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Massacres dans le sud du Tchad : la France est-elle impliquée ?

29 mai 2023
4 min

Début mai, des villages à la frontière Tchad-Centrafrique ont été le théâtre de massacres perpétrés par des inconnus sur des civils. Bilan : une trentaine de morts. L’armée française est soupçonnée d’être derrière ces assassinats. Que s’est-il réellement passé ?

Tout a commencé dans la nuit du 7 mai 2023 dans un campement de cultivateurs à la lisière du village Doniate dans le canton Goré, à la frontière centrafricaine. Des individus munis d’armes à feu et blanches y ont fait irruption autour de 23 heures. De sang-froid, ils abattent trois personnes d’une même famille et blessent deux autres. 

A l’aube du 8 mai, les assaillants, visiblement les mêmes, ont attaqué le village de Don dans le canton Bekan. A coup de fusils, de machettes, de flèches et de coupe-coupes, ils ont tué 12 habitants et blessé six autres. Quelques jours plus tard, c’est un village dans le département des Monts de Lam qui a été ciblé. Douze villageois y perdent la vie. 

Le mode opératoire

Selon les témoignages des rescapés et victimes, les assaillants se déplacent à dos de chevaux, à motos et à pied. Après leur forfait, ils pillent les étables et les magasins et incendient dans certains cas des maisons d’habitation.  D’après le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Goré, Nerambaye Ndoubamian, les indices relevés montrent que les assaillants ont été guidés par des personnes qui connaissent bien les villages ciblés et leurs habitants. Il informe qu’une enquête est ouverte pour retrouver des personnes suspectées d’être auteurs, complices ou coauteurs de ces massacres dont les prénoms ont été donnés par certains témoins. 

“Des fake news” selon les autorités tchadiennes et françaises

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Tchad : poste-frontière installé dans la localité de Goré, près de la Centrafrique, par le génie tchadien en collaboration par le génie français

Au lendemain de ces attaques, des sites et pages Facebook ont publié des informations indexant les troupes françaises au Tchad d’être derrière ces massacres. Il est bien vrai que des soldats français ont été déployés dans cette zone fin avril. Officiellement pour installer un poste-frontière robuste à Goré, à la demande de N’Djamena. Le 4 mai, le détachement militaire français s’est retiré de la zone. Ce qui de facto, exclut leur implication. 

D’autres éléments qui disculpent les soldats français sont les témoignages des rescapés et la présentation d’un groupe de personnes identifiés comme auteurs de ces massacres. Plusieurs rescapés et victimes ont témoigné avoir identifié des éleveurs peuls habitant la zone parmi les assaillants. Un des chefs de quartier du village de Don soutient explicitement la thèse d’une vendetta.  La découverte du corps sans vie d’un influent chef de ferrick [chef traditionnel d’un campement nomade] tué avec son frère dont les cadavres ont été retrouvés dans un fleuve à la frontière Tchad-RCA est, selon lui, la cause de ces massacres.  

Images d’arrestation de présumés assassins

Le 17 mai, le gouverneur de la province du Logone Oriental, Ahmad Dari Bazine a présenté à Goré une trentaine de personnes soupçonnées d’être derrière ces assassinats. Avec elles, des armes de guerre, des armes blanches et un troupeau de bœufs ont été récupérés. Ces personnes, il faut le souligner, sont interpellées en territoire centrafricain. Cela a été possible avec l’aval et la coopération des autorités administratives et militaires centrafricaines.   

Tchad : arrestation d'une trentaine de personnes accusés d'avoir mené des assassinats à la frontière avec la Centrafrique
Tchad : arrestation d’une trentaine de personnes accusées d’avoir mené des assassinats à la frontière avec la Centrafrique
Tchad : arrestation d'une trentaine de personnes accusées d'avoir mené des assassinats à la frontière avec la Centrafrique
Armes des personnes accusées d’avoir mené les assassinats à la frontière avec la Centrafrique

Des soldats tués par des abeilles ?

Quelques jours après ces attaques, une information relayée sur les réseaux sociaux fait état de la mort de huit soldats français tués dans le canton Timbéri lors d’une attaque d’abeilles. Il n’en est rien, rétorque l’ambassade de France au Tchad qui parle d’une fake news. Ce que confirment également les autorités administratives et traditionnelles de Goré.

L’insécurité à la frontière Tchad-RCA est un fait des bandits de grand chemin, a indiqué le gouvernement tchadien. Dans un communiqué, le ministre porte-parole du gouvernement, Aziz Mahamat Saleh a assuré qu’une opération sécuritaire d’envergure est en cours pour sécuriser toute la frontière.

Par Christian Allahadjim

Correspondant à N'Djamena au Tchad