Après avoir longtemps maintenu le flou sur une éventuelle candidature à un « troisième mandat », avec comme conséquences de vives tensions sociopolitiques et plusieurs victimes lors des manifestations dans le pays, le président Macky Sall a finalement déclaré renoncer à participer à l’élection présidentielle de février 2024. Ce qui a suscité de nombreuses réactions tant au Sénégal qu’ailleurs en Afrique.
L’intention de briguer un troisième mandat était manifeste, pour certains observateurs. D’autres estimaient qu’il y avait encore de l’espoir tant qu’il ne déclarait pas lui-même vouloir le faire. Le président Macky Sall, après avoir maintes fois rassuré ses concitoyens de se retirer de la présidence après deux mandats, vient invoquer des dispositions de la Constitution lui permettant, à lui prêter oreille, de briguer un troisième mandat. Il a fallu donc attendre le lundi 3 juillet 2023 pour le voir mettre fin, pour le moment, au suspense qu’il a lui-même créé et longtemps maintenu. Ce qui lui a valu de nombreux procès d’intention, fondés ou moins fondés, au Sénégal et ailleurs.
Dans sa déclaration à la télévision nationale sénégalaise [RTS], Macky Sall est revenu sur la situation sociopolitique qui prévalait, il y a quelques jours, dans le pays. « Nous avons vécu des événements particulièrement graves, marqués par une violence sans précédent, occasionnant des morts et des blessés, ainsi que la destruction massive de biens publics et privés. », a-t-il voulu rappeler. A l’en croire, ces événements ne relèvent pas d’une manifestation politique. « Les scènes de violence et de pillage auxquelles nous avons assisté et leur coïncidence avec une cyberattaque contre les sites stratégiques du gouvernement et des services vitaux tels que l’eau et l’électricité n’ont rien à voir avec une quelconque manifestation politique », a-t-il fustigé.
« Décision sage et salutaire »
Néanmoins, il a déclaré ne pas se porter candidat aux élections présidentielles de février 2024. Pour le Tchadien Moussa Faki Mahamat, président de la commission de l’Union africaine, c’est une “décision sage et salutaire”. « J’exprime mon admiration au grand homme d’Etat [Macky Sall] qu’il est d’avoir privilégié l’intérêt supérieur du Sénégal et de préserver ainsi le modèle démocratique sénégalais qui fait la fierté de l’Afrique. », a-t-il réagi sur Twitter.
Le président de la Guinée-Bissau, président en exercice de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), a pour sa part indiqué avoir eu « un long entretien téléphonique avec […] le président Macky Sall ». Saluant « avec fierté sa décision courageuse de grand Homme d’Etat », Umaro Emboló estime qu’ « on peut succéder à Macky Sall mais il est difficile de le remplacer ». Au peuple sénégalais, il dit leur souhaiter « de continuer sur les voies de la paix et du progrès ».
Le président nigérien Mohamed Bazoum a lui aussi salué l’annonce de son homologue sénégalais, formulant « le vœu que cette décision mûrement réfléchie apaise définitivement le climat politique dans ce pays frère ». Pour son prédécesseur Issoufou Mahamadou, lauréat du prix Mo-Ibrahim 2020, récompensant une « gouvernance exceptionnelle » en Afrique, c’est une « preuve d’une grande intelligence politique. Ainsi, le Sénégal reste un des porte-flambeaux dont la flamme éclaire notre continent ».
« En patriote convaincu, Macky Sall a, par sa décision, mis les intérêts de la nation sénégalaise au-dessus de toute considération personnelle ou partisane. Puissent sa hauteur, sa lucidité et son patriotisme inspirer d’autres leaders africains en vue de l’instauration partout sur le continent des idéaux de démocratie, de paix, de progrès et de justice sociale. », a formulé de son côté le Congolais Denis Mukwege, chirurgien-gynécologue, Prix Sakharov 2014 et Prix Nobel de la Paix 2018.
Au Mali, les anciens ministres Tiébilé Dramé et Me Mountaga Tall, aussi vétérans de la classe politique locale, ont également réagi. « J’ai suivi en direct sur la RTS le discours du président Macky Sall. Comme une délivrance. Décision sage et responsable. Elle préserve la stabilité du Sénégal dans une Afrique de l’Ouest troublée. », a écrit Tiébilé Dramé sur Twitter, félicitant le président Sall et le peuple Sénégalais. Pour l’opposant guinéen Cellou Dalein Diallo, ancien premier ministre et actuellement en exil en France, « cette sage décision l’honore et contribue indéniablement à la préservation de la paix et à la consolidation de la démocratie au Sénégal et dans notre sous-région ».
« Affaire à suivre avec attention »
Rappelant le scénario d’Alassane Ouattara, qui est revenu sur sa décision pour briguer un troisième mandat, d’autres voix estiment que tout n’est pas définitivement résolu. C’est le cas, par exemple, de l’historien et écrivain Amzat Boukari-Yatabara. « Annonce habile et stratégique de Macky Sall de ne pas se présenter pour un troisième mandat présidentiel en février 2024 au Sénégal. Affaire à suivre avec attention », a d’abord prevenu Amzat Boukari-Yatabara, président de la Ligue Panafricaine-UMOJA (LP-U). « C’est une décision qui peut embarrasser beaucoup plus de personnes qu’on ne le croit, aussi bien ses partisans/courtisans que ses adversaires qui voient la cible toute faite se dégonfler. La question essentielle va revenir : quel projet pour le Sénégal ? », a-t-il ajouté.
Au Sénégal, Birame Souleye Diop, président du groupe parlementaire de la coalition de l’opposition Yewwi Askan Wi et cadre du parti d’Ousmane Sonko [Pastef], est arrêté le 5 juillet. Pour cause, il a émis de doute sur la décision du président Macky Sall de ne pas briguer un nouveau mandat lors des élections présidentielles de février 2024. Il a mis en garde contre un revirement du président Sall comme Alassane Ouattara en Côte d’Ivoire.