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International

Deux ans après la mort de Prigojine, le spectre d’un Wagner 3.0

26 août 2025
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Deux ans après la mort de Prigojine, le spectre d’un Wagner 3.0

La menace s’est déplacée de l’ombre des dunes maliennes aux trottoirs des capitales européennes.

Le 23 août 2023, l’avion transportant le chef du groupe Wagner Evgueni Prigojine et ses cadres se crashait dans le ciel russe. La vengeance est un plat qui se mange froid pour le maître du Kremlin qui ne pouvait laisser impunie la mutinerie du groupe de mercenaires. Ceux qui ont cru à la fin du groupe Wagner avec celle de son chef avaient tort. Deux ans après, l’ombre de Prigojine continue de hanter les champs de bataille africains…. Et désormais les rues européennes. Bienvenue dans l’ère de Wagner 3.0.

Par Lou Osborn et Dimitri Zufferey, auteurs du livre « La Méthode Wagner. Les soldats de l’ombre de Poutine à la conquête de l’Afrique » (éditions du Faubourg, 2025) et membres du collectif « All Eyes on Wagner ».

En Afrique, la Russie a accru son influence et ne se contente pas de combler le vide laissé par le désengagement occidental mais transforme le continent en terrain de jeu privilégié. Africa Corps, African Initiative, Africa Politology, RSB group, A3, Wagner Istra, Bears… sous d’autres noms que Wagner, on retrouve les mêmes hommes, les mêmes méthodes, les mêmes deals opaques. Les régimes fragiles troquent leur protection contre des concessions minières ou des accès commerciaux privilégiés, tandis que la propagande anti-occidentale, parfaitement calibrée pour les réseaux sociaux, étend sa brutalité de Bangui à Bamako.

La Russie multiplie la création de maisons russes qui servent aussi bien à promouvoir sa langue qu’à abriter de fausses organisations créées par les services de renseignement ou des consultants en communication et à monter des opérations d’influence ou de recrutement destinées à nourrir la machine de guerre russe.

À Moscou, Poutine a survécu à la rébellion avortée du groupe qui, lors de sa marche sur Moscou en juin 2023, a fait trembler le Kremlin, et le monde. Depuis, non seulement le régime a absorbé les restes de l’empire Wagner, mais il les a replacés au cœur de sa puissance. Le système Wagner est désormais sous contrôle de l’appareil sécuritaire russe, à la fois morcelé et centralisé. Moins artisanal, plus discipliné et aussi plus dangereux.

L’Europe infiltrée à son tour

Les services de renseignement découvrent l’existence de camps d’entraînement en Bosnie et en Serbie, destinés à former des citoyens moldaves à des tactiques de désordre urbain, à l’usage de drones incendiaires, la fabrication d’engins explosifs en vue d’affrontements violents contre les forces de l’ordre. À la tête de ces camps, Mikhail Potepkin et Alexandre Volkhonsky, deux faiseurs d’influence du groupe Wagner qui ont fait leurs armes au Soudan, en Centrafrique et à Madagascar.

Campagnes de désinformation sur les murs des villes européennes et en ligne, infiltration de mouvements radicaux, sabotages d’infrastructures, recrutement de jeunes par bot interposé, exploitation méthodique des divisions internes… Ce ne sont pas des chars aux frontières, mais des attaques dans la sphère où nous nous croyons invincibles : nos débats, nos votes, nos écrans, nos opinions. Ce fut le cas fin 2024 en Roumanie où la popularité du candidat Georgescu a connu une ascension fulgurante grâce à TikTok, des irrégularités qui ont conduit à l’annulation du scrutin.

Face à cela, il devient illusoire voire dangereux de penser que la défense est l'affaire des seuls États. Confrontés à des attaques qui évoluent plus rapidement que leurs capacités de réaction institutionnelle, nos dirigeants sont dépassés par la vitesse et la sophistication des menaces hybrides. Une mobilisation collective associant citoyens, entreprises, médias, universités et collectivités locales sera nécessaire pour fournir une réponse coordonnée. Cela exige d’investir dans l'éducation critique, de renforcer nos réseaux civils de vigilance, de bâtir une culture de l'alerte et de la réponse rapide (en formant chaque citoyen à reconnaître les manipulations, en créant des réseaux de lanceurs d'alerte dans tous les secteurs). Il est temps de lancer des ponts entre les acteurs de la société civile et ceux de la défense par des exercices communs, la formation de réservistes citoyens et des partenariats recherche-renseignement.

La guerre hybride est déjà là. Elle infiltre nos sociétés, nos réseaux sociaux, nos pays. Deux ans après la mort de Prigojine, la menace s'est déplacée de l'ombre des dunes maliennes aux trottoirs de nos capitales.

La fin de la guerre en Ukraine est en train de se négocier sans l'Europe et apporte des garanties incertaines quant à la sécurité continentale. Face à une Russie revancharde, expansionniste et aguerrie au combat, la question n'est plus : « les États européens sont-ils prêts ? » mais : « Les peuples européens seront-ils assez courageux ? » pour défendre leurs cohésions nationales et européennes. Car les alertes seules ne suffiront pas : sans coordination entre nos institutions et nos sociétés civiles, sans action, sans prise de risque, nous ne pourrons pas compenser notre impréparation face à un adversaire qui, lui, s’organise méthodiquement depuis des années.

* Par Lou Osborn et Dimitri Zufferey, auteurs du livre « La Méthode Wagner. Les soldats de l’ombre de Poutine à la conquête de l’Afrique » (éditions du Faubourg, 2025) et membres du collectif « All Eyes on Wagner ».

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