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Francophonie: entretien avec Louise Mushikiwabo

Par Redaction
16 août 2022
4 min

Faire du français “la langue de l’internet”: Louise Mushikiwabo se lance le défi à la tête de la Francophonie, où elle assure de son indépendance, autant de la France que de son pays, le Rwanda.

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Q: Votre élection en tant que secrétaire générale marque le retour d’un responsable africain, après la Canadienne Michaëlle Jean, à la tête de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). Est-ce incontournable quand on sait que l’Afrique fournit 80% de la croissance du nombre de francophones dans le monde?

R: L’Afrique est une partie motrice de la Francophonie. C’est un peu naturel, c’est normal, que l’Afrique soit à la tête de la Francophonie. Ceci dit, je suis aussi consciente que la Francophonie va bien au-delà de l’Afrique. En tant que secrétaire générale, je vais tout faire pour que tout le monde se retrouve dans notre organisation.

Q: Votre candidature a été adoubée par la France et vous êtes très proche du président rwandais Paul Kagame. A la tête de la Francophonie, comment pouvez-vous garantir votre indépendance?

R: Je suis aussi une professionnelle. Je travaille pour la Francophonie. Je représente la Francophonie. Je vais mettre toute mon énergie pour cette organisation. Désormais, je ne suis plus ministre des Affaires étrangères du Rwanda. Toute action, toute décision, toute activité de la Francophonie, je vais l’exécuter en tant que secrétaire générale de la Francophonie.

Q: Le Rwanda a remplacé le français par l’anglais en tant que langue obligatoire à l’école. Est-ce compatible avec la direction de la Francophonie?

R: Le Rwanda est un pays francophone. C’est aussi un pays anglophone. C’est aussi un pays swahilophone et en tout premier lieu, on parle le kinyarwanda, notre langue nationale. Nous sommes un pays multilingue et je crois que le fait que le président rwandais ne parle pas vraiment français – il commence à parler français, très heureusement – est confondu avec l’importance de la langue française au pays. Le français est la langue étrangère la plus parlée par les Rwandais et l’importance de la langue française va aller en grandissant. Nous croyons beaucoup au Rwanda à cette cohabitation des langues qui ne doit pas nécessairement causer de problèmes.

Q: C’est ce que défend le président français Emmanuel Macron : la défense du français dans un cadre plurilingue. C’est cela l’avenir de la Francophonie?

R: La langue française n’a pas de complexe à avoir par rapport à l’anglais. Mais le monde aujourd’hui est tel qu’il est bénéfique à ceux qui parlent français de parler d’autres langues. On va beaucoup plus loin avec plusieurs langues. On a plus de chance dans l’emploi et la formation avec plus de langues. Je n’y vois vraiment aucun inconvénient.

Q: Quels sont vos objectifs à la tête de la Francophonie?

R: J’aimerais beaucoup qu’on positionne la langue française comme la langue de l’internet. Avec les proportions de jeunes dans l’espace francophone, c’est très faisable. Mais il y a du travail à faire, je ne me fais pas d’illusion. On peut utiliser le numérique comme atout pour les questions de l’emploi. Quand on parcourt l’espace francophone, on entend dire, “la Francophonie, c’est quoi pour moi?”. Ce sont des questionnements légitimes. Tout ce qui est numérique intéresse la jeunesse donc je pense qu’on peut combiner très bien l’aspect numérique et l’intérêt de la jeunesse.

Q: Les critiques pointent une “dispersion” de l’OIF, qui courrait trop de lièvres à la fois. Un recentrage est-il nécessaire?

R: Il y a effectivement un débat qui s’impose. La critique est légitime: on fait beaucoup de petites choses et il faudrait recentrer, ramener plusieurs activités ensemble sous des thématiques bien claires, bien définies: l’économie, le rayonnement de la langue…

Q: L’OIF compte aujourd’hui 88 membres, dont certains pays qui n’ont qu’un rapport lointain avec le français. Faudrait-il revoir les critères d’adhésion?

R: Pourquoi pas? Je trouve que le fait que beaucoup de pays qui ont très très peu à voir avec la langue française veuillent devenir membres de la Francophonie est un signe de l’attractivité, c’est une très bonne chose. Seulement, je pense qu’il faut aussi être observateur de notre espace, de nos activités et de nos valeurs. On peut créer un système de membres qui ont un statut plus ou moins différent des membres à part entière. Mais c’est aux Etats membres à décider.