A travers six chapitres, l’exposition « Senghor et les arts – réinventer l’universel », revient sur le parcours riche et impactant de Léopold Sédar Senghor. Poète, écrivain, premier président du Sénégal, Senghor a été l’un des animateurs du mouvement de la Négritude et un défenseur de la francophonie. Le musée du Quai Branly – Jacques Chirac à Paris dresse à travers un parcours léché le portrait de cet homme passionné par la culture et l’universalisme.
Portrait réaliste d’un intellectuel multiculturaliste
« Ma tâche est d’éveiller mon peuple aux futurs flamboyants / Ma joie de créer des images pour le nourrir, ô lumières rythmées de la Parole ! », extrait du poème « Élégie des alizés » de Senghor.
Léopold Sédar Senghor (1906 – 2001) a profondément marqué l’histoire intellectuelle, culturelle et politique du 20e siècle. A l’origine d’une politique culturelle forte, fait inédit dans les pays africains nouvellement indépendants, il est aussi connu comme l’un des défenseurs de la francophonie. La pensée de Senghor qui n’a pas laissé indifférentes les générations nées au lendemain des indépendances génère encore aujourd’hui la réactivation de sa mémoire par une génération de lettrés qui partage une identification forte à ces engagements. Pour dresser un portrait réaliste du parcours trépidant de Senghor, le musée du Quai Branly-Jacques Chirac à Paris aborde ses discours sur le multiculturalisme, la rencontre et le mélange des cultures, l’universalisme, le mouvement de la Négritude, l’héritage et l’indépendance des sénégalais, en mettant en exergue à la fois leur importance mais également leurs limites.
Faire « entrer les peuples noirs sur la grande scène de l’histoire »
C’est à partir des années 1930 que Léopold Sédar Senghor commence son parcours intellectuel et politique, en participant à des discussions internationales qui dénoncent le racisme, la colonisation, la ségrégation et qui ambitionnent de faire « entrer les peuples noirs sur la grande scène de l’histoire » (Aimé Césaire, 1956). La reconnaissance des arts d’Afrique et de sa diaspora est l’un des thèmes de ces échanges transatlantiques. Son objectif : affirmer le rôle de l’Afrique dans l’écriture de son histoire. En 1966, Senghor programme à Dakar le premier Festival mondial des arts nègres et s’inscrit dans la continuité du deuxième Congrès des artistes et écrivains noirs organisé par la maison d’édition Présence Africaine, qui recommandait de concevoir un festival sur le sol africain composé de chants, danses, théâtre, exposition d’art «démontrant la vitalité et l’excellence de la culture africaine». Par le biais de l’exposition « Senghor et les arts », le spectateur est invité à redécouvrir son parcours à travers six chapitres : Une écriture africaine de l’histoire ; La création contemporaine africaine, Au-delà de la sculpture ; Une civilisation de l’Universel ; Une diplomatie culturelle ; Dissidences ; et Héritage. Autant de chapitres témoignant de l’impact de Léopold Sédar Senghor sur l’histoire intellectuelle, culturelle et politique du 20e siècle.
Re-définir l’universel par le dialogue culturel
Léopold Sédar Senghor revient tout au long de sa
vie sur le terme de Négritude inventé en 1936 par Aimé Césaire et façonné par leur compagnonnage intellectuel. Ce mouvement politique et littéraire soutenu également par Léon-Gontran Damas, Suzanne Césaire, Jane et Paulette Nardal, a défendu l’idée d’une civilisation de l’universel, façonnée par la “rencontre du donner et du recevoir”.
La Négritude est, pour Senghor, un enracinement dans les valeurs et civilisations du monde noir. Toutefois, elle ne procède pas par exclusion et se nourrit de l’ouverture à d’autres cultures. Avec cette métaphore de l’échange et du “métissage culturel”, il souhaite unir les traditions et engager le “dialogue des cultures”. Il veut réinventer et désoccidentaliser la notion d’universel. Senghor proclame la Négritude « humanisme du 20e siècle » et lance un appel au métissage culturel. « Il s’agit que tous ensemble – tous les continents, races et nations -, nous construisions la Civilisation de l’Universel, où chaque civilisation différente apportera ses valeurs les plus créatrices parce que les plus complémentaires».
Des artistes venus d’Europe ou d’Asie sont invités à exposer leurs œuvres au Sénégal et illustrent l’œuvre poétique de Senghor à l’instar de Marc Chagall, André Masson, Hans Hartung, Pierre Soulages, Zao Wou Ki. Dans sa large sélection, l’exposition rassemble des œuvres de différents artistes liés à l’histoire de l’indépendance culturelle de l’Afrique : photographies, tableaux, vidéos, sculptures, lecture sonore des poèmes, archives inédites, documentation, livres d’art, tableaux, témoins immortels de la vie riche et impactante de Léopold Sédar Senghor. Parmi les œuvres présentées, l’une des toiles du peintre Pierre Soulages, qui a longtemps trôné au-dessus du bureau de Senghor. A découvrir jusqu’au 12 novembre 2023, sous le Commissariat de Mamadou Diouf, professeur d’études africaines et d’histoire aux départements des Études sur le Moyen-Orient, l’Asie du Sud, l’Afrique (MESAAS) et d’Histoire à l’université de Columbia (New York) et des équipes du Musée du Quai Branly-Jacque Chirac.