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L’Algérie et la crise au Niger : Pourquoi Alger veut à tout prix une « solution politique »

24 août 2023
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L’Algérie et la crise au Niger : Pourquoi Alger veut à tout prix une « solution politique »

Face à la détermination d’une partie des membres de la Cédéao (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) d’utiliser la force pour déloger les putschistes et rétablir le président nigérien dans ses fonctions, pour sa part, l’Algérie défend bec et ongles la voie de la médiation. Mais pour quelles raisons ? Explications

Le président nigérien Mohamed Bazoum reçu par le président algérien Abdelmadjid Tebboune le 13 juillet 2021 à Alger

« Une solution politique demeure encore possible ». Ce message, l’Algérie n’a cessé de le marteler depuis qu’un groupe de militaires tente de renverser le président du Niger Mohamed Bazoum, en détention depuis le 26 juillet dernier. Très discret dans un premier temps, le pays a finalement affiché au grand jour sa position sur le dossier nigérien depuis quelques jours.

Le chef de la diplomatie algérienne en tournée ouest-africaine

Son ministre des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, a entamé, mercredi, une visite au Nigeria, au Bénin et au Ghana pour mener des concertations qui porteront sur « la crise au Niger et les moyens de la prendre en charge, à travers la contribution à une solution politique qui évitera à ce pays et à la région tout entière les retombées d’une éventuelle escalade de la situation », a annoncé le ministère algérien des Affaires Étrangères dans un court communiqué.

Pour l’Algérie, ce refus de l’intervention armée est devenu un principe intangible. Pour expliquer cette position, les autorités algériennes ont toujours pointé du doigt les conséquences désastreuses des interventions armées dans les pays étrangers. Lors d’une récente interview, le président Abdelmadjid Tebboune a rappelé les conséquences de l’intervention de l’Otan en 2011, sous mandat des Nations-Unies, en Libye pour chasser Mouammar Kadhafi du pouvoir.

Le souvenir de l'intervention de l'OTAN en Libye

L’intervention des Occidentaux dans ce pays, jadis exemple de stabilité, a ouvert la porte à une guerre civile qui dure encore. Pis, des milliers d’armes sont tombées entre les mains de groupes djihadistes qui avaient déjà pris leurs quartiers dans des pays du Sahel. Certains de ces groupes ont d’abord combattu en Libye avant de concentrer leurs opérations dans les pays du Sahel. A l’exemple du Mali où les groupes islamistes ont reculé avec la présence des soldats français avant de revenir à la charge une fois les soldats de l’opération Barkhane partis.

Une rivalité algérienne avec les pays occidentaux

A cette crainte, s’ajoute une autre peur pour l’Algérie. « Le Niger est un pays voisin, dont la sécurité est intimement liée à celle de l’Algérie », développe Redouane Bouhidel, professeur des relations internationales à l’Université d’Alger. « L'Algérie a signé des accords avec le Niger en matière de défense. Elle a prévu de faire passer le pipeline Nigeria-Algérie par ce pays en plus de projeter une réouverture des frontières avec le Niger », affirme Djallil Lounnas, chercheur à l’Université américaine de Salé, au Maroc, qui rappelle que le Niger est « un pivot » pour l’Algérie, mais également pour la France et les Etats-Unis, dans la lutte contre les groupes terroristes au Sahel.

Pour d’autres observateurs, le refus de l’Algérie de voir les pays de la Cédéao mener une intervention militaire au Niger est justifié par un intérêt nationaliste et la rivalité avec la France et les États-Unis dans la région. Selon lui, pour Alger, « la fin de la présence étrangère commence par le démantèlement des bases militaires étrangères présentes à ses frontières Sud. Cela relèverait de la sécurité nationale avant tout ».

Pourtant, si une intervention militaire risque d’être chaotique pour le Niger, le départ des troupes françaises et américaines le serait tout autant, estime Djallil Lounnas. Il rappelle que les bases américaines et françaises « en luttant contre le terrorisme » empêchent que le Niger « ne suive une trajectoire similaire à celle du Mali », parce que l’armée nigérienne « n’est pas capable de tenir le pays. Cela risque de se terminer comme au Mali avec le retour en force des groupes djihadistes et les trafics en tous genres ».

La crainte d'une arrivée de migrants venus du Niger

Enfin, l’Algérie craint également une arrivée massive de migrants en provenance du Niger. Même si, « quel que soit celui qui sera au pouvoir au Niger, il ne portera pas atteinte aux intérêts de l’Algérie », a indiqué Abdelmadjid Tebboune. Avant d’en arriver à cette situation, Alger semble tenter le tout pour le tout afin de trouver une issue pacifique.

Néanmoins, la tournée du ministre algérien des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, dans les pays membres de la Cédéao (Nigeria, Bénin, Ghana) pour tenter de négocier une solution pacifique ne semble pas porter ses fruits. Des sources militaires au sein de la Force en Attente de la Cédéao (FAC) assurent qu'elles n’ont reçu aucune consigne de la part des chefs d’État pour mettre sur pause les préparatifs pour une intervention, estimant au contraire que « tout est prêt ».

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