Le Conseil constitutionnel sénégalais a publié samedi une liste définitive de 20 candidats à la Présidentielle du 25 février 2024 sur laquelle ne figurent pas deux opposants notables : Ousmane Sonko, actuellement en prison, et Karim Wade, fils et ministre de l’ex-président Abdoulaye Wade.
La liste comprend le candidat du pouvoir, le Premier ministre Amadou Bâ, les ex-chefs de gouvernement Idrissa Seck et Mahammed Boun Abdallah Dionne, et Bassirou Diomaye Diakhar Faye, présenté comme le candidat de substitution d’Ousmane Sonko.
L’ancien Inspecteur des Impôts et des Domaines, personnage central d’un bras de fer de plus de deux ans avec l’État qui a donné lieu à des épisodes de troubles meurtriers, n’est pas sur la liste, comme attendu. Populaire parmi les jeunes, il était donné parmi les favoris de la Présidentielle.
Ousmane Sonko et Karim Wade recalés
Le Conseil a, après un dernier recours de Sonko, écarté sa candidature en raison d’une condamnation définitive pour diffamation à six mois de prison avec sursis, le 4 janvier, le rendant « inéligible pour cinq ans » dans l’affaire l’opposant au ministre Mame Mbaye Niang.
Dans deux autres dossiers, Sonko a été déclaré coupable en juin de « corruption de la jeunesse » et condamné à deux ans de prison ferme, puis écroué fin juillet sous d’autres chefs d’inculpation, dont appel à l’insurrection, association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste et atteinte à la sûreté de l’État.
Ousmane Sonko a dénoncé un complot pour l’empêcher de participer à la Présidentielle, ce que le pouvoir dément. La liste définitive inclut deux femmes : Rose Wardini, gynécologue et actrice de la société civile, et l’entrepreneure Anta Babacar Ngom. C’est la première fois que le Sénégal organise une élection présidentielle avec autant de candidats. Cinq entre eux avaient été retenus lors du scrutin de 2019, remporté par le président Macky Sall.
Le candidat de substitution de l’opposant Sonko risque de faire campagne en prison
L’opposant sénégalais emprisonné Bassirou Diomaye Faye, dont la candidature est parmi les 20 validées samedi par le Conseil constitutionnel, est présenté comme le candidat de substitution de l’opposant Ousmane Sonko, lui aussi en détention. Il risque de faire campagne pour la Présidentielle du 25 février en prison, un cas inédit au Sénégal. M. Faye, 43 ans, est le Secrétaire Général de Pastef, le parti dont il est avec M. Sonko l’un des membres fondateurs, et qui a été dissous en juillet 2023.
Il est en prison depuis avril 2023 pour « outrage à magistrat » et « diffamation à l’encontre d’un corps constitué » après un post sur Facebook s’attaquant, selon les autorités, à la justice.
Cet Inspecteur des Impôts et Domaines, issu de l’École nationale d’administration (Ena) de Dakar, va expérimenter une situation qui ne s’est jamais produite au Sénégal, affirme le constitutionnaliste Babacar Guèye.
« La loi ne prévoit pas de dispositions pour les candidats dans cette situation. Il risque de faire campagne en prison à moins que le président de la République n’aménage une situation » exceptionnelle pour lui permettre de sortir momentanément de prison, explique M. Guèye.
Bassirou Diomaye Faye, un homme discret, est moins présent dans les médias que Sonko, 49 ans, dont la candidature a été invalidée par le Conseil constitutionnel en raison d’une condamnation pour diffamation et en prison depuis juillet dans le cadre de deux autres dossiers distincts.
Mais, assure Ousseynou Ly, un responsable de la communication de leur parti dissous, les deux hommes « partagent pratiquement la même vision ». Pastef « a plusieurs têtes » et Bassirou « Diomaye (Faye), c’est Sonko », a indiqué le responsable de la communication de la formation, El Malick Ndiaye, dans un message sur les réseaux sociaux, après la publication de la liste des 20 candidats retenus.
M. Sonko a été classé troisième lors de la Présidentielle de 2019. Il est porteur d’un programme « anti-système » prônant notamment un rééquilibrage des rapports avec les pays européens, dont l’ancienne puissance coloniale française.
Candidature « irrecevable » de Karim Wade
L’opposant Karim Wade, fils de l’ex-président Abdoulaye Wade (2000-2012), a vu sa candidature jugée « irrecevable » en raison de sa double nationalité française et sénégalaise, selon le Conseil constitutionnel.
Tout candidat à la présidence « doit être exclusivement de nationalité sénégalaise, jouir de ses droits civils et politiques », exige la Charte fondamentale.
Karim Wade, 55 ans, né en France d’un père sénégalais et d’une mère française, a produit une déclaration sur l’honneur datée du 21 décembre selon laquelle il a exclusivement la nationalité sénégalaise, ont indiqué les septs Sages.
Or, le document qu’il a présenté est un décret daté du 16 janvier publié au Journal officiel de la République française. La juridiction estime que les effets du décret consacrant la renonciation par M. Wade à sa nationalité française « ne sont pas rétroactifs » et que sa déclaration sur l’honneur était « inexacte » au moment de son dépôt.
L’ancien ministre Thierno Alassane Sall, lui-même candidat, a déposé lundi un recours contre la candidature de M. Wade, la jugeant anticonstitutionnelle.
Karim Wade a dénoncé dimanche sur X (ex-Twitter) « une décision scandaleuse » et « un nouveau complot judiciaire », annonçant son intention de saisir des juridictions internationales. Il avait été empêché de concourir à la Présidentielle de 2019 du fait de sa condamnation en 2015 à six ans de prison pour enrichissement illicite. Détenu pendant plus de trois ans, il a été gracié en 2016 par le président Sall, et vit depuis en exil à Doha, au Qatar.
L’Assemblée nationale avait voté en août une loi lui rendant son éligibilité. Les 25 députés du parti de Karim Wade, sur les 165 de cet hémicycle, « exigent » la mise en place d’une Commission d’enquête parlementaire sur les conditions d’élimination des candidats à l’élection présidentielle, « en particulier celle » de M. Wade.
Le Sénégal organise pour la première fois une Présidentielle sans la participation du chef de l’État sortant. Macky Sall, élu en 2012 pour sept ans et réélu en 2019 pour cinq ans, a déclaré en juillet qu’il ne se représenterait pas en février 2024.
La rédaction avec l’AFP