Aziz Kountché, entrepreneur fou d’aéronautique et petit-fils du général et ancien dirigeant nigérien Seyni Kountché, fait visiter son entreprise de drones civils, Drones Africa Service, “du 100% nigérien.”
De l’extérieur c’est une maison plutôt huppée comme d’autres à Niamey, mais l’intérieur détonne: trois drones aux ailes d’albatros sont posés sur de larges tables, au milieu des outils et de leurs créateurs dans l’atelier improvisé.
Aziz Kountché, entrepreneur fou d’aéronautique et petit-fils du général et ancien dirigeant nigérien Seyni Kountché, a lancé en 2016 son entreprise de drones civils, Drones Africa Service, du “100% nigérien”.
“On importe les produits qu’on ne trouve pas ici comme la fibre de verre, le carbone, mais tout le reste, conception, modélisation, fabrication, est fait ici”, explique le grand gaillard à la large carrure mais aux doigts d’orfèvre: “je les construis tous moi-même”.
Du rêve de l’enfant qui passait ses week-end à l’aéroclub de Niamey quand il n’était pas sur les bancs du lycée français du Niger, l’aventure s’est transformée en une entreprise qui revendique “un chiffre d’affaires qui double chaque année”.
Aziz Kountché ne cache pas que l’héritage familial peut ouvrir des portes, mais réfute le favoritisme: faute de moyens, affirme-t-il, il a fait toutes ses études au Niger et ce sont des cours du soir aux élèves du lycée français qui ont payé ses premières heures de vol.
- Premier drone en 2009 –
Après des heures passées sur internet et à l’aéroclub, Aziz Kountché construit en 2009 un premier drone, sans vraiment vouloir en tirer de l’argent.
Mais le contexte sécuritaire se dégradant avec les incursions des jihadistes sur la frontière nigériane puis malienne, de moins en moins d’ONG et de fonctionnaires peuvent aller faire des évaluations de terrain. Aziz Kountché et ses drones deviennent alors une opportunité pour pouvoir continuer à cartographier, surveiller des mouvements pastoraux, prévenir le braconnage.
Ailleurs, ce sont des prestataires occidentaux qui remportent les marchés, faute de savoir-faire local. Aziz Kountché a lui “su exploiter le bon créneau au bon moment, et puis, les bailleurs de fonds adorent les start-up en zone de conflit”, explique un responsable d’une ONG à Niamey, familier du travail de l’entreprise.
Au Niger, Aziz Kountché ne travaille que pour l’Etat et ses partenaires (ONU, ONG). Dans un pays où France comme Etats-unis opèrent des drones armés, lui réfute l’usage sécuritaire de ses drones, car il y a un marché déjà largement assez grand en dehors de la sécurité.
Son premier “grand coup” a été un contrat avec le Haut commissariat pour les réfugiés de l’ONU (HCR) en 2016: il fallait cartographier les zones d’accueil des déplacés dans la région de Diffa (sud-est) meurtrie par les assauts incessants des fantassins de Boko Haram.
- “Drone Academy” –
Là-bas, les civils déplacés par le conflit se comptent par milliers et l’Etat peine à faire face. Les drones d’Aziz Kountché ont été utilisés pour pouvoir suivre les flux humains et villages d’accueil.
Depuis, les activités des consultants se multiplient au Niger et dans la sous-région: surveillance anti-braconnage dans le parc national du W au Bénin, suivi des mouvements des girafes à Kouré non loin de Niamey, cartographie des zones inondables lors des grandes pluies de 2020.
Désormais, l’entrepreneur veut étendre ses services. Finie la simple location de son ssavoir-faire, est arrivé le temps de vendre des drones et de former d’autres personnes.
Dans l’atelier, du matériel attend dans des cartons: la production “en série” commencera d’ici un mois. “On a déjà quatre ou cinq commandes à livrer”, sourit-il, moitié content d’une affaire qui roule, moitié stressé des défis qui s’annoncent.
“Ouvrir une boîte ici, c’est facile et ca ne coûte pas cher, mais qu’elle marche, c’est autre chose!”. Le climat des affaires n’est pas bon au Niger, voire “catastrophique”, selon une source diplomatique.
Selon Aziz Kountché, il lui faut payer 50% de la valeur de ses produits importés en taxes douanières. Mais délocaliser n’est pas une option: “ça n’a pas de sens, ce n’est pas pour ça que +Drone Africa Service+ existe”, dit le chef d’entreprise qui fait travailler trois personnes à temps plein.
“Il faut que l’Etat mette en place des mécanismes!”, dit-il, sans pouvoir lui-même s’empêcher d’avoir des dizaines d’idées en tête.
Il est de ceux à qui la vie sourit, alors pourquoi s’en priver? Il dit réfléchir à lancer une “Drone academy” à Niamey. Et tout de suite, en période de pandémie de covid-19, l’entrepreneur évoque ses réflexions: dans un pays rural où les accès sont difficiles, pourquoi ne pas réfléchir à livrer des vaccins contre le coronavirus par drone?
La rédaction avec l’AFP