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Algérie : Pourquoi Tebboune ne se rendra pas à Paris début mai

22 avril 2023
5 min

Le chef de l’Etat algérien ne se rendra finalement pas à Paris début mai. Annoncée pour le 2 et 3 mai prochains, une visite d’Etat de Abdelmadjid Tebboune en France n’aura pas lieu à la date prévue. Des sources médiatiques annoncent que l’échéance est décalée. Pourquoi ?

Le chef de l’Etat algérien ne se rendra finalement pas à Paris début mai. Annoncée pour le 2 et 3 mai prochains, une visite d’Etat de Abdelmadjid Tebboune en France n’aura pas lieu à la date prévue. Des sources médiatiques annoncent que l’échéance est décalée. Pourquoi ?
Le chef de l’Etat algérien ne se rendra finalement pas à Paris début mai.

L’information a été révélée il y a trois jours par Tama Média. Le président algérien devait se rendre en France du 2 au 3 mai. La visite alors qualifiée d’historique est finalement reportée sine die mais aucune communication officielle, à Alger comme à Paris, n’est venue expliquer les raisons du report. Des sources concordantes donnent cependant au moins trois explications.

A commencer par le fond. Pour réussir une visite d’Etat, le protocole –grandiose selon le programme en discussion entre les deux pays- ne suffit pas. Il faut signer des accords, faire des annonces concrètes. Or, de tous les dossiers qui minent depuis des années les relations algéro-françaises, rares sont ceux qui sont arrivés à maturation. Depuis la visite du président français, Emmanuel Macron, en Algérie en août 2022, seul celui de l’attribution des laissez-passer consulaires, ce fameux document que doit donner une représentation consulaire algérienne pour permettre le rapatriement d’un ressortissant expulsé de France, a avancé un peu. Le nombre de ressortissants algériens qui ont quitté le territoire français depuis le début de cette année a en effet dépassé 200 personnes, en hausse par rapport à la même période de l’année dernière. En contrepartie, les autorités françaises ont augmenté le nombre de visas attribués aux Algériens.

Pour le reste des dossiers, tout est au point mort. Ainsi, le lancinant problème de la gestion des conséquences des essais nucléaires français dans le Sahara est toujours au point mort. L’Algérie demande une décontamination des sites situés dans le Sahara, l’indemnisation des victimes et la divulgation des cartes de ces essais qui se sont étalés de la fin des années 1950 jusqu’aux années 1970. Pour l’instant, les discussions sont en cours. Mais un accord n’est toujours pas trouvé. Il en est de même pour les disparus durant la guerre d’indépendance algérienne (1954-1962). Il s’agit de personnes arrêtées par les autorités françaises qui n’ont jamais été retrouvées jusqu’à présent. Or, les autorités algériennes sont persuadées que leurs homologues françaises détiennent des archives qui peuvent aider à retrouver certains d’entre eux.

Dans le domaine de la mémoire, un autre dossier bloquait jusqu’à mercredi soir : la commission mixte d’historiens qui devaient travailler sur l’histoire de la colonisation n’était pas au complet parce que la partie française n’avait pas encore constitué sa partie. Cela n’a été annoncé que mercredi en fin de journée. Le président français a donc désigné aux côtés de Benjamin Stora, qui co-présidera la commission avec Mohamed-Lahcen Zeghdidi du côté algérien, les historiens Tramor Quemeneur, membre de la commission «Mémoires et vérité» mise en place après la remise du rapport Stora en janvier 2021, chargé de cours à Paris-VIII et coauteur d’un récent Dictionnaire de la guerre d’Algérie (Bouquins), Jacques Frémeaux, professeur des universités à la Sorbonne, Jean-Jacques Jordi, historien et spécialiste des rapatriés, et Florence Hudowicz, conservatrice au Mucem. Du côté algérien, en plus de Zeghidi, on trouve Mohamed El-Korso, Idir Hachi, Abdelaziz Filali et Djamel Yahiaoui. Une première réunion de la commission s’est tenue ce 19 avril par visio-conférence.

L’autre dossier qui peine à avancer dans les relations entre Alger et Paris est celui de l’économie. Certaines entreprises françaises se plaignent des lenteurs bureaucratiques en Algérie. Des dossiers d’investissements sont toujours en attente de réponse et des investisseurs se plaignent également de l’absence de visas qui doivent leur permettre de prospecter ou de rencontrer des partenaires algériens. D’autres projets sont quasiment liés à une décision économique des autorités algériennes. C’est le cas des constructeurs automobiles, notamment Renault et Peugeot, qui peinent à s’implanter alors que d’autres marques, notamment l’italienne FIAT, est en train de construire une usine à Oran (Ouest).

En plus de ces sujets techniques, la situation politique et sociale en France a poussé les autorités françaises et algériennes à être prudentes. Les manifestations en cours dans l’Hexagone, en protestation contre la promulgation de la loi sur les retraites, peuvent perturber la visite d’un chef d’Etat étranger. C’est d’ailleurs pour cela que la visite du Roi d’Angleterre Charles III, prévue du 26 au 29 mars derniers, avait été reportée sur décision des deux pays. Surtout que comme le souverain britannique, le chef de l’Etat algérien devait initialement parader sur les Champs-Elysées. Or, ces derniers mois, les manifestants ne sont jamais loin de cet endroit. Comme pourraient l’être également des opposants algériens qui ont programmé une action de protestation à l’occasion de cette visite. Un scénario que les autorités algériennes souhaitent éviter.

Il reste désormais à savoir si une autre date est prévue pour cette visite qui se voulait historique. Du côté français, on assure que l’agenda du président Macron est chargé tout au long du mois de mai. De son côté, Abdelmadjid Tebboune se rendra, en principe, en Russie et en Chine le mois prochain. Tout est donc reporté pour le mois de juin. Au minimum.

Par Ali Boukhlef

Correspondant à Alger, Algérie