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Mali : “C’était comme un tremblement de terre”, à Sévaré le choc après les attaques du samedi 22 avril

27 avril 2023
7 min

Au Mali, deux événements survenus le samedi 22 avril ont entraîné plusieurs victimes, dont au moins treize morts : une attaque à la voiture piégée à Sévaré, dans le centre, et le crash d’un hélicoptère d’attaque dans la capitale Bamako.

« Quand j’ai entendu la première détonation, je me suis levé de mon lit pour venir m’asseoir dans mon salon. C’est étant dans le salon que j’ai entendu la deuxième détonation, provoquant une sorte de séisme. J’ai alors compris que c’était une attaque ». Alhousseini est encore saisi d’effroi quand il raconte cette journée du samedi 22 avril. Ce père de famille n’habite pas dans le centre de Sévaré mais à Mopti. Mais comme beaucoup d’habitants de la périphérie de Mopti, il a été réveillé par les détonations venues de Sévaré. Cela faisait des mois que cette ville presque juxtaposée à Mopti (13 kilomètres de distance) vivait dans une relative quiétude dans un Mali en proie aux attaques djihadistes quotidiennes.

« C’était comme un tremblement de terre. J’ai pris la main de mon enfant, je lui ai dit : allons-y… », raconte Koumba, une autre habitante de Mopti. « Dans la panique, je cherchais rapidement à sortir de la maison mais je suis tombée et je me suis blessée au passage », raconte une autre habitante de Mopti.

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Des dégâts matériels suite aux détonations lors de l’attaque de Sévaré du samedi 22 avril.

A Sévaré, l’épicentre des attaques, les détonations se faisaient encore plus entendre et faisaient trembler plusieurs bâtiments. L’un des attentats a été mené par une voiture piégée, remplie d’engins explosifs, près de l’aéroport de Sévaré, dans le quartier Sarema. « J’ai eu vraiment peur quand la première détonation a lieu, mais le fait que nos militaires aient vite fait une contre-attaque m’a rassuré. J’ai eu la vie saine et sauve contrairement à d’autres dans mon entourage », témoigne un rescapé de l’attaque, un boutiquier qui était sur le point de rouvrir ses portes.

Au moins 10 morts et 61 blessés civils

Quelques heures plus tard, le samedi 22 avril, l’état-major malien a confirmé avoir « déjoué une attaque complexe aux environs de l’aéroport de Sévaré avec de fortes explosions et des tirs ayant perturbé la quiétude de la population ». Il avait rassuré que la situation était sous contrôle, ainsi que des ratissages qui continuaient. Dans la même journée, vers 11h GMT, le chef de l’exécutif régional, le colonel-major Abass Dembélé, à la tête d’une forte délégation, s’est rendu sur les lieux de l’incident pour constater la situation. Il est d’abord passé par l’hôpital Sominé Dolo de Mopti. C’est dans ce dernier que les blessés et morts étaient admis. Pour afficher leur solidarité avec les victimes, la population de Mopti s’est massivement mobilisée pour faire des dons de sang aux hôpitaux.

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Le gouverneur de la région de Mopti, le colonel-major Abass Dembélé, sur les lieux de l’incident le samedi 22 avril.

En effet, plusieurs maisons se sont effondrées, ainsi que des vitres de bâtiments brisées, provoquant la mort d’au moins 10 personnes et 61 blessés, tous des civils, selon un communiqué rendu public un peu tard dans la soirée du samedi 22 avril. Dans celui-ci, le gouvernement malien de transition a aussi annoncé la neutralisation de 28 terroristes lors de cette attaque — visant la base aérienne 102 de l’armée malienne, située dans la zone aéroportuaire de Sévaré. Celle-ci abrite, à en croire certaines indiscrétions, des “instructeurs russes” de l’état-major malien. Pour d’autres, il s’agirait en réalité des mercenaires du groupe Wagner. Alors que le pouvoir de Bamako nie toute présence du groupe paramilitaire russe au Mali.

Le fondateur de Wagner a néanmoins fait une sortie remarquée ce mercredi. Erreur de communication ou volonté de transparence ? Evguéni Prigojine, cité par son service de presse, assure qu’aucun de ses combattants n’a été blessé ou tué lors de l’attaque de Sévaré.

« Selon mes informations, personne (de Wagner) n’a été blessé à Sévaré. Front Al-Nosra (groupe jihadiste actif en Syrie), Al-Qaïda et d’autres organisations se donnent des airs, ça fait de nombreuses années qu’ils sont très faibles et incapables d’attaquer qui que ce soit. Mais du côté des terroristes, d’après ce que je sais, les pertes sont élevées. L’armée malienne contrôle le Mali parfaitement », aurait réagi Evguéni Prigojine, répondant en russe et en français à une question de nos confrères de l’AFP lui demandant de confirmer ou non les rumeurs de pertes au sein du groupe Wagner lors de l’attaque de Sévaré, depuis revendiquée par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM).

Commentant cette attaque complexe, certains observateurs estiment pour leur part qu’elle aurait davantage été lourde de conséquence n’eût été la rapide riposte des forces armées maliennes. D’autres, tout en saluant la riposte, s’interrogent quand même sur l’efficacité des services de renseignements maliens, surtout que la ville de Sévaré est réputée notamment être un point stratégique dans le dispositif militaire malien. Pour eux, cette attaque aurait pu être déjouée hors de la ville sans qu’il y ait des victimes collatérales. Quoi qu’il en soit, à Mopti et à Sévaré, les populations ont rapidement retrouvé la quiétude, vaquant ainsi à leurs affaires, a-t-on constaté sur place.

Crash d’un hélicoptère d’attaque

A plus de 600 km de Sévaré, vers 13h, dans la même journée de samedi 22 avril, un hélicoptère d’attaque s’est écrasé dans un quartier résidentiel de la capitale Bamako. L’appareil en détresse était tombé dans une cour inhabitée, a-t-on appris des sources contactées à Bamako. Les autorités maliennes ont indiqué, dans le même communiqué rendu public le soir, que cet incident est intervenu à la suite « d’une opération classique de surveillance aérienne de Bamako ».

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Photo amateur montrant l’explosion de l’hélicoptère d’attaque dans un quartier résidentiel de Bamako, le samedi après-midi.

Ce qui a « entraîné la mort de trois militaires membres de l’équipage et fait six blessés civils qui se trouvaient dans la zone de l’accident », selon le gouvernement malien. Les membres de l’équipage, a-t-on appris de sources concordantes, étaient deux pilotes et un mécanicien. C’était suite à l’intervention des pompiers — pour éteindre la flamme — que l’appareil a finalement explosé, faisant au passage des victimes collatérales en plus de membres de l’équipage dont nous ne sommes pas parvenus à vérifier leurs identités auprès de nos sources. L’état-major malien n’a révélé que l’identité de l’un de deux pilotes, le Lieutenant d’Aviation Mamadou Fofana dont les funérailles ont lieu le lundi 24 avril. « Les familles des deux autres disparus, qui se sont illustrés par leur professionnalisme avec le don de soi, ont fait leurs obsèques en toute discrétion. », a-t-il indiqué sans mentionner leurs noms. Qu’importe, sur les réseaux sociaux, plusieurs internautes ont salué le courage du pilote et ses compagnons, qu’ils estiment mourir en martyrs.

Ces événements sont survenus au deuxième jour de l’Aïd el-fitr, la fête marquant la fin du ramadan au Mali, l’édition 2023.