Trente-quatre morts. C’est le bilan provisoire de deux jours de gigantesques incendies en Algérie qui ont ravagé des massifs forestiers du Nord du pays. La majorité des victimes est issue de la wilaya (département) de Béjaïa, en Kabylie. La polémique sur le retard dans les achats de moyens de lutte contre les incendies de forêts pourtant récurrents est relancée.
« Je lance un appel à l’aide : je suis à Tighremt, à Béjaïa au Nord de l’Algérie. Nous sommes cernés par les flammes, nous avons dû quitter notre hôtel avant l’aube. Nous sommes réfugiés, ici, sur les rochers en attente de secours… ». Catastrophé, la mine défaite et essoufflé, un touriste français enregistre une vidéo, tôt dans la matinée de lundi 24 juillet, pour lancer un appel de détresse. Comme beaucoup d’estivants, il a été exfiltré par bateau de la marine militaire. Des bateaux de particuliers ont été également mobiliser pour venir au secours des victimes.
Derrière lui, les flammes consument ce qui restait de l’Auberge Le Thaïs, l’une des structures touristiques les plus flamboyantes de cette petite cité balnéaire de l’Est de Béjaïa. En plus de la plage faite de sable fin et la belle crique, la région est fortement boisée. Dans la nuit de dimanche à lundi, des feux de forêts se sont déclarés dans toute la région.
Les images diffusées sur les réseaux sociaux et les chaînes de télévision sont apocalyptiques.
Les flammes sont tellement hautes qu’elles couvrent des arbres centenaires et le vent aidant, elles se déplacent à des vitesses vertigineuses poussant des habitants des villes et villages alentours à quitter leurs habitations. Surpris en pleine nuit, un détachement de l’armée a été foudroyé, tuant dix soldats et blessant 25 autres, selon un bilan fourni par le ministère de la Défense nationale.
A quelques kilomètres de là, à l’Est de Béjaïa, des images frisent l’irréel : du tableau féérique des chutes d’eau de Kefrida, il ne reste que l’eau ruisselant du haut de la montagne rocheuse. Le couvert végétal, jadis luxuriant, a disparu, laissant la place aux cendres et à une terre nue. Les habitants et touristes, surpris par la vitesse de la fournaise ont pris la poudre d’escampette, en criant de peur et de la forte chaleur qui se dégage du feu. Une famille de sept personnes, venue d’Alger pour passer des vacances, n’a pas eu cette chance ; cernés par les flammes, ses membres ont tous péri.
Des images similaires sont enregistrées dans plusieurs régions environnantes. Dans la wilaya de Jijel, à l’Est de Béjaïa, le couvert végétal qui couvre la côte a été décimé par les flammes qui sont arrivées jusqu’aux habitations. Des habitants de la région touristique de Ziama Mansouriah ont dû quitter leurs maisons. Des appels à l’aide se sont multipliés pour appeler les secours et surtout les citoyens à aider à éteindre les feux qui deviennent de plus en plus menaçants. Les mêmes images arrivent de toutes les régions côtières de cette wilays tout autant que de sa voisine de Skikda, à l’Est.
Dans les massifs forestiers de Bouira, des villages entiers ont été cernés par le feu. Dans la région de Lakhdaria, un massif très boisé, les services de la Protection civile ont dénombré deux décès et plusieurs blessés. L’intervention des pompiers et des militaires, aidés par des civils volontiers qui utilisent parfois des moyens rudimentaires comme des bidons d’eau ou des pioches et des pelles, ont réussi à éviter le pire.
La polémique d’enfler sur l’absence de canadairs promis par les autorités depuis au moins deux années
Très réactives contrairement aux feux de 2021 qui avaient fait une soixantaine de morts en Haute-Kabylie, ou en 2022 à El-Kala –à l’Est- où une trentaine de personnes avaient été carbonisées, les autorités algériennes assurent avoir mis les moyens nécessaires. Plus de 8000 pompiers, des centaines de camions, des avions bombardiers d’eau et des militaires ont été engagés pour éteindre les feux et des moyens supplémentaires vont être mobilisés, assure-t-on. Ce qui n’a pas empêché la polémique d’enfler surtout sur l’absence des canadairs promis par les autorités depuis au moins deux années. En 2021, après les incendies de Tizi-Ouzou, les autorités avaient annoncé l’acquisition d’au moins 6 appareils pour le compte de l’armée.
Plus de deux ans après, un seul appareil a été acheté auprès des Russes. Certains avancent un blocage lié à la guerre russo-ukrainienne, surtout qu’une partie des avions de ces engins étaient fabriqués en Ukraine. Pour faire face à ce déficit, la protection civile a affrété quatre appareils canadiens. Mais cela s’avère insuffisant. Rien que lundi, les autorités ont dénombré 98 départs de feux quasiment simultanés dans 16 wilayas ! Et l’été est encore long. Les autorités ont annoncé avoir ouvert des enquêtes judiciaires pour déterminer les responsabilités de ces feux.