Coup de tonnerre chez Les Transformateurs, formation politique de Succès Masra. Le 26 octobre 2022, le 1er vice-président du parti, Moustapha Masri, a claqué la porte. Cette démission qui intervient six jours après les évènements douloureux du 20 octobre est comme une pilule amère restée au travers de la gorge de nombreuses familles des victimes.
« Il devrait attendre à ce que les corps soient inhumés et que le deuil soit levé d’abord avant de partir. Ce n’est pas bien réfléchi », s’est agacé un journaliste présent à la cérémonie de démission. En cause, le parti Les Transformateurs est la formation politique qui a appelé à cette manifestation.
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« Toi et moi, on était comme Thomas Sankara et Blaise Comparé »
Dans sa communication faite à la presse, le désormais ex-numéro 2 des Transformateurs a justifié sa défection par le fait qu’aujourd’hui, sous plusieurs facteurs endogènes et exogènes, la lutte du parti a été « dévoyée et détournée » de ses valeurs fondamentales. Ce qui explique, selon lui, les malheureux événements du 20 octobre. « Autant l’engagement est un choix personnel, autant le choix de partir est personnel. Au nom de ces valeurs de paix, de démocratie, de lutte pacifique, nous prenons la décision de nous dissocier et rejetons cette nouvelle voie prise dont nous ne nous reconnaissons pas », a ainsi annoncé sa démission du parti.
Réaction du leader des Transformateurs, Succès Masra, qui vit caché depuis les violentes manifestations du 20 octobre. Sur sa page Facebook, il s’est fendu d’un long texte dans lequel il rend hommage à son désormais ex-numéro 2 et rappelle leurs moments de convivialité mais surtout sa colère. « Toi et moi, on était comme Thomas Sankara et Blaise Comparé », écrit-il. « Le fait qu’il ait évoqué ces deux hommes prouvent qu’il n’est pas du tout content de l’acte de son vice-président. Il assimile cela à de la trahison », fait observer un analyste politique. « Au demeurant, cher Moustapha, tu auras été l’un des plus résilients et je connais les pressions par lesquelles tu es passé durant ces plus de 4 ans à mes côtés. Ces pressions venaient de toute part. Tu as tenu mais tu es arrivé au bout de ce que tu peux humainement supporter. Que Dieu t’accompagne pour la suite de ta vie », lui souhaite-t-il.
Un coup dur pour Les Transformateurs ?
L’affaire a fait un grand boom dans le paysage politique tchadien. Chacun y va de son commentaire. Et chacun se demande à qui le prochain tour. Pour de nombreux observateurs de la scène politique nationale, ces démissions sont l’œuvre du pouvoir en place qui chercherait à isoler et anéantir celui qui est considéré comme le farouche opposant de l’heure. Mais pour les militants des Transformateurs, l’heure est surtout au deuil et au recueillement. « Quand le chemin est dur, seuls les durs peuvent en tracer », assène comme phrase de motivation, leur président Succès Masra.
De l’avis du politologue, Mbaidangroa Djekornonde Adelph, la démission du numéro 2 des Transformateurs doit être analysée sous deux prismes : stratégique et communicationnel. Sur le premier, dit-il, la démission de Moustapha Masri ne change rien dans le parti. « Masri, mine de rien, ne pèse pas grand-chose dans le parti Les Transformateurs. Il joue plus un rôle de figurant », analyse-t-il. Sur le deuxième point, cela peut fragiliser Les Transformateurs. « Des démissions, quelle que soit la cause, ne sont pas bonnes pour un parti politique, surtout dans un contexte plutôt délicat qui demande l’unité de toute la direction du parti. Ce n’est pas une bonne communication pour le parti », dit-il. Mais en tout état de cause, Mbaidangroa Djekornonde Adelph estime que ce départ ne va pas freiner la lutte des Transformateurs. « Cela peut être un argument de mobilisation. On a vu Don Ebert partir, Bonheur Mortodé et j’en passe, mais cela n’a rien freiné. La lutte d’aujourd’hui est épousée par beaucoup de Tchadiens. Et c’est pour cela que Succès reste légitime jusque-là », conclut-il.
Une petite série de démissions
Il faut le dire ces deux dernières années, le parti Les Transformateurs a enregistré des démissions fracassantes, surtout des membres du bureau exécutif. Le premier à ouvrir le bal est Don Ebert, conseiller politique de Succès Masra. En mai 2021, il démissionne et publie un ouvrage intitulé « Le Succès cache-t-il Masra ? » dans lequel il a critiqué le caractère culte de son président. Deuxième figure à quitter le navire, Fatimé Soumaila, trésorière générale du parti. En septembre 2022, Bonheur Mortodé, secrétaire national à la Jeunesse de la formation, a à son tour quitté le navire pour prendre part aux assises du dialogue national inclusif et souverain boycotté par Les Transformateurs. Le dernier en date est donc le 1er vice-président Moustapha Masri. A se demander qui sera le prochain ?