Sommet de l’AES au Mali : le capitaine Ibrahim Traoré est-il vraiment venu à Bamako par “voie terrestre” ?

[Les Vérificateurs de Tama Média] - En marge de la deuxième édition du sommet de la Confédération des États du Sahel (AES), organisée à Bamako les 22 et 23 décembre 2025, plusieurs publications ont circulé sur les réseaux sociaux affirmant faussement que le président entrant de la présidence tournante de l’organisation, le Burkinabè Ibrahim Traoré, s'est rendu dans la capitale malienne par voie terrestre. Le célébrant comme un héros, nourrissant ainsi le culte de la personnalité autour du président en treillis du Faso. On vous explique.

Lundi 22 décembre 2025. Les chefs d'État nigérien et burkinabè étaient attendus à Bamako. Le Nigérien Abdourahamane Tiani est accueilli en premier, avec les honneurs protocolaires dus à son rang de chef d’État. Tandis que le Burkinabè Ibrahim Traoré, lui, n’a finalement pu rejoindre ses pairs dans la capitale malienne que le lendemain. 

Son arrivée finalement reportée à mardi, plusieurs publications (1, 2, 3, 4, 5) ont circulé sur les réseaux sociaux, notamment Facebook, pour prétendre que ce changement de programme de dernière minute s’explique par son choix de venir au sommet de Bamako par voie terrestre. Dans une courte vidéo de dix minutes et dix secondes, avec des images décontextualisées comme illustration, la page Facebook “LAfricain”, créditée de plus de 29 000 followers, a contribué à rendre virale l'affirmation. 

Ce qu'on raconte dans cette vidéo manipulée

On y entend une voix off robotisée affirmer ceci : « Ils l'ont tous attendu à l'aéroport, mais il n'est jamais arrivé par les airs. Le capitaine Ibrahim Traoré a choisi la voie terrestre pour rejoindre le Mali pour le deuxième sommet de l'Alliance des États du Sahel. Des centaines de kilomètres, un choix fort,  un symbole puissant. Oui, c'est un homme courageux. Oui, il n'a pas peur. Tout le monde le sait. Mais ici je parle avec lucidité, pas avec l'émotion (sic). »

Puis, la page évoque le risque encouru en choisissant la route dans le contexte sécuritaire complexe dans la région du Sahel central (Burkina Faso, Mali et Niger). Alors qu'il pouvait prendre l'avion. En mettant en avant son leadership. Elle poursuit : « Capitaine, ta sécurité est une priorité absolue. Tu n'es plus seulement un homme. Tu es un symbole vivant d'une nouvelle Afrique, un repère, un espoir pour un million de jeunes africains. Le courage ne consiste pas à prendre des risques inutiles. Le courage, c'est aussi se protéger pour contribuer (au) combat. Tu (peux) prendre la voie aérienne, être hautement sécurisé, surveillé, protégé, sans exposer ta vie. 

Le Sahel a besoin de ses leaders vivants,  pas en martyre. L'Afrique libre a besoin de cerveaux clairs, pas de drames évitables. On comprend le message. On respecte la posture. Mais la révolution africaine ne doit pas se construire sur l'imprudence. Capitaine Ibrahim Traoré avance, dirige, résiste mais ne prend pas de risques inutiles. »

Comment les internautes ont-ils réagi à cette fausse information concernant le capitaine Ibrahim Traoré ?

La séquence a généré des milliers de centaines de réactions. En détails, elle a comptabilisé plus de cinq mille “J'aime”, récolté plus de 200 000 vues, et a été partagée plus de 1300 fois. En suscitant également, au moment de la rédaction de cet article, plus de 190 commentaires. « Vive le camarade capitaine IB. Depuis qu'on a dit qu'il doit voyager, je n'étais pas tranquille. Vraiment il faut qu'il soit sécurisé. Mon président, tu es tout pour nous. Bonne chance à toi et reviens-nous en bonne santé », a réagi en commentaire le compte “Augustin Compaoré”, un compte au profil verrouillé. 

Abondant dans le même sens, l’identifiant Facebook “Lee Surnaturel Henri”, au profil aussi verrouillé, salue ainsi les actions des dirigeants de l’AES et accuse les pays occidentaux au détriment de la Russie. : « Mon capitaine, l'Afrique libre et l'AES dépendent de vous trois, il faut éviter ce genre de décision❤️✊️✌️ Grâce à votre trio, nous avons compris que : 1. Tout est possible pour un(e) Africain(e) 2. Les Occidentaux nous vendaient (des) illusions..... 3. Les Occidentaux sont les terroristes anarqueurs (lire plutôt arnaqueurs) 4. La France est un État terroriste et vit grâce en grande partie de l'Afrique 5. La Russie n'est pas un État criminel comme nous faisaient croire les (arnaqueurs) terroristes européens......... Grâce à vous......Grâce à vous.....Grâce à vous........Grâce à vous que l'Afrique commence la marche vers la vraie et digne INDÉPENDANCE », s’est-il enthousiasmé en commentaire. 

« Sincèrement je n'ai pas aimé 😭😭, pourquoi nous faire ça ? svp (S'il vous plaît), ne laissez plus le capi(taine) faire ça😭😭😭 Dieu merci qu'il soit bien arrivé mais franchement je n'ai pas aimé. Mon cœur a (falli) lâch(er) », a écrit pour sa part le compte “Nadine Ouedraogo”, un compte quasi inactif sur son journal. Le compte “Marceline Nana”, quasi inactif également, remercie de son côté la page “LAfricain” pour la séquence publiée et lui charge de passer un message au capitaine Ibrahim Traoré : « Merci grandement pour votre vidéo. Dites à son Excellence que beaucoup de ses populations, Africaines ou Diaspora (sic) sont toujours convalescentes, on n'est pas entièrement revenu à cause de cet acte. »

Le capitaine Ibrahim Traoré accueilli à l'aéroport international de Bamako

Contrairement à toutes ces affirmations, le capitaine Ibrahim Traoré est bel et bien arrivé à Bamako par voie aérienne, et non terrestre. Le 23 décembre, la présidence burkinabè a publié une vidéo, qui le montre sur le tarmac en train de prendre son vol sur Bamako, dans un avion militaire, à Bobo-Dioulasso, et entouré des officiels burkinabè. Dans cette grande ville burkinabè, située à environ 300 km de la capitale Ouagadougou, il inaugurera à son retour de Bamako, selon ses services de communication, de nouvelles infrastructures sanitaires : le Centre hospitalier universitaire de Pala et son Centre de radiothérapie, le premier étant le fruit d'un partenariat entre le Burkina et la Chine.

Dans la capitale malienne, il est accueilli la même matinée de mardi (vers 8 heures, heure locale) par le président sortant de la présidence tournante de la Confédération des États du Sahel, le général Assimi Goïta. « Après un bref entretien en tête-à-tête au pavillon présidentiel (logé à l’aéroport de Bamako), les deux chefs d’État ont rejoint le siège de la Télévision AES », a indiqué une publication de la présidence malienne. Avec ses pairs malien et nigérien, les généraux d'armée Assimi Goïta et Abdourahamane Tiani, il a participé à l'inauguration de la nouvelle chaîne confédérale de télévision, avant d'ouvrir la cérémonie officielle du deuxième sommet de l'AES au CICB (Centre international de conférences de Bamako). 

À Bamako, le retard du président en treillis du Faso est expliqué par un changement de programme, sans donner plus de détails. Mais d'après le magazine panafricain Jeune Afrique, cela pourrait s'expliquer par des tensions internes pour la présidence tournante. « Selon nos sources, c’est pour contrer cette tentative (discrète du président nigérien) que, début décembre, le capitaine Traoré a envoyé Bassolma Bazié, président de la Commission de l’AES, et le colonel-major Yelemou Ernest, vice-président de la même commission, à Bamako, puis à Niamey. Il souhaitait alors obtenir des garanties de la part de la Confédération. », peut-on lire dans une publication de JA datée du 23 décembre. « Pour éviter de prêter le flanc aux attaques des détracteurs de l’AES, un consensus de dernière minute semble avoir été arraché : Ibrahim Traoré devrait donc bien, sauf nouveau coup de théâtre, prendre la tête de la Confédération », a révélé le média. Ce qui sera confirmé : le Malien Assimi Goïta a passé le flambeau au Burkinabè Ibrahim Traoré à l'issue du sommet de Bamako. 

Que retenir donc ?

En conclusion, il faut retenir que toutes ces publications ayant annoncé l'arrivée à Bamako par voie terrestre du capitaine Ibrahim Traoré se sont avérées fausses. Le Burkinabè est arrivé bel et bien à Bamako via un avion de l’aviation militaire burkinabè. Ces publications s’inscrivent dans une dynamique plus large, qui consiste à nourrir le culte de la personnalité autour du président en treillis du Faso.