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Qui sont les expulsés du Mali entre 2017 et 2023 ?

13 février 2023
6 min

Guillaume Ngefa Onu tama media

Enseignant, diplomates, fonctionnaires de la Minusma et des journalistes, ils sont au total huit personnalités expulsées du Mali, entre octobre 2017 et février 2023, pour des raisons diverses. Chronologie.


1. Trois expulsions enregistrées sous le défunt président Ibrahim Boubacar Kéïta

Robin Guiovanopoulos était enseignant au cycle primaire d’une école française à Bamako, « Liberté A ». Suite à une polémique liée à un devoir d’Histoire et Géographie qu’il a distribué à ses élèves, dans lequel il a utilisé le terme « Azawad », il a été expulsé du Mali. Une annonce faite via un communiqué diffusé le 23 octobre 2017. Le gouvernement d’alors lui avait accordé 72 heures pour quitter le Mali.

Trois mois après l’expulsion de l’enseignant Robin Guiovanopoulos, ce fut au tour du correspondant de Radio France Internationale (RFI) et de France 24, Anthony Fouchard. Suite à un tweet sur une attaque kamikaze enregistrée le 28 janvier 2018 dans la localité de Ménaka, le journaliste s’est vu retirer le même jour son accréditation par le ministère de l’économie numérique et de la communication, puis expulsé du Mali.

• Le 10 décembre 2019 : le chef du Bureau de la Minusma à Kidal, le Français Christophe Sivillon, a été sommé de quitter le Mali dans un délai de 24 heures suite à un discours qu’il a tenu à Kidal lors d’un congrès du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA). Dans son discours, Christophe Sivillon avait souhaité la bienvenue « aux délégations venues du Mali et de l’Étranger ». Le gouvernement avait alors estimé que ces propos du diplomate onusien “portent atteinte à la souveraineté et à l’intégrité territoriale” du Mali. C’était la première fois qu’un fonctionnaire de la Minusma soit déclaré persona non grata au Mali.

2. Cinq expulsions sous la transition du pouvoir actuel

Le 18 août 2020 : à la suite de nombreuses manifestations, le défunt président Ibrahim Boubacar Kéïta était poussé à la démission forcée par un groupe de militaires conduit par le colonel Assimi Goïta, visage jusqu’alors moins connu du grand public. Dans la phase de transition, dirigée par Bah N’Daw et son Premier ministre Moctar Ouane, aucun cas d’expulsion n’a été communiqué. Mais avec le pouvoir actuel de Bamako, l’on comptabilise officiellement déjà cinq cas d’expulsions.

25 octobre 2021 : le Pr. Hamidou Boly, représentant de la Cédéao [Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest] au Mali était déclaré persona non grata pour « agissements non compatibles » avec son statut. Le diplomate burkinabè a eu 72 heures pour quitter le Mali. Son expulsion était intervenue dans un contexte de bras de fer entre Bamako et la Cédéao qui a imposé des sanctions économiques au Mali, après le second coup d’État.

31 janvier 2022 : après de nombreuses brouilles diplomatiques entre Bamako et Paris par médias interposés, l’ambassadeur de France au Mali, Joël Meyer, était invité lui aussi à quitter le pays dans un délai de 72 heures.

08 février 2022 : un journaliste de Jeune Afrique, Benjamin Roger, était interpellé et expulsé du Mali quelques heures après avoir atterri à Bamako. Cette expulsion était également intervenue dans un contexte de tensions entre Bamako et Paris.

• Le 20 juillet 2022 : le porte-parole d’alors de la mission onusienne au Mali, Olivier Salgado, est déclaré par le pouvoir de Bamako persona non grata suite à une série de publications sur le réseau social Twitter concernant l’arrestation des 49 soldats à l’aéroport de Bamako, qui a été longtemps source de tensions entre les autorités ivoiriennes et le pouvoir malien. Dans ce dossier, les autorités maliennes de transition reprochaient au porte-parole de la Minusma « la publication d’informations tendancieuses et inacceptables sur le réseau social Twitter ».

• 5 février 2023 : le Directeur de la division des droits de l’Homme de la Minusma, le Congolais Guillaume Ngefa, s’est vu lui aussi déclaré persona non grata. Il lui a été accordé 48 heures pour quitter le pays. Cette décision intervient suite notamment à l’intervention de la défenseuse des droits humains Aminata Dicko à l’ONU. Le pouvoir de Bamako lui reproche d’avoir mené des actions qui ont « consisté à sélectionner des usurpateurs s’arrogeant le titre de représentants de la société civile malienne, en ignorant les autorités et les institutions nationales » lors des différentes sessions du Conseil de Sécurité des Nations Unies sur le Mali.

Qui sont les expulsés du Mali entre 2017 et 2023 ? Expulsion de Guillaume Ngefa
Guillaume Ngefa, Directeur de la division des droits de l’Homme de la Minusma, expulsé par le gouvernement malien

Dans une correspondance datée du 6 février, adressée au ministre malien des Affaires étrangères Abdoulaye Diop, le Haut commissaire aux droits de l’Homme basé à Genève a exprimé sa « consternation et [sa] vive protestation face à la décision du gouvernement [malien de transition] qui à [son] avis se base sur une perception erronée de la situation sur la forme et sur le fond ». Le document officiel signé du patron de cette institution onusienne, Volker Türk, rappelle « que la doctrine de la persona non grata ne s’applique pas juridiquement au personnel des Nations Unies ».

Pour un chercheur en droit international, qui a préféré garder l’anonymat, la question de persona non grata est très technique. Pour lui, « son application n’est pas propre à cette situation ». Quoi qu’il en soit, les autorités maliennes de transition ne semblent pas faire marche arrière. Et les diplomates acculés et sommés de tenir leur langue doivent composer avec les bonnes et mauvaises humeurs de Bamako.

Des expulsions dénoncées par les défenseurs des droits de l’Homme

Cette succession d’expulsions sous le gouvernement de transition et le harcèlement de la militante Aminata Dicko depuis son intervention à l’ONU, ont été vivement dénoncés par les défenseurs des droits de l’Homme au niveau international, qui reprochent au pouvoir en place de réprimer ou de faire taire toutes les voix discordantes qui osent critiquer l’action du gouvernement et des militaires. Des défenseurs des droits de l’Homme qui estiment que les activistes critiques du pouvoir et certaines personnalités diplomatiques expulsées ces derniers mois sont avant tout des amoureux du Mali qui ont à cœur de voir le pays en finir avec la crise politique et sécuritaire qu’il traverse depuis dix ans maintenant. “Les combats sont communs. Les acteurs de la société civile qui dénoncent des travers des systèmes sont aussi des héros, car ils veulent aider à corriger des imperfections”, avait réagi l’ONG Kisal dont fait partie la militante Aminata Dicko.