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La transformation digitale en Afrique, où est-on réellement ?

24 mai 2023
6 min

Véritable opportunité de développement, le digital représente également un enjeu de taille pour le continent avec des défis importants. Co-organisé avec le ministère malgache du Développement Numérique, de la Transformation Digitale, la douzième édition des Assises de la Transformation Digitale en Afrique (ATDA) a été l’occasion de revenir sur les défis du secteur. Quels sont les challenges, où en est aujourd’hui l’Afrique dans cette course à la digitalisation ? Mahamadou Diallo, fondateur des ATDA nous aiguille sur le sujet.


Comment ont été lancées les Assises de la Transformation Digitale en Afrique ?

Je suis directeur de la publication de CIO mag, un magazine panafricain lancé il y a seize ans pour faire la promotion de la transformation digitale en Afrique, sous l’angle de l’innovation et de l’entrepreneuriat. Nous voulions aller au-delà d’un magazine papier et permettre aux experts de se rencontrer pour échanger sur les enjeux de la transformation numérique sur le continent. Nous voulions avoir un rayonnement panafricain dans un premier temps pour pouvoir, ensuite, créer des ponts avec l’Europe. C’est ainsi que nous avons mis en place ces assises qui permettent d’organiser de manière alternée, entre l’Europe et l’Afrique, des rencontres d’échanges et de coopération autour de la transformation digitale. Cette année la douzième édition s’est déroulée à Madagascar les 19 et 20 mai.

La transformation digitale en Afrique, où est-on réellement ?
Antananarivo (Madagascar) : 12ème édition des Assises de la Transformation Digitale en Afrique.

Quel est le défi majeur de la transformation digitale en Afrique ?

Le thème de cette douzième édition des ATDA était “Capital humain : catalyseur d’un écosystème numérique africain performant” car l’un des plus gros défis est celui de la valorisation du capital humain. Aujourd’hui, un africain sur deux a moins de 18 ans, ce qui fait de l’Afrique le continent le plus jeune au monde.
Dynamique, ambitieuse et de plus en plus adepte des nouvelles technologies, la population africaine est porteuse de nombreuses opportunités et dispose d’un vivier de talents. Mais cette jeunesse porte en parallèle un certain nombre de défis, parmi lesquels l’éducation et l’employabilité. La formation est le pilier pour que cette transformation digitale soit possible et efficace. Cette jeunesse doit pouvoir accéder aux métiers qui sont à la pointe des technologies. L’avantage aujourd’hui c’est qu’il n’est plus obligatoire d’aller se former en Europe ou aux USA, la formation peut se faire par internet. Et cette jeunesse africaine a soif d’apprentissage. La preuve en est, 30% des MOOC produits dans les grandes universités francophones sont consommés en Afrique. L’appétence et le besoin d’apprentissage sont là.

“Madagascar a cet avantage d’être situé entre l’Afrique et l’Océan indien et de profiter ainsi de cinq câbles sous-marins. Ce n’est pas le cas des autres pays d’Afrique.”

Qu’en est-il des infrastructures et de leur accessibilité ?

Le second défis est celui de la présence d’infrastructures de qualité, à un coût accessible. Elles doivent permettre d’accéder aux technologies de la communication et de l’information à des prix raisonnables. Dans certains pays, l’abonnement haut débit est équivalent au montant d’un salaire mensuel pour un foyer. Ce n’est pas assez accessible.

A Madagascar par exemple, le pays détient des accès dans la capitale, avec une des vitesses de connexion les plus rapides au monde. Mais une disparité persiste au sein même de ce pays entre la grande ville et la campagne où il n’y a quasiment aucun accès. Pourtant Madagascar a cet avantage d’être situé entre l’Afrique et l’Océan indien et de profiter ainsi de cinq câbles sous-marins. Ce n’est pas le cas des autres pays d’Afrique. Il faut absolument combler ces fossés

Quelles sont les perspectives d’employabilité pour le continent avec le digital ?

D’ici à l’horizon 2030, plus de 230 milles métiers liés au numérique seront à pourvoir. Aujourd’hui nous ne sommes qu’à 5% de taux d’utilisation de ces possibilités. Pour y arriver, il faudra accentuer l’accès à la connaissance dans le domaine du numérique. Tout cela est à la portée des pays africains car ne nécessite pas énormément d’investissements. Il suffit d’avoir une vraie volonté politique mise en place dans un cadre légal et réglementaire pour pouvoir accompagner cette transformation et permettre à la population d’accéder à ce marché du digital.

Qu’est-il ressorti de ces douzièmes ATDA ?

Il a principalement été abordé la complexité liée aux GAFAM, les cinq plus grandes plateformes numériques, (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft).Ces structures bénéficient sur le continent des installations des opérateurs qui paient des taxes alors qu’eux n’en paient pas. Cela fragilise les opérateurs. L’Afrique doit désormais parler d’une seule voix pour obtenir de ces GAFAM le paiement d’une taxe. Pour que la création des infrastructures soit moins coûteuse, il a été proposé de créer des consortiums, des ententes entre les opérateurs pour qu’ils puissent supporter ensemble ces coûts. Avec la maximisation du télétravail suite à la crise de la Covid19, de plus en plus d’africains retournent au pays pour travailler à distance et participer au développement du pays. Il est important qu’ils puissent avoir accès à des infrastructures performantes. 

Le système d’information très fragile doit être renforcé également pour éviter les intrusions de réseaux de cyberattaque. Il est nécessaire de mettre en place une coopération plus renforcée pour panser cela. Enfin, il faut absolument mieux valoriser le capital humain notamment par l’augmentation des salaires. Il est très difficile de retenir les talents africains formés sur place. 

A Madagascar, sur sept cent ingénieurs télécom formés par an, plus de deux cent partent chaque année. Le pays a donc des besoins en force de travail qu’il n’est pas capable de combler. Nous sommes dans une compétition internationale, il n’est pas possible de laisser nos meilleurs talents quitter le continent faute de perspectives. Au total, plus de huit mesures ont été proposées au sortir de cette douzième édition des ATDA. Elles sont accessibles sur notre site www.cio-mag.com