Seidik Abba est journaliste et chercheur spécialiste du Sahel. Il est fondateur du Centre international d’études et de réflexions sur le Sahel (Cires) et auteur de plusieurs ouvrages dont « Mali-Sahel, notre Afghanistan à nous ? » publié chez Impacts Éditions (2022). Quel regard porte-t-il sur la “ prolifération ” des coups d'État en Afrique de l’Ouest et leur gestion par la Cédéao ? Nous l’avons rencontré à Bamako, au Mali, à l’occasion d'un séminaire international sur le « Rôle des médias dans la gestion des crises au Sahel » auquel il a pris part du 28 au 30 novembre 2023. Entretien.
Propos recueillis par Jean-Marie Ntahimpera
Tama Média : Le Mali, le Burkina, la Guinée et plus récemment le Niger sont tombés entre les mains de militaires ayant chassé les civils du pouvoir. Comment expliquez-vous cette multiplication des coups d’Etat et leur popularité ?
Seidik Abba : Ces dernières années, le Sahel a connu des coups d’État qui sont différents les uns des autres, même s’il y a en toile de fond la question sécuritaire dans les pays comme le Niger, le Burkina et le Mali. La Guinée, quant à elle, est dans une dynamique un peu différente. En observant ces coups de force, des facteurs internes et externes sont à noter.
Ceux internes se situent au moins à deux niveaux : la déception vis-à-vis de la gouvernance politique et la dégradation de la situation sécuritaire. Je m’explique. Dans les trois pays (le Burkina, le Mali et le Niger), on constate que la gouvernance démocratique n’a pas apporté les résultats tant espérés par leurs peuples, notamment la question du contenu de la démocratie. À cela vient s’ajouter la situation sécuritaire.
En outre, on a le facteur externe. C’est le fait que beaucoup de militaires de ces trois pays se sont dits : « Tant qu’à faire, la communauté internationale va condamner. Mais quand elle sera mise devant le fait accompli, elle ne pourra que reculer ». Les militaires ont pu profiter de cette impuissance de la communauté sous-régionale et internationale face aux putschs.
La difficulté maintenant est qu’il n’y a pas de trajectoire précise. Aucun de ces régimes n’affiche aujourd’hui un calendrier de transition précis menant vers l’organisation d’élections. On a des dates, mais elles ne pourront pas être tenues.
Au Burkina, la junte estime qu’il faut que la sécurité revienne avant la tenue d’élections. Mais quand est-ce que la sécurité va revenir ? Combien de temps cela peut prendre ? Personne ne peut dire avec certitude le moment où la dégradation de la situation sécuritaire va prendre fin. Il y a donc cette difficulté aujourd’hui à avoir un contenu de la transition, cette capacité à regarder la réalité en face, à voir que l’insécurité persiste.
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