Trois candidats ont été retenus pour la Présidentielle algérienne du 7 septembre 2024. Le président sortant Abdelmadjid Tebboune part favori pour briguer un second quinquennat, admettent à Tama Média des observateurs des dynamiques sociopolitiques en Algérie. Mais la grande inconnue de cette élection demeure le taux de participation de l’électorat. Analyse.
En se présentant pour un second mandat de cinq ans, le président sortant Abdelmadjid Tebboune est quasiment certain de poursuivre sa mission à la tête de l’État algérien au-delà de l’élection présidentielle du 7 septembre prochain. « Il a un bilan », argue l’analyste politique Dr. Laid Zeghlami, par ailleurs enseignant en sciences de l’information et de la communication à l’Université d’Alger.
Mais il n’y a pas que cela. Bien avant de déclarer sa candidature, le successeur d’Abdelaziz Bouteflika (1999-2019), qui se présente à nouveau en « indépendant », a reçu les soutiens d’une bonne partie de la classe politique qui soutenait le régime déchu par le Hirak : des partis politiques de l’ancienne Alliance présidentielle de Bouteflika, des formations politiques récemment créées, ainsi que des associations considérées membres de la « société civile » ayant accompagné les pouvoirs successifs depuis l’Indépendance. Chacun y va de son discours pour manifester « son soutien » à l’actuel locataire du palais d’El Mouradia, qui soufflera ses 79 bougies en novembre prochain.
Preuve de cette assurance : en quatre jours de campagne électorale qui a débuté le 15 août pour se terminer le 5 septembre, Abdelmadjid Tebboune, qui s’est même permis le luxe de choisir le ministre de l’Intérieur en poste, Brahim Merad, dont les services détiennent le fichier électoral, comme directeur de campagne, n’a pas besoin d’animer lui-même des meetings. Tout au long de cet exercice démocratique, qui dure trois semaines, il n’a prévu que quatre rencontres avec la population, dont la première s’est tenue le 18 août à Constantine (Est).
Le reste de la campagne est assuré par ses nombreux soutiens qui défilent, chaque soir, sur les antennes des médias officiels au même titre que les deux autres candidats retenus. « L’élection est jouée d’avance », assure Dr. Nacer Djabi, professeur de sociologie politique à l’Université d’Alger, ayant notamment dirigé l’ouvrage collectif « Les mouvements amazighs en Afrique du nord. Élites, formes d’expression et défis » (Chihab Éditions, 2019). Ce sociologue explique cela par « la fermeture de tous les espaces médiatiques et politiques » aux autres forces de l’opposition en dehors de la période électorale.
Deux Outsiders ?
Face au grand favori de ce scrutin, les deux autres candidats servent d’outsiders. Abdelaali Hassani-Chérif, ingénieur de 58 ans, est candidat investi du Mouvement de la Société pour la Paix (MSP), issu des Frères Musulmans. Inconnu du grand public, il y a un an, son étoile commence à émerger depuis qu’il a succédé, en juin 2023, au charismatique Abderrazak Makri à la tête du parti islamiste.
Sa candidature à cette échéance électorale a d’ailleurs été appréhendée comme une surprise puisque tout le monde s’attendait à voir l’ancien leader du parti briguer la magistrature suprême, lui qui se disait « prêt » et « capable » d’assumer les fonctions de président de la République, au palais d’El Mouradia. Depuis le début de la campagne, Abdelaali Hassani-Chérif, longiligne et lunettes vissées sur le front, sillonne le pays pour faire savoir qu’il « n’est pas un lièvre » et que « les jeux ne sont pas faits » contrairement à ce qu’affirment journalistes et observateurs. Aux Algériens, il promet de leur « rendre leur dignité » et d’améliorer leurs conditions de vie.
En face, Youcef Aouchiche fait figure du benjamin de cette grand-messe électorale. À tout juste 40 ans, cet ancien journaliste devenu sénateur est le candidat admis du Front des Forces socialistes (FFS), plus vieille formation politique de l’opposition. Seul à s’exprimer pour le moment dans les trois langues employées dans le pays (berbère, arabe et français), le jeune loup de la politique algérienne sait qu’il ne gagnera probablement pas cette élection. Mais affirme prendre part au scrutin pour lui donner « de la légitimité », évitant ainsi des « problèmes internes » et des divisions sur le territoire national.
Il a axé sa campagne sur « le pouvoir d’achat » puisqu’il promet une grande augmentation du salaire minimum, actuellement de 20 000 DA (environ 80 euro) à 40 000 DA et des pensions pour les universitaires et les femmes au foyer, mais aussi sur « la réhabilitation de la politique ». Il est le seul des trois candidats à s’engager une fois élu pour « la libération des détenus politiques et d’opinion ».
Il s’agit de centaines de personnes incarcérées par les autorités pour avoir notamment publié des posts critiques au pouvoir sur les réseaux sociaux. En plus de cela, sa candidature pourra permettre à la Kabylie, cette région berbérophone frondeuse contre l’État central, de voter. Moins de 1% des habitants de cette localité, située à une centaine de kilomètres à l’Est d’Alger, se sont rendus aux urnes en 2019.
Principal enjeu, la participation
Globalement, ces trois candidatures « représentent les principaux courants politiques » existants en Algérie, analyse pour Tama Média le sociologue Nacer Djabi. À cela s’ajoute le fait que même si les élections semblent « jouées d’avance », certains trouvent qu’elles ont permis à « l’émergence de nouvelles figures politiques » à travers Youcef Aouchiche et Abdelali Hassani-Chérif, estime pour sa part Dr. Laid Zeghlami qui met en avant surtout le fait que « la jeunesse » du candidat du FFS soit « un atout » pour lui. « Les deux hommes vont se construire une personnalité à l’avenir », ajoute Nacer Djabi. Mais ce professeur de sociologie politique regrette que la « classe politique algérienne » soit « incapable de se renouveler à travers l’émergence de nouvelles figures politiques ».
Avant de faire émerger trois candidats, l’Autorité nationale des élections (Anie) avait reçu une quinzaine de dossiers de candidatures. Ils ont tous été rejetés pour absence de parrainages nécessaires à tout postulant à la Présidentielle, qui doit réunir au moins 60.000 signatures d’électeurs dans au moins 29 départements ou bien 600 élus, locaux ou nationaux, selon le code électoral.
L’Anie a annoncé sur son site internet que le Corps électoral est composé de plus de 23,4 millions d’Algériens, auxquels s’ajoutent plus de 865.000 électeurs de la diaspora. La grande inconnue de cette élection demeure le taux de participation. Le déroulement de la campagne électorale en été, une période de vacances et de grandes chaleurs, en plus du sentiment que « les dés sont jetées », n’encouragent pas non plus les électeurs à aller s’acquitter de leur devoir civique. Surtout que, lors des dernières élections, le taux de participation était extrêmement faible : 40% à la Présidentielle de 2019 et 23% aux Législatives de 2021.
C’est une crainte que même les partisans de Tebboune partagent. Pour eux, « beaucoup d’Algériens savent que le président va être réélu ». D’autres, au sein de l’opposition, lient ce possible faible taux aux appels « au boycott » et à l’éloignement des Algériens de la chose politique depuis le non-aboutissement des objectifs du mouvement populaire de 2019, le Hirak qui avait poussé l’ancien président Abdelaziz Bouteflika à la démission.