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Sahel : Pour une réponse politique à la « crise des déplacés »

Par Redaction
06 octobre 2022
4 min


Tribune : Ambassadeur Maman Sambo Sidikou. Haut représentant de l’Union africaine Mission pour le Mali et le Sahel (MISAHEL)

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Pour qui visite nos pays et prête l’oreille à leurs habitants, la principale crise que connaît le Sahel est « silencieuse ». Des dizaines de milliers de Sahéliens sont « sur les routes » ou s’établissent à la périphérie des villes. Mus par la peur, ils fuient puis construisent des abris de fortune et tentent de survivre. Quelles perspectives pouvons-nous leur offrir ?
Leur détresse est moins spectaculaire que la disparition violente de certains de nos compatriotes, mais elle représente un défi majeur pour notre région. Vaincre l’insurrection, c’est d’abord réduire sa capacité de nuisance pour notre société. Il faut donc répondre aux besoins de nos concitoyens déplacés. De toute urgence.


Comment adapter nos économies et nos administrations à cette crise sans précédent ? Notre intelligence collective doit identifier des solutions pérennes – même modestes.
Les Etats peuvent émettre des obligations pour mobiliser la solidarité nationale. Ces emprunts extraordinaires permettraient de souligner la gravité de la situation, souder citoyens et entreprises autour d’un objectif commun et triompher des épreuves actuelles.


Des programmes de travaux à haute intensité de main d’œuvre peuvent être conçus. Qu’il s’agisse d’assainissement, de production maraîchère ou d’autres secteurs d’activités, il faut créer des initiatives permettant de réduire l’oisiveté et créer de la richesse. Il y va de la dignité de nos concitoyens, d’une politique publique stimulant la demande … et du meilleur moyen pour prévenir une délinquance qui accroîtra l’insécurité dans nos villes.


On peut également envisager le lancement d’un « programme civique ». Il consisterait à recruter et former de jeunes diplômés pour assurer l’éducation civique et sportive de certains jeunes déplacés. Par le sport, la culture ou d’autres activités d’intérêt général, la société doit transformer le traumatisme d’un « exil intérieur » imposé en opportunité de solidarité nationale. Il y va de notre détermination à triompher ensemble de cette épreuve – avec nos moyens et notre génie propre.


La crise socio-économique que nous connaissons ne disparaîtra pas « par enchantement ». Son issue dépend de notre capacité à identifier, mobiliser et coordonner les ressources rendant possibles notre rebond. Les effets néfastes de l’épidémie du COVID n’ont pas atteint les prévisions pessimistes de certains « experts ». Ils avaient peut-être tort, mais il est indéniable que nos sociétés sont parvenues à s’adapter et triompher de certains obstacles.

Ignorons donc l’enthousiasme des acteurs de « l’économie extravertie » qui louent les productions record ou le cours élevé de matières premières que nous exportons sans transformation et dont les prix sont fixés dans des bourses situées hors de notre continent. C’est dans la production de mil, de riz ou d’autres denrées alimentaires qu’il convient d’investir. Ou dans la transformation de notre coton pour résorber le chômage en stimulant une industrie textile locale. Ainsi, nous pourrons réduire la cherté de la vie dans nos campagnes et nos villes.


C’est notre première responsabilité collective. Les Sahéliens ne manquent ni de générosité ni d’inventivité. Il faut donc dépasser la gestion de l’urgence en permettant à la vie de « suivre son cours ». Quand la paix reviendra, certains concitoyens regagneront la campagne mais d’autres demeureront citadins – nous devons admettre que la crise actuelle changera profondément nos sociétés. Et s’y préparer en conséquence.


En conclusion, il faut canaliser nos énergies vers un élan de solidarité nationale active. Ceci permettra de réduire au silence les appels à la haine de certains fauteurs de troubles. Il ne suffit pas de condamner leurs propos irresponsables et de les poursuivre en justice, il faut démontrer par nos actes que nos adversaires ne parviendront pas à semer la discorde en notre sein. Agir ainsi, c’est renforcer le contrat social et démontrer que la première mission des institutions est de protéger les citoyens.