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Burkina : le prétendu décès de Blaise Compaoré, un site satirique à l’origine

19 juin 2023
6 min

Mardi 13 juin, une folle rumeur devenue virale annonce le décès de l’ex-président burkinabè Blaise Compaoré, résidant en Côte d’Ivoire depuis sa chute en 2014. Tout est parti d’un contenu détourné de Necropedia, un site satirique spécialisé dans les fausses publications de décès de personnalités. On vous explique.

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« L’ancien président du Burkina Faso Blaise Compaoré est mort ». C’est le titre d’un court texte du site Necropedia, spécialisé dans les nécrologies anticipées, largement relayé sur les réseaux sociaux [Twitter, Facebook, WhatsApp]. « Blaise Compaoré, né le 3 février 1951 à Ziniaré, était un chef d’État burkinabè. lI est décédé le 13 juin 2023, à l’âge de 72 ans », peut-on lire dans le texte du site satirique, sans donner le contexte du prétendu décès. Néanmoins, sur le même site, il est signalé d’entrée qu’il s’agit de sa « nécrologie anticipée » et que « “anticipée” signife qu’il n’est pas mort ».

Plus loin en bas du court texte, le site explique que : « Une nécrologie anticipée est par définition une nécrologie rédigée AVANT le décès de la personne. Les agences de presse ont dans leurs tiroirs la nécrologie des grands de ce monde encore vivants rédigée et prête à être publiée. Il ne s’agit en aucun cas ici, de l’annonce d’un décès ni de son anticipation », avertit-on le lecteur. Malgré cela, le contenu s’est retrouvé sur les réseaux sociaux où il a été largement partagé en textes et captures d’écran. Certains sites d’informations réputés sérieux sont également tombés dans le piège en reprenant la fausse annonce. C’est le cas de “Malibook”, suivi par plus de 14 300 abonnés sur Twitter. Ce site malien a publié un tweet pour annoncer la nouvelle de la mort avant de le supprimer en catimini. Nous avons récupéré sa publication via un tweet cité (cf. capture d’écran).

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Des cas de défaillance techniques dans la presse

Comme mentionné par Necropedia, bien qu’il soit satirique [non crédible], il s’avère que les agences de presse préparent les nécrologies des grandes personnalités pendant qu’elles vivent encore. Mais celles-ci ne sont jamais rendues publiques avant la confirmation de leur décès. Sauf par erreur, bien évidemment, comme ce fut le cas, par exemple, chez nos confrères de “RFI” le 16 novembre 2020. Suite à une erreur technique, les nécrologies d’une dizaine de personnalités ont été involontairement publiées sur le site internet de la radio avant d’être rapidement retirées, le retrait est suivi d’excuses pour publication involontaire de ces nécrologies, dont celles du président malien d’alors [Ibrahim Boubacar Kéïta décédé le 16 janvier 2022], et l’ancien président sénégalais Abdoulaye Wade [encore en vie]. Ce dernier avait réagi via une publication postée sur sa page Facebook.

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En novembre 2019, le même cas s’est produit chez nos confrères du “Monde” qui, par erreur technique, a publié une nécrologie de Bernard Tapie [Homme d’affaires et politique français décédé le 3 octobre 2021 des suites d’un cancer], intitulée « L’homme aux mille vies ». Le journal quotidien français a dû ensuite publié des excuses officielles. Dans sa chronique « Comment les médias préparent la mort des personnalités », publiée le 4 novembre 2019 sur le site de la radio France inter, Cyril Petit a expliqué que « les médias et la mort des personnalités c’est toute une histoire ».

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Le récent cas de Blaise Compaoré est quant à lui loin d’être d’un portrait, retraçant sa vie, publié par défaillance technique sur le site d’un média. Il est plutôt parti d’un contenu détourné d’un site internet spécialisé dans les fausses publications de décès de personnalités comme il en avait fait pour le président camerounais Paul Biya ou encore le roi du Maroc Mohamed VI. Alors qu’ils sont toujours en vie et au pouvoir.

Quelles sont les dernières vraies nouvelles de Blaise Compaoré ?

Ni le gouvernement du Burkina ni celui de la Côte d’Ivoire n’a annoncé la mort de Blaise Compaoré, encore moins des journaux jugés crédibles de la presse locale burkinabè ou internationale. Suite à la dernière folle rumeur en date, le journaliste Serge Daniel, comme d’autres journalistes sérieux, avait apporté un démenti dans un tweet daté du 13 juin, à 21:49 GMT.

« #Burkina-Blaise Compaoré/Des informations sur la mort de l’ex-Président du Burkina Faso inondent la toile ce 13/6/ [2023]. Faux ! Il n’est pas mort. Il est vivant, vivant et vivant. Autre précision : ce 13/6/ il est dans sa résidence à Abidjan et non évacué dans un pays du golfe », a tweeté le journaliste Serge Daniel, qui couvre le Sahel depuis plusieurs décennies. Il avait annoncé en exclusivité la visite controversée de Blaise Compaoré au Burkina Faso en juillet 2022, période où Paul-Henri Sandaogo Damiba était aux commandes du pays [tombeur du président Roch Marc Christian Kaboré, Damiba a été lui-même poussé à la démission forcée par l’actuel président de transition, le capitaine Ibrahim Traoré].

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Capture d’écran d’une publication, faite le 9 mars dernier sur Facebook, d’une vidéo manipulée sur le prétendu décès de Blaise Compaoré.

Blaise Compaoré a dirigé le Burkina Faso pendant plus de deux décennies avant d’être renversé en 2014 à la suite de contestations populaires dans la rue. Depuis, l’ancien président a trouvé refuge à Abidjan, en Côte d’Ivoire, pays dont il dispose désormais la nationalité. Il était poursuivi, avec d’autres anciens dignitaires de son régime, par la justice burkinabè concernant l’assassinat de Thomas Sankara en 1987. Dans cette affaire, Blaise a été condamné par contumace [à son absence] à la prison à perpétuité, à l’issue du procès le 6 avril 2022. Deux semaines après sa visite controversée au Burkina, le sexagénaire a demandé, dans un message lu le 26 juillet 2022 par le porte-parole du gouvernement de transition d’alors de Paul Henri Damiba, le ministre Lionel Bilgo, pardon au peuple burkinabè « pour tous les actes qu’[il a] pu commettre durant [son] magistère et plus particulièrement à la famille de [son] frère et ami Thomas Sankara ».

Au moment où nous mettons sous presse cet article, le site de Necropedia a revu sa fausse annonce du décès de Blaise Compaoré, en changeant la date de sa prétendue mort (le 19 juin) et en ajoutant un second paragraphe (cf. Capture d’écran). Ce n’est pas la première fois que l’ancien président burkinabè soit victime des rumeurs faisant état de son décès. Mais il est à noter qu’aucune source officielle ne les confirme pour le moment.

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