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Interpellation de militaires français au Tchad : que s’est-il réellement passé ?

22 juin 2023
5 min

Une vidéo montrant des militaires français au Tchad désarmés et assis au sol, publiée le 19 juin, est devenue virale sur la toile. L’interpellation est signée le Colonel Touka Kallimi, un officier de l’armée tchadienne en poste à Adré, situé à l’est du pays. Que s’est-il passé ? 

Face aux fake news qui circulent sur les réseaux sociaux, l’équipe des Vérificateurs de Tama Média vous aide à démêler le vrai du faux.

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Les faits

Le 19 juin, une vidéo publiée sur la toile montrant des soldats de l’armée française interceptés par un militaire tchadien est devenue virale. Sur la vidéo, l’on voit cinq militaires appartenant aux forces françaises, désarmés et assis au sol. A quelques mètres d’eux, un militaire tchadien arme à la main, présenté comme le commandant de la base militaire d’Adré, téléphone en dialecte avec un interlocuteur, probablement son supérieur. Il lui explique qu’il a intercepté un groupe armé dont il ne connaît pas la provenance et sans ordre de mission. A côté de lui, un autre militaire tchadien, l’interprète des éléments français, enveloppe en main, tente de le rassurer. Visiblement pas satisfait des réponses de l’interprète, il a décidé de garder les militaires français jusqu’à l’arrivée du commandant du groupement. 

La vidéo, visiblement tournée par un militaire, a été publiée le 19 juin par Tchad One, une page gérée par des activistes tchadiens très suivie sur Facebook. Le texte qui accompagne la vidéo laisse penser à une ingérence de l’armée française dans la guerre en cours au Soudan. « Ces militaires français se dirigeaient vers la frontière soudanaise pour prêter main forte à l’arme tchadienne qui a subi de lourdes pertes lors des affrontements avec les hommes de Hemetti dans la ville darfouri d’Elgeneina », peut-on lire. La vidéo a été partagée des centaines de fois et a recueilli plusieurs centaines de commentaires sur Facebook. Reprise sur Twitter, elle a été partagée des centaines de fois aussi. Qu’en est-il pour de vrai ? 

La vraie version 

Lors d’une conférence de presse sur la situation humanitaire à l’est du Tchad, le ministre de la Défense, le Général Daoud Yaya Brahim a répondu à une question relative à cet incident. Selon lui, ces éléments étaient des éclaireurs, envoyés en mission de reconnaissance. Parce que, poursuit le ministre, le gouvernement tchadien a sollicité l’aide de la France pour rapatrier les réfugiés soudanais à l’intérieur du Tchad. Pour réaliser cette mission, il fallait étudier le terrain avant le déploiement. C’est la raison donc du déplacement de cette unité dans la zone d’Adré, assure le ministre. « C’est un incident malheureux que nous déplorions. Nous présentons nos excuses à la Force Barkhane qui ne cesse d’œuvrer auprès du gouvernement tchadien », a exprimé le Général Daoud Yaya Brahim, qui emploie la dénomination de l’opération française terminée en novembre dernier. Si la vidéo a été publiée le 19 juin, l’incident s’est produit en réalité le 8 juin, assure une source au sein de l’armée tchadienne. Contrairement à ce que qui est rapporté par les internautes, l’équipe avait bel et bien un ordre de mission. 

Des sanctions sévères

Dans la foulée, le Colonel Touka Kallimi, à l’origine de cet incident, a été mis aux arrêts en attendant des mesures disciplinaires. Son adjoint, lui, a été radié carrément des effectifs de l’armée tchadienne pour faute grave. La hiérarchie militaire estime qu’ils se sont mal comportés. On ignore si le vidéaste ou les personnes qui ont « posté » la vidéo seront sanctionnées. Dans l’atmosphère de désinformation qui règne sur les réseaux sociaux, la mise en ligne de ce genre de vidéo sans explication nourrit toutes les rumeurs et peut avoir de graves conséquences diplomatiques, mais aussi d’ordre public.

Depuis la fin de l’opération Barkhane, les soldats qui composaient cette force sont notamment redéployés au Tchad. La grande partie se trouve à Faya-Largeau et une partie à Abéché. De temps à autre, ils interviennent aux côtés de l’armée tchadienne sur sollicitation du gouvernement tchadien. Récemment, la présence de soldats de l’armée française à Goré, à la frontière centrafricaine, a fait également l’objet d’interprétation erronée. Ils ont été accusés d’être à l’origine des massacres de civils de la zone. Pourtant, ils y étaient pour installer un poste frontalier robuste. 

Par Christian Allahadjim

Correspondant à N'Djamena au Tchad