’admiration, la confiance et la fidélité sincère. Elle surprendra aussi ceux et celles qui souhaitent me voir encore guider la construction du Sénégal qui trouve de plus en plus ses marques. Mais le Sénégal dépasse ma personne et il est rempli de leaders également capables de pousser le pays vers l’émergence.
Depuis la réélection de Macky Sall en 2019, après la révision constitutionnelle de 2016, la controverse sur une possible 3e candidature était notamment nourrie par le silence du principal concerné. « Je n’ai jamais voulu être l’otage de cette injonction permanente à parler avant l’heure. Car mes priorités portaient surtout sur la gestion d’un pays, d’une équipe gouvernementale cohérente et engagée dans l’action pour l’émergence dans un contexte socioéconomique difficile et incertain », s’est justifié le fondateur de l’Alliance Pour la République (APR, parti au pouvoir).
Transmission pacifique du pouvoir
Si tout se passe donc comme prévu, Macky Sall sera le premier chef de l’État du Sénégal à organiser une élection présidentielle à laquelle il ne participera pas. Il prend ainsi à contre-pied beaucoup de monde y compris dans son propre camp. « J’ai suivi avec attention et émotion les différentes manifestations de soutien à ma candidature pour un second quinquennat. La dernière étant celle des 512 maires et présidents de Conseil départemental sur les 601 que compte notre pays. À cela s’ajoutent les soutiens de la diaspora, des mouvements de jeunes, de femmes, de sages, d’enseignants, d’arabisants, de religieux et bien d’autres groupes. Tous étaient déjà prêts pour mener le combat de ma réélection. À tous ces compatriotes, je voudrais exprimer ma profonde gratitude », a-t-il énoncé.
Le 2 avril 2024, Macky Sall devrait transmettre le témoin au 5e président du Sénégal. D’ici là, il s’est engagé « à assumer avec responsabilité et fermeté toutes les charges qui incombent à (sa) fonction et à continuer de consacrer toutes (ses) forces à défendre sans faille les institutions constitutionnelles de la République, le respect des décisions de justice, l’intégrité du territoire, la protection des personnes et des biens. »
Pour le temps qu’il lui reste à la tête de l’État du Sénégal, Macky Sall entend aussi œuvrer pour « la paix, la stabilité, le respect du droit, de l’ordre public dans l’unité nationale et la cohésion sociale. » Dans ce dessein, il dit compter sur ses compatriotes pour combattre « l’activisme des ennemis de l’intérieur et de l’extérieur » puisque « l’enjeu essentiel, c’est que notre cher Sénégal, ce pays que j’ai au cœur, que vous avez au cœur, garde le cap vers l’émergence. »
Farouche opposant à Macky Sall, Ousmane Sonko a effectué, hier soir, une déclaration. Dans un live Facebook, suivi par près de 100.000 personnes, le maire de Ziguinchor (Sud) a encore appelé ses partisans à « sortir pour affronter le régime de Macky Sall et refuser qu’il choisisse les candidats à la prochaine élection présidentielle. »
À en croire l’ancien Inspecteur des Impôts et Domaines, le dialogue national qu’il a boycotté et dont les recommandations ont été remises, le 24 juin dernier, au chef de l’État, vise à l’écarter de la course au palais de la République. En tout cas, « la mise en œuvre débutera cette semaine par la saisine de l’Assemblée nationale pour la modification de certaines dispositions de la Constitution et du Code électoral entre autres », a soutenu Macky Sall dans son message à la nation.
Ce discours, le président sénégalais l’a terminé avec une exaltation de la fibre patriotique : « Notre modèle de société est fondé sur la démocratie, la liberté, le respect de nos valeurs socioculturelles, le respect de ce vivre-ensemble qui a su jusqu’ici nous rassembler, le respect de nos religions, de nos confréries et de nos guides religieux. En somme, le respect de notre identité collective qui est ancrage dans le socle socioculturel sénégalais et africain, mais aussi ouverture dans la modernité. C’est seulement ainsi que nous pourrons poursuivre ensemble, épaule contre épaule, notre élan vers notre destin commun, fidèle à notre devise nationale (Un Peuple – Un But – Une Foi). »