Le visage de la capitale éthiopienne s’est transformé, en trois mois, pour se conformer à la vision futuriste du Premier ministre Abiy Ahmed. Les habitants modestes et les petits commerçants ont été relayés aux périphéries de la ville abritant le siège de l'Union Africaine (UA) et les bâtiments historiques n’ont pas été épargnés. Reportage.
Un amas de gravas a remplacé la brasserie de Henok (1). Ce père de famille a hérité, il y a trois ans, de l’entreprise familiale, fondée par sa mère. Les habitants de la subdivision administrative d’Arada, au cœur d’Addis-Abeba, venaient se retrouver autour de ses petites tables en bois pour partager des injera, ces galettes de teff fermeté, et boire des litres de bière. Cela, jusqu’à la semaine du 4 mars, précédant le jeûne de 55 jours observé par les chrétiens orthodoxes avant la Pâque éthiopienne.
« Des représentants du gouvernement sont venus m’informer que mon commerce allait être détruit. Je leur ai demandé de me laisser un mois pour déménager mes meubles et mon matériel et trouver un nouveau local. Ils ne m’ont pas menacé, mais ils m’ont dit que je n’avais pas le choix car l’ordre venait du Premier ministre », témoigne Henok.
Trois jours plus tard, les agents municipaux intiment au chef d’entreprise d’entamer, lui-même, le démantèlement de son échoppe. Sa coopération lui assurerait de bénéficier en priorité des indemnités de dédommagement promises.
Mais Henok rit jaune. « Cela fait trois mois et nous n’avons rien reçu. Nous ne faisons pas confiance au gouvernement », dénonce-t-il. Réunis dans le salon d’un voisin, plusieurs commerçants et riverains ou ex-riverains acquiescent : ils sont tous victimes du Projet de développement du couloir d’Addis-Abeba. Leur lieu de réunion sera d’ailleurs démoli à son tour, deux semaines après cette entrevue.
« C’est comme ça qu’ils améliorent notre vie ! »
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