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Sénégal : Macky Sall favorable à la libération d’Ousmane Sonko

25 février 2024
13 min

Le principal opposant politique, leader des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef), Ousmane Sonko, est en prison depuis le 31 juillet 2023 pour entre autres « appel à l’insurrection, atteinte à la sûreté de l’État et association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste ». Son opposition radicale au président de la République a conduit à la dissolution de Pastef, à l’incarcération d’un millier de personnes et à la mort de dizaines d’individus majoritairement jeunes. Avant de clore le chapitre de sa présidence à la tête du Sénégal, Macky Sall entend « pacifier l’espace public » et œuvrer pour une « réconciliation nationale ». Jeudi dernier, au cours d’une interview avec quatre médias locaux, il s’est dit prêt à « aller aussi loin que possible » dans cette dynamique. [2/2]

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Sénégal : Macky Sall favorable à la libération d’Ousmane Sonko

Bassirou Diomaye Faye, le numéro 2 de Pastef, figure sur la liste définitive des candidats à l’élection présidentielle. Mais il est, lui aussi, en prison depuis avril 2023. Monsieur le président, est-ce que des dispositions sont prises pour qu’il puisse participer au dialogue national ?

Dans le cadre du dialogue et de l’apaisement que j’ai souhaité, j’ai indiqué à mon gouvernement la nécessité de prendre des dispositions pour faciliter la libération d’un certain nombre de détenus. Aujourd’hui, le pays a besoin de pardon, de réconciliation pour traverser cette période dans la paix et la stabilité.

Au-delà de l’élection qui va passer très bientôt, nous avons besoin de voir notre pays poursuivre sa trajectoire d’émergence pour le bénéfice de nos populations. On ne peut pas réaliser cela sans la paix et la stabilité.

Nous connaissons l’environnement sous-régional et international. Il faut que nous créions les conditions de la paix. C’est pourquoi nous allons prendre les dispositions pour arriver à ce pardon y compris par toutes les voies de droit possibles. Le candidat (Bassirou Diomaye Faye, NDLR), avant même ses lois, peut bénéficier parfaitement d’une liberté provisoire pour répondre à l’appel du dialogue.

Parlant de libération de détenus, quels seront les profils des bénéficiaires ?

J’ai toujours dit que j’appelle à un dialogue inclusif. Si nous voulons que notre pays poursuive sa marche vers un développement harmonieux, il lui faut se réconcilier. J’en suis convaincu. Quels que soient, par ailleurs, les délits ou crimes pour lesquels les uns et les autres ont répondu à la justice. À un moment donné, le pays doit pouvoir faire preuve de pardon et de réconciliation.

Dans cette perspective, il ne faut écarter aucune personne. Dès lors qu’on peut arriver à l’effacement de faits, toutes les personnes impliquées ou arrêtées dans ce cadre pourront bénéficier de ces mesures de clémence, de pardon et de réconciliation.

Vous n’avez pas d’objection à ce qu’une personnalité politique comme Ousmane Sonko retrouve la liberté ?

Aucune. Je vous ai dit que je regarde le pays. Pas les personnes. Ma responsabilité, aujourd’hui en tant que chef de l’État, c’est d’être le garant de l’unité nationale au-delà des diversités politiques, des positions politiciennes.

Il y a ce ciment sur lequel je dois veiller : l’unité nationale, l’intégrité du territoire national. C’est ma responsabilité première. Si nous devons passer par une loi d’amnistie, et ce ne serait pas une première au Sénégal, on le fera. Il y en a eu plusieurs à chaque fois que des problèmes graves se sont passés. Il y a eu à un moment donné un pardon et une réconciliation.

Oui à la libération d’Ousmane Sonko si ça doit permettre d’éviter ce que nous vivons aujourd’hui. On nous apprend çà et là, chaque fois qu’il y a des manifestations, des morts. Des jeunes perdent la vie. Nous devons éviter cela. Il faut préserver les vies humaines. Une seule vie préservée vaut ses sacrifices. Il faut que chacun de nous s’élève au-dessus des positions partisanes pour ne regarder que le Sénégal, son avenir, sa stabilité et sa sécurité.

Pour cela, je suis prêt à aller aussi loin que possible pour que tous bénéficient de ce pardon et que le Sénégal aille vers cette élection de manière apaisée. Que le meilleur gagne parce que ce sera le choix souverain du peuple sénégalais.

Monsieur le président, avez-vous eu des discussions directes avec Ousmane Sonko ou par personnes interposées dans la perspective du dialogue national ?

Dans ma démarche de tout temps, j’ai mis en avant la discrétion et tout ce qui peut aider à avancer. Il y a eu récemment des personnes de bonne volonté qui ont voulu travailler à faire le lien pour qu’il ait une réconciliation.

Mais ma volonté est antérieure à toutes ces démarches. Après la prise de position de certains candidats qui n’étaient pas du tout d’accord sur la manière dont leurs parrainages ont été annulés, j’avais déjà indiqué qu’il nous faut aller vers l’ouverture, l’inclusion et la paix.

Cet apaisement est antérieur à toutes ces démarches. C’est quelque chose de constant. Cela devrait permettre des prises de contact directes ou indirectes. Cela a permis de pousser vers la direction que je voulais : celle du pardon et de la réconciliation.

Vous avez parlé d’effacement de faits. Qu’entendez-vous par cela ? Est-ce des mesures de grâce ou une loi d’amnistie ?

La grâce et l’amnistie sont deux choses différentes. Notre Constitution consacre, en son article 47, que le président de la République a le droit d’accorder la grâce. Chaque année, je gracie près de 2000 personnes qui sortent de prison.

Mais la grâce ne peut être donnée qu’à la fin du processus judiciaire. Il faut que toutes les voies de recours soient épuisées, qu’il y ait l’autorité de la chose jugée, pour que le président prenne cette mesure permettant à la personne condamnée de sortir de prison.

L’amnistie est obtenue par une loi votée par l’Assemblée nationale. Le président de la République peut exprimer une volonté et faire un projet de loi qui ira au parlement. Ce sont les députés qui votent l’amnistie. Elle ne s’adresse pas aux personnes, mais elle vise les faits en les effaçant. Pour dire que nous voulons oublier.

C’est pénible, mais il nous faut aller de l’avant. Les crimes dans la seconde guerre mondiale, après plus de 60 millions de morts, il a fallu à un moment donné que les acteurs décident de tourner la page. Malgré ce nombre de morts important, ils se sont donnés la main et ont travaillé dans la collaboration, le partenariat, la coopération, pour construire une paix durable.

C’est un peu ce que l’on veut faire ici. Créer les conditions d’un apaisement, d’une réconciliation pour aller à une élection transparente, libre et démocratique. C’est ça qui va permettre d’assurer la suite vers un Sénégal de stabilité et de paix.

Lire aussi : Macky Sall : « Je termine ma mission à la tête du Sénégal le 2 avril 2024 »


Dans les prochains jours ou semaines, on peut s’attendre à une liberté provisoire pour Bassirou Diomaye Faye ou encore Ousmane Sonko ?

Oui. Tout dépend de leurs avocats. Ce sont des procédures judiciaires dans lesquelles je n’interfère pas. Mais il y a des procédures entre le juge d’instruction et les avocats des détenus. Ils savent très bien comment ça se passe.

Et le Procureur qui est sous votre tutelle ?

Suivant les chefs d’accusation, il peut donner un avis. S’il ne le donne pas, le juge d’instruction est lié. Dans ces conditions, si c’est la volonté du président de la République, le Procureur pourra donner son accord.

Pour l’amnistie, quelle est la période que va couvrir la loi ? Quels seront les faits visés ? Est-ce que les personnes arrêtées pour des actes « terroristes » seront concernées ?

Il faut d’abord que le gouvernement valide le projet de loi que j’introduirais. Il y a des acteurs qui doivent en être informés, qui doivent en discuter avant que les députés ne votent cette loi. Pour le moment, on en est là. Tout est en branle.

J’ai donné des instructions très claires au ministre de la Justice. Le Premier ministre et l’ensemble du gouvernement y travaillent. Nous allons discuter au plan politique avec les groupes parlementaires. Après, tout peut aller très vite.

Monsieur le président, la communauté internationale a réagi au report de l’élection avec des communiqués quasi journaliers. Comment accueillez-vous cela ?

Je l’accueille avec beaucoup de peine. Je ne peux pas comprendre que des partenaires du Sénégal, qui en principe travaillent avec nous sur les mêmes principes, se suffisent de commentaires condamnant de façon péremptoire, parfois très violemment le président de la République, le Sénégal. Ils doivent d’abord venir à la source, voir ce qui se passe exactement dans notre pays. Tous les pays peuvent avoir des difficultés conjoncturelles.

Ça m’a fait de la peine parce qu’au Sénégal, jusqu’au moment où je vous parle, une seule loi n’a pas été violée. Personne ne peut dire que le président de la République, en abrogeant le décret convoquant le corps électoral, n’était pas dans son droit. Le Conseil constitutionnel a dit que ce décret était adossé à une loi qui elle-même est annulée. À partir de ce moment, les sept sages jouent leur rôle.

Nous sommes dans le dialogue des institutions. Le Sénégal est un véritable État de droit. L’Assemblée nationale a eu son temps. C’est à elle de voter les lois. Le Conseil constitutionnel est le seul juge des lois constitutionnelles. Il a joué sa partition. Le président de la République, en tant que chef de l’exécutif, a pris acte et a décidé de mettre en œuvre les décisions du Conseil constitutionnel. C’est ça l’État de droit.

Pourquoi donc toute cette levée de boucliers, toute cette campagne de presse qui est aux antipodes de ma pratique de démocrate depuis que je suis à la tête du pays. Je suis venu en gagnant une élection. Je viens de l’opposition. C’est moi qui ai proposé la réforme pour limiter définitivement le nombre de mandats du président de la République et leur durée. Quand j’ai été élu, le mandat était de sept ans. C’est moi qui ai proposé un référendum pour le ramener à cinq ans renouvelable une seule fois. J’ai refusé d’être tenté par un troisième mandat. J’ai été très clair. Je l’ai dit le 3 juillet 2023. Je l’ai répété le 3 février 2024.

Pourquoi on veut dire et faire dire, avec des moyens importants dans la presse internationale, que le président de la République veut s’agripper au pouvoir. Si c’était ma volonté, j’aurais été candidat. C’est tellement plus simple. Mais je renonce à tout cela. Je construis mon pays. Je ne mérite pas cette campagne internationale. Je la dénonce de façon vigoureuse.

Je suis un homme libre, un Sénégalais, un Africain et un démocrate. Je n’ai violé aucune règle pour aujourd’hui me retrouver dans cette campagne nauséabonde qui est entretenue pour créer la tension et la déstabilisation de mon pays.

Au regard de tout ce que vous avez dit, on note clairement votre volonté de créer les conditions de la stabilité sociale et politique au Sénégal. Quel est le message que vous lancez à vos compatriotes d’ici et d’ailleurs, mais aussi à la communauté internationale quand on sait que vous êtes un acteur clé du multilatéralisme ?

Je voudrais encore une fois rendre hommage au peuple sénégalais qui m’a fait confiance, qui m’a permis en 12 ans d’apporter ma contribution dans la construction nationale, qui m’a permis d’imprimer cette démarche de développement harmonieux et inclusif.

Le Plan Sénégal Émergent (PSE) a été mis en place. Il a eu des résultats tangibles. Nous pourrons avoir, après cette période de troubles, plus de temps pour constater ce qui a quand même été très positif, ce qui l’a été moins et ce qu’il faut améliorer. Il faut que celui ou celle qui viendra puisse prendre le relais et continuer la marche du pays.

Je sais que les Sénégalais aiment leur pays. Il faut qu’ils fassent tout pour le préserver. La paix, lorsqu’on la perd, ce n’est pas seulement une question de cinq ou dix ans. C’est perdu pour très longtemps. Or ce qui fait notre richesse, c’est d’abord la paix, la concorde. Donc quels que soient les vicissitudes et le débat ambiant, il faut savoir raison garder et ne pas trop déborder pour que nous puissions aller dans la paix et la stabilité à l’élection présidentielle et que le meilleur gagne. C’est mon vœu le plus ardent.

À nos partenaires, je voudrais les remercier pour l’accompagnement. J’ai bénéficié, pendant ces 12 dernières années, de leur amitié, de leur coopération, de leur soutien et de leur support. C’est ce qui nous a permis de construire le pays. Sans les facilités, la dette et tout ce qui a été mis en œuvre, y compris des dons parfois, nous n’aurions jamais été à ce niveau de développement. Il y a bien sûr beaucoup de choses à faire notamment en matière d’emplois pour les jeunes et autres.

Je remercie la communauté internationale. Tout à l’heure, j’ai fait une critique. C’est sur la campagne médiatique. Il faut bien faire la différence avec le partenariat avec les États. Tous les États qui travaillent avec le Sénégal, je les remercie à travers cette interview. Je pense qu’ils continueront à donner la même attention à notre pays.

D’ailleurs, j’ai souhaité, lors de la dernière Assemblée Générale des Nations Unies, que mon successeur soit accompagné de la même façon par la communauté internationale. Pour le reste, le Sénégal devra continuer sa marche dans la démocratie, la stabilité et la concorde.