Le 24 février 2022 a marqué le calendrier mondial comme le début d’une guerre dont l’impact économique, humanitaire et géopolitique est palpable un an après. Véritable bouleversement de l’équilibre mondial, la guerre en Ukraine, au-delà des répercussions sur la population ukrainienne, a mis en souffrance de nombreuses minorités vivant dans le pays, à l’instar des populations noires dont beaucoup au début de l’invasion russe, ont difficilement réussi à quitter le pays.
Tama Media a interrogé Gwen Madiba, co-fondatrice de Global Black Coalition (GBC), une coalition d’associations investies pour soutenir “les-laissés-pour-compte” de cette guerre dont les perspectives restent encore incertaines.
Qu’est-ce que la Global Black Coalition ?
Je suis fondatrice de l’association canadienne “Equal Chances” (chances égales) qui s’investit pour l’égalité des droits des minorités au Canada et également co-fondatrice de la GBC (Global Black Coalition). Dans ces deux associations, nous nous investissons contre le racisme systémique qui génère et entretient des discriminations dans différentes sphères de la société : le domaine de la justice, l’emploi, le logement, la santé, le pouvoir politique et l’éducation. Quand la guerre a débuté, nous avons rapidement réalisé que les minorités visibles n’étaient pas traitées de la même manière que les autres. Les populations noires d’Ukraine se sont retrouvées face à des difficultés raciales, économiques et sociales. Certains se sont vu interdire l’accès aux bus ou même agressés physiquement. L’entrée dans certains pays européens leur avait été refusée. Des étudiants ont perdu leur année scolaire parfois très chèrement payée. Leurs besoins, leurs droits et leurs bien-être ont été ignorés pendant ce qui sera sans doute l’une des plus grandes crises humanitaires de notre génération. J’ai donc contacté d’autres structures associatives à travers l’Europe et l’Afrique pour qu’on unisse nos forces face à ces injustices. C’est comme ça est née la Global Black Coalition. Nous devions nous réunir en tant qu’ONG et société civile pour créer une coalition permettant de garantir la sécurité et l’égalité de traitement des personnes noires, victimes autant que les autres populations de cette guerre. Nous sommes également venus en aide à des personnes ukrainiennes qui demandaient de l’aide pour elles et leurs enfants mais cette coalition est née pour répondre en priorité au racisme et à la discrimination.
Quelles sont les actions que vous mettez en place ?
Cette coalition, soutenue par des fondations comme “The Mandela Legacy Foundation”, la “Hera Mission” qui se battent aussi pour les droits des minorités, a commencé par un travail sur le terrain. Aux frontières, nous allions directement récupérer les personnes, nous les aidions à trouver un logement, à se nourrir et à se soigner si besoin. Ensuite, après avoir fait une analyse des besoins, nous avons réalisé qu’il y avait énormément d’étudiants qui allaient perdre toutes leurs années d’études. Certains étaient en dernière année de médecine ou en troisième année de master et risquaient de tout perdre. Les accès à de nouvelles écoles en Europe leur ont été refusés parce qu’ils ne sont pas ukrainiens et on leur proposait simplement de rentrer dans leur pays d’origine. Nous avons donc contacté des universités à travers le monde pour leur trouver des places, en Europe, au Canada, à Antigua ( dans les Caraïbes). Ces universités leur ont facilité les inscriptions, en baissant les frais d’inscription, etc. Mais les frais de scolarité varient entre cinq mille dollars par an et dix-sept mille dollars en fonction du pays d’accueil. Nous devons donc trouver pour ces étudiants, des moyens pour financer leur frais de scolarité, mais également les frais de transports, de nourriture, d’hébergement, de santé physique ou mentale, de visas, ou encore les frais pour le matériel informatique.
Lire aussi : « Grain d’Ukraine », début d’une relation bilatérale forte entre l’Afrique et l’Ukraine ?
Comment financez-vous alors vos actions ?
Au départ nous avons été soutenus par “Google Org”, l’organisation humanitaire de Google. Ce sont des employés Noirs de la société qui ont vu nos actions et nous ont proposé de l’aide. La fondation “Global Giving” et l’”Alliance pour l’Ukraine”, nous ont également soutenu financièrement. Ensuite nous avons lancé une action de collecte de fonds via internet qui nous a permis de réunir 130 000 dollars. A travers notre site, nous sommes également contactés pour quelques donations.
Combien de personnes ont bénéficié de l’aide de la GBC depuis le début de la guerre ?
Depuis le début de cette guerre, nous avons aidé plus de trois mille personnes. Actuellement nous devons soutenir plus de cinq cent nouvelles personnes et sommes à la recherche de fonds. Nous avons lancé une nouvelle collecte en France par exemple pour un montant cible de quinze mille euros. Le nombre de personnes qui nous sollicite est grandissant. Nous aurions besoin de deux cent mille euros pour pouvoir soutenir toutes les demandes. Nous voulons lancer un appel aux structures comme l’ONU pour nous aider à aider toutes ces personnes.
Comment pouvez-vous rassurer les potentiels donateurs sur l’utilisation de ces fonds ?
Avant de débloquer de l’argent pour une personne ou une famille, nous procédons à une vérification de l’identité, de la situation réelle de la personne pour éviter les fraudes. Malheureusement dans ce genre de situations, certaines personnes qui ne sont pas concernées essaient de profiter de l’aide qui est destinée à ceux qui en ont vraiment besoin. Ensuite nous travaillons avec un cabinet comptable qui gère les fonds collectés. Ils sont les seuls à avoir accès aux comptes. Sur notre site, nous mettons aussi en avant via un rapport détaillé les actions mises en place.
Quel est votre parcours ?
Je suis Gabonaise, je suis arrivée au Canada quand j’avais sept ans. J’ai fait des études dans les sciences sociales et j’y ai fait ma carrière. Je suis ambassadrice de bonne volonté pour l’UNICEF depuis 2022. J’anime également une émission de télévision et un podcast où je rencontre des personnalités publiques qui ont affronté des épreuves dans leur vie et dont ils ont tiré un apprentissage qu’ils partagent dans l’émission.
Comment vous contacter pour obtenir de l’aide ?
Via nos réseaux sociaux @globalblackcoalition, mais aussi via notre site web. Pour les urgences nous avons notamment mis en place une adresse mail : emergency@globalblackcoalition.org.