Comment Beyoncé a contribué à la diffusion des cultures africaines
James Chikomborero Paradza, University of PretoriaBeyoncé vient de sortir son septième album studio solo, intitulé Renaissance (2022). L’album, qui crée l’événement dans la culture populaire mondiale, est le premier d’un projet en trois parties. Son précédent opus, l’album visuel Black is King (2020), a été réalisé en collaboration avec de nombreux artistes africains.
Renaissance rend hommage à la dance music noire et met à nouveau en vedette des artistes africains, dont l’autrice-compositrice-interprète nigériane Tems, qui connaît son propre moment de gloire.
Dans l’histoire, la Renaissance (XIVe siècle au XVIe siècle) se caractérise par la volonté de retrouver la grandeur culturelle du passé gréco-romain et le renouveau de l’érudition en Europe après une période de stagnation. Aujourd’hui encore, l’art (peinture, musique, mode) influence la façon dont les gens s’habillent et se comportent, ce qu’ils choisissent d’afficher et de dire, et la façon dont ils se perçoivent eux-mêmes et perçoivent la société.
Au cours des trois dernières décennies, Beyoncé a joué un rôle majeur dans le façonnement de la culture populaire mondiale. Elle n’a cessé de donner du pouvoir à ses auditeurs et de susciter des débats, et les paroles de ses chansons ont souvent été citées dans des discussions sur des questions de société. Son point de vue sur la monogamie dans l’album Dangerously in Love (2003), par exemple, offre un contre-récit à la représentation patriarcale de l’hypersexualité chez les femmes noires.
Sur Lemonade (2016), Beyoncé utilise des genres musicaux très divers, qui dépassent les stéréotypes associés habituellement à une artiste noire. Ce faisant, elle questionne les mécanismes de discrimination dont elle est victime. Sur Black is King, elle témoigne d’une renaissance des formes d’art africain à une époque où les normes culturelles dominées par la pensée occidentale sont en déclin et où l’Afrique est une étoile montante dans la culture populaire.
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Dans cet article, je souhaite démontrer que tout au long de sa carrière, Beyoncé a contribué à un renouvellement des récits dans la musique populaire et, ce faisant, s’est engagée de manière significative dans la culture et la musique africaines.
Collaborations africaines
Beyoncé a associé divers artistes africains à ses projets et les a souvent présentés au public international. Avant Black is King, on peut citer la poésie de Warsan Shire, originaire du Kenya, sur Lemonade, une citation de la romancière nigériane Chimamanda Ngozi Adichie sur Flawless (2013) et une chorégraphie de Tofo Tofo, qui est un groupe de danse basé au Mozambique, dans la vidéo de Run the World (Girls).
Bien que les cultures du continent africain ne soient pas aussi présentes que sur Black is King, Beyoncé a également fait appel à des artistes africains sur Renaissance, notamment sur la chanson « Move », dont le style s’inspire des Afrobeats et sur laquelle figurent P2J (Nigeria) et GuiltyBeatz (Ghana) en tant que producteurs, ainsi que Tems en tant qu’autrice et interprète.
Tems (Temilade Openiyi), une vocaliste polyvalente, s’est fait connaître après avoir collaboré sur Essence (2020) de la star nigériane WizKid. Sa discographie traverse différents genres, notamment le R&B alternatif, la néo-soul et l’afropop. Son premier single « Mr Rebel » (2018) montre ses talents de R&B (à la fois en tant que productrice et chanteuse), tandis que son featuring de 2021 sur « Fountains » du rappeur canadien Drake montre sa capacité à transmettre des émotions à travers sa voix.
Le nom de Tems est sur toutes les lèvres depuis la sortie de la bande-annonce du deuxième opus du film Black Panther, dans lequel elle reprend No Woman, No Cry de Bob Marley. Elle a contribué au populariser et renouveler notre perception de l’afropop et de la musique africaine commerciale.
Black is King
« Je crois que lorsque les Noirs racontent leurs propres histoires, nous pouvons changer l’axe du monde et raconter notre VRAIE histoire de richesse générationnelle et de richesse d’âme qui n’est pas racontée dans les livres d’histoire. »
Black is King, le précédent album de Beyoncé, est une célébration des traditions africaines avec une touche moderne. Dans cet album visuel, elle adopte une optique d’inspiration panafricaine et intègre des éléments provenant de plusieurs pays africains. Elle s’associe à divers acteurs, réalisateurs, designers, chorégraphes et musiciens africains, mettant ainsi en lumière la diversité culturelle du continent.
Les téléspectateurs sont exposés à des éléments allant de genres musicaux comme l’afrobeats (Nigeria) et le gqom (Afrique du Sud) à des styles de danse populaires comme le Network (Ghana) et le Kpakujemu (Nigeria). Elle montre aussi des paysages venant de tout le continent.
Il ne faut pas attribuer à Beyoncé l’invention de ces éléments, ni même lui attribuer tout le crédit pour les avoir popularisés. Ils existaient et étaient appréciés bien avant qu’elle ne commence à les montrer. Cependant, on ne peut nier le rôle déterminant que Beyoncé a joué dans la mise en avant de ces éléments dans la culture populaire mondiale, grâce à son statut de star internationale.
En outre, l’album visuel donne une représentation plus fidèle du continent africain et de sa diversité que d’autres œuvres qui s’inspirent des cultures africaines dans la culture populaire mondiale. Black is King a introduit un renouveau de l’image de l’Afrique dans les médias populaires et a donné du pouvoir à de nombreux Africains et Noirs, qui se sentent enfin mieux représentés dans la culture populaire dominante.
Renaissance
Beyoncé a une fois de plus incorporé un élément de renouveau dans Renaissance. À travers les 16 titres de l’album, elle emmène les auditeurs dans un voyage avec l’intention déclarée de créer un espace sûr, exempt de jugement, de perfectionnisme et de réflexion excessive. Les auditeurs sont exposés à la musique du Studio 54, issue de l’ère disco des années 1970, avec des transitions sans effort vers des genres plus contemporains (pop, R&B et house).
Les débuts du disco ont été influencés par le funk, la soul et le jazz de la fin des années 1960, et ont combiné ces styles avec des technologies telles que les synthétiseurs, les enregistrements multipistes et les boîtes à rythmes. Cela a donné naissance à une forme somptueuse et décadente de musique pop axée sur la danse, caractérisée par un rythme régulier et des voix proéminentes, haut perchées et associées à des effets de réverbération. Le genre a connu son apogée entre 1975 et début 1979, avec des artistes tels que Donna Summer et Gloria Gaynor qui dominaient le palmarès musical.
Sur le titre bien nommé Renaissance, Beyoncé a remis ce style au premier plan de la culture pop, le faisant découvrir à de nombreux jeunes auditeurs. Dès le premier single Break My Soul, les auditeurs sont exposés à l’omniprésence du style dance-pop et house de l’album. Beyoncé intègre avec succès des genres musicaux tels que la pop, la house électronique, l’afrobeats, la trap et la soul, pour n’en citer que quelques-uns, en combinaison avec diverses influences disco. Les paroles de l’album dépeignent un sentiment général d’amour de soi et de fierté. Cela ressemble à la musique de l’une des artistes pop les plus importantes d’Afrique du Sud et du continent, Brenda Fassie (1964-2004).
Tout au long de sa carrière, Fassie, l’une des reines de la pop africaine, a fait de la musique disco et pop influencée par son expérience dans les ghettos noirs. Sa musique emblématique racontait l’histoire des Sud-Africains noirs à l’époque de l’apartheid.
Le travail de Beyoncé, tout au long de sa carrière, sert de plate-forme aux artistes africains sur la scène mondiale, en utilisant divers genres musicaux pour contrer les stéréotypes liés aux musiciens noirs et renouveler les récits associés à leurs réalités. Son dernier album continue dans cette voie en présentant aux nouveaux auditeurs un renouveau du disco avec une touche contemporaine.
Cet article a été traduit par Eléonore Roussel.
James Chikomborero Paradza, Doctor of Music Candidate, University of Pretoria
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.