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Énergies renouvelables : “l’Afrique sera le continent qui va fournir les plus grands combustibles au monde entier”

09 juin 2023
6 min

En marge de la première édition de la Semaine de l’Innovation autour des technologies adaptées aux changements climatiques, organisée par l’ONG Mali-Folkecenter Nyetaa, du 22 au 24 mai 2023 à Bamako, nous avons posé trois questions au Dr. Ibrahim Togola, ingénieur spécialisé dans les énergies renouvelables, vice-président de l’Association mondiale de l’énergie éolienne, et président du Conseil d’Administration de Mali-Folkecenter.

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Dr. Ibrahim Togola.

Pourquoi la Semaine de l’Innovation ?

La Semaine de l’Innovation s’inscrit dans la mise en œuvre du Projet d’Innovation par la Digitalisation, la Promotion des Emplois Verts et les Énergies Renouvelables, pour la Résilience Climatique et la Cohésion Sociale au Mali (Innov-ReC), financé par l’ambassade du Royaume de la Suède au Mali. A travers cette initiative, nous avons voulu célébrer le génie créateur malien en mettant en lumière l’énorme potentialité que notre pays regorge, notamment en termes de ressources naturelles, les possibilités d’emplois sont énormes. Dans des endroits toujours pas faciles, en milieu rural, vous trouverez souvent que beaucoup de nos jeunes n’ont pas accès à l’électricité. Aujourd’hui, beaucoup de nos jeunes ont accès aux téléphones, mais ne savent pas toutes les opportunités que le monde digital peut leur offrir. C’est dans ce sens que nous avons initié ce projet, qui va permettre de former les jeunes parce que la première opportunité, c’est d’abord la connaissance : avoir l’information et être prêt à travers des formations professionnelles adéquates.

Nous avons un partenariat important avec les ministères chargés de l’Environnement, l’Assainissement et du Développement durable; de l’Entreprenariat national, de l’Emploi et de la Formation professionnelle. Avec ces différents services techniques, ainsi qu’avec les collectivités, nous identifions les jeunes, malgré le contexte assez difficile, qui sont en train d’initier un certain nombre d’activités. On essaie de les accompagner et mettre à leur disposition des outils adéquats en termes de financement de démarrage ou d’expansion pour les jeunes les plus talentueux.

Il y a une décarbonatation du monde qui est enclenchée et qui est irréversible

A l’issue des trois jours de rencontre, vos attentes ont-elles été comblées ?

C’est la première édition. On s’attendait à 500 participants par jour. On l’a largement dépassé. On a eu plusieurs panels avec les jeunes sur les plans d’affaires. On a eu des « B to B » entre les banques qui sont venues regarder et écouter les innovateurs maliens, les startups et les incubateurs. On n’avait pas pensé qu’il allait avoir un tel engouement de la part des banques. Ça montre qu’il y a de l’intérêt et qu’il y a du génie malien. L’objectif était de créer un cadre d’échanges et on a créé beaucoup de réseaux. Nous allons entretenir ce réseau entre les participants.

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Dr. Youba Sokona, scientifique malien, à droite, dans une plénière sur les “Changements climatiques, conflits et développement durable : défis et perspectives pour le Sahel” le 23 mai 2023; et, à gauche Dr. Ibrahim Togola.

Par ailleurs, d’imminents experts comme notre compatriote Dr. Youba Sokona, vice-président du Groupe intergouvernemental des experts des Nations Unies sur le climat (GIEC) ont rehaussé l’éclat de l’évènement. Nous avons eu une table ronde avec les bailleurs de fonds intervenant dans l’environnement en présence des ministres chargés de l’Environnement, de l’Assainissement et du Développement Durable ; de l’Entreprenariat national, de l’emploi et de la formation professionnelle. Il y a aussi des ONG nationales et des organisations du secteur privé. Nous avons eu également une plénière avec l’Université des Nations Unies basée en Allemagne. Ses représentants ont animé une conférence en plénière sur les emplois verts. Tout cela pour montrer aux jeunes c’est quoi les emplois verts dans ce contexte de monde inquiétant ?

Il y a une décarbonatation du monde qui est enclenchée et qui est irréversible. Mais comment on va faire avec les grands bateaux ? Comment on va faire avec les avions ? Comment on va faire avec les trains ? Comment on va faire avec les grandes industries ? Mais le carburant, ce sera l’hydrogène. Cet hydrogène va venir essentiellement de l’eau et de l’énergie solaire. C’est l’Afrique le continent qui a le plus d’eau douce aujourd’hui, qui a la plus grande quantité d’énergie solaire. Il faudra que la jeunesse africaine soit préparée à ce bouleversement, que l’Afrique sera le continent qui va fournir les plus grands combustibles au monde entier. C’est un changement au niveau mondial que nous sommes en train de vivre.

“L’Afrique sera le continent qui va fournir les plus grands combustibles au monde entier”

Comment tirer profit de ces potentialités ?

Il faut maintenant que la jeunesse africaine, qui est là, soit outillée et formée à cela, parce que l’énergie c’est le carburant de l’économie. Il y a un changement de paradigme énergétique. Si on prend le Mali, qui est au cœur du Sahara, il regorge d’énormes potentialités. Le Mali, ce sont des milliards et des milliards de mètres cubes d’eau, qui tombent sur notre pays chaque année avec la pluie. Mais cette eau est drainée dans les océans sans grande utilisation. Alors qu’elle peut être récupérée aujourd’hui pour pouvoir produire et transformer en gaz, et avoir l’hydrogène pour nos propres productions industrielles et exporter le reste.

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Visite guidée des stands.

L’autre volet, ce sont les déchets. Selon l’exposant des Nations Unies, 70% des déchets en Afrique ne sont pas recyclés. C’est un problème pour nous, mais ça peut être transformé aujourd’hui en une opportunité parce que les déchets, c’est une richesse et c’est de l’emploi vert. Il y a aussi le soleil qui est en abondance les 365 jours de l’année. Il faudra d’abord que l’on prenne conscience, que les politiques élaborent leurs plans de développement communal qui doivent, comme nous leur avons dit, tournés vers les économies vertes, en disant que nous, nous voulons des emplois à travers des ressources locales sans les détruire. Ça, c’est le ressort des collectivités.

Quant aux écoles de formation, on ne doit pas seulement former des techniciens et des ingénieurs. Elles doivent être orientées vers comment mettre en œuvre les plans de développement communal nouvelle version qui sont sur l’économie verte. Ainsi, on va avoir des techniciens, on va avoir des politiques locales.