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Mali : la militante des droits humains Aminata Dicko sort de son silence

Par Redaction
04 March 2023
7 min

Aminata dicko Mali militante tama media

Depuis son intervention dans une session du Conseil de sécurité de l’ONU, qui a suscité de nombreuses réactions à Bamako, la militante malienne des droits humains Aminata Dicko n’avait plus donné de nouvelles. Elle est finalement sortie de son silence vendredi 3 mars.

Engagée pour la défense et la promotion des droits humains, au sein de son organisation Kisal, Aminata Dicko est habituellement très active sur les réseaux sociaux qu’elle utilise pour mettre en avant son engagement citoyen. Mais depuis qu’elle a fait l’objet d’une campagne de dénigrement, suite à son intervention au Conseil de sécurité de l’ONU, le 27 janvier, la jeune femme ne s’est plus exprimée sur ses différents comptes réseaux sociaux pendant plus d’un mois.

« Aujourd’hui, elle est incriminée sur les réseaux sociaux parce qu’elle a donné son avis sur la situation du Mali, fait observer Mohamed [prénom modifié], un militant malien des droits de l’Homme actuellement en exil, contacté via le réseau social WhatsApp. C’est une femme qui a été et qui est toujours engagée pour la défense des droits de l’Homme depuis le temps de feu Ibrahim Boubacar Keïta IBK jusqu’à nos jours. Elle n’a fait que décrire la réalité de la vie quotidienne des Maliens depuis la Tribune de l’ONU. »


Que peut-on dire sur la photo d’Aminata avec Volker Türk ?


Il a fallu attendre ce vendredi 3 mars, dans l’après-midi, pour voir son premier tweet depuis son intervention à l’ONU. Elle a posté une photo la montrant aux côtés du Haut-commissaire des droits de l’Homme des Nations Unies. « Honorée d’avoir été reçue par Volker Turk, Haut- commissaire aux droits de l’homme des Nations Unies, dont l’intérêt pour la protection des sans voix et des victimes a été réaffirmé. », a écrit Aminata Dicko sur son compte du réseau social Twitter, suivi par plus de 17 000 abonnés, sans préciser le lieu et le cadre dans lequel elle a été reçue sans doute par mesure de prudence.


Sa réception par Volker Türk, partant de l’analyse de la photo sans vouloir l’exposer davantage, aurait lieu en marge des activités organisées dans le cadre de la célébration du 75e anniversaire de la déclaration universelle des droits de l’Homme, laquelle s’étend sur une année. Pour être plus précis, la photo aurait été prise lors de la cinquante-deuxième session du Conseil des Droits de l’Homme (CDH), en marge de la commémoration du 75e anniversaire de la déclaration universelle des droits de l’Homme, a ouvert ses portes le 27 février dernier, à Genève, en Suisse. L’ONCHR a lancé aussi lancé le jeudi 2 mars un appel à candidature pour intégrer le Groupe consultatif des jeunes sur les droits de l’Homme, qui sera bientôt crée.

Nous avons pu comparer la récente image d’Aminata avec plusieurs images récentes de Volker Türk. Une d’entre elles publiée le 28 février sur le compte Twitter de son organisation, ainsi qu’une autre du ministre malien des Affaires étrangères montrant le même décor, postée le 1er mars par ses services de communication, nous permettent de confirmer que la jeune femme a donné de ses nouvelles depuis Genève, siège de l’Organisation onusienne en charge des droits humains. Et que la photo a été prise en marge de la 52e session du CDH, dans l’intervalle du 28 février au 2 mars, date où elle est sortie de son silence.

« Très ravi de savoir qu’elle se porte bien et surtout qu’elle garde le moral »

Quoi qu’il en soit, nombre de personnes interrogées se réjouissent de la nouvelle de sa réapparition sur les réseaux sociaux, ainsi que de nombreux internautes maliens. « Je suis très ravi de savoir qu’elle se porte bien et surtout qu’elle garde le moral, se réjouit Anass Maiga, membre d’une organisation de la société civile dans la région de Gao, la plus grande ville au nord du pays, très actif en ligne. Ce qui lui est arrivé après son passage au niveau du Conseil de sécurité des Nations Unies peut être difficile à supporter. Bien qu’elle ait été obligée de fuir son pays – ce qui est très regrettable – elle tient encore. ». Anass Maïga dit avoir « été dégoûté du traitement dont elle a été victime. Malheureusement, c’est désormais le sort réservé à toutes les voix discordantes dans ce pays ». C’est le cas d’un proche d’Aminata Dicko que nous avons contacté pour avoir son ressenti, mais il n’a pas voulu commenter le sujet : « Pour le moment, je ne souhaite pas commenter le sujet dans les médias. Je suis très ‘’visé’’ aussi. Le moment pour moi de le faire viendra et je le ferai à visage découvert. Pour le moment, je souhaite me contenter de mon compte twitter pour faire passer mes messages », s’est-il contenté de nous faire comprendre. Quant à l’activiste malien vivant en exil, qui a également côtoyé la militante Aminata Dicko, il nous la décrit en ces termes : « battante, engagée et déterminée. » Pour lui, « c’est son droit le plus absolu de s’exprimer ». De ce fait, ajoute-t-il, « la justice doit faire son travail pour que ces personnes puissent se réserver des insultes et d’éviter de porter atteinte aux droits fondamentaux et à l’intégrité physique d’Aminata Dicko ».

Lire aussi : Mali : qui est Aminata Dicko dont l’intervention à l’ONU a créé la colère de Bamako ?

« L’instrumentalisation de la question des droits de l’Homme » ?

Pour rappel, le 30 janvier, une plainte contre la militante a été déposée au tribunal de la Commune 4 de Bamako par le Collectif pour la défense des militaires, un mouvement connu pour sa proximité avec les autorités maliennes de transition, « pour diffamation, calomnie et haute trahison ». Par ailleurs, de nombreux rapports des organisations nationales et internationales des droits de l’Homme relèvent ces derniers mois « un rétrécissement continu de l’espace civique et de l’autocensure » au Mali.

Dans sa déclaration faite à la 52e session du CDH, le jeudi 2 mars, à Genève, le ministre malien des Affaires étrangères Abdoulaye Diop a voulu rassurer ses interlocuteurs « que le gouvernement du Mali, tout en s’opposant fermement à l’instrumentalisation de la question des droits de l’Homme à des fins politiques et géopolitiques et, même souvent, à des fins de déstabilisation, continuera d’œuvrer inlassablement pour leur promotion et leur protection conformément à nos valeurs ancestrales […] ». « Le Mali continuera aussi à respecter tous les engagements internationaux qui ont été pris par rapport aux droits de l’Homme », a-t-il ajouté, regrettant au passage, selon ses propres mots, « la tendance persistante à polarisation de [leurs] échanges sur les questions des droits de l’Homme et la fixation qu’en font malheureusement certains États. »Aussi, faut-il le signaler, lors de l’intervention d’Aminata Dicko à l’ONU, le ministre Adoulaye Diop avait émis des doutes sur la représentativité de celle qu’il a alors qualifiée d’ ‘’une déléguée’’. « J’assume en tant que malienne mon engagement pour exprimer mon opinion de manière objective et respectueuse », a réagi la vice-présidente de l’Organisation Kisal, Aminata Dicko, dans un second message posté sur Twitter le même vendredi 3 mars. Dans lequel, elle adresse ses remerciements aux soutiens dont elle a bénéficié et « pardonne à tous ceux qui l’ont offensée, diffamée et percutée.»