Face au chômage, le sous-emploi, la précarité des conditions de travail et le manque de financements, le mieux-être social des jeunes constitue un défi crucial pour la réussite ou non du quinquennat de Bassirou Diomaye Faye. Pour la majorité des jeunes sénégalais, l’accès à un emploi durable est un véritable parcours du combattant et les attentes à l’égard du nouveau pouvoir sont à la hauteur du lourd investissement consenti pour le triomphe du parti d’Ousmane Sonko à la Présidentielle du 24 mars 2024. Reportage.
Angle mort de la croissance de l’économie sénégalaise depuis des décennies, l’épineuse question de l’emploi des jeunes demeure une équation difficile pour les nouveaux dirigeants. Lors de la présentation de son gouvernement composé de 25 membres, le 5 avril dernier, le Premier ministre Sonko l’avait décrit comme un « gouvernement de rupture », devant s’atteler rapidement à la mise en œuvre de cinq priorités stratégiques issues du « projet » de société des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef). La première de celles-ci porte sur l’éducation, la formation, l’entrepreneuriat, l’emploi des jeunes et des femmes. Ce qui se comprend d’autant plus que le leader du parti Pastef, dissout par décret du 31 juillet 2023 puis réhabilité le 27 mars 2024, s’est essentiellement appuyé sur le soutien de la jeunesse dans son combat politique contre le régime d’alors du président Macky Sall.
Jusqu’à récemment opposant radical, l’ex-Inspecteur des Impôts et Domaines, radié en 2016 de la fonction publique, s’adressait régulièrement à ses pairs jeunes dans ses déclarations publiques, les appelant à l’éveil des consciences, à prendre leurs responsabilités et à lutter pour leur avenir. « Je m’adresse singulièrement à cette jeunesse, prise en étau, angoissée par un avenir sans horizon, minée par le chômage et la honte de ne pouvoir se réaliser et aider ses parents, engloutie dans les océans et déserts à la recherche désespérée d’un hypothétique avenir meilleur. À cette jeunesse, je rappelle ce qui nous lie. Parce que tout le monde sait qu’il y a un lien particulier entre nous et la jeunesse. C’est l’idéal d’une société juste, dont les ressources et les richesses seront partagées équitablement et toutes les chances seront égales. », a déclaré Ousmane Sonko, fin février 2021, dans un point de presse portant sur l’affaire dite de « Sweet beauté » ou de « mœurs ».
« Nos frères et sœurs africains, l’heure de notre révolution a sonné, n’acceptons plus ces petits présidents comploteurs, toujours à la solde de quelqu’un mais jamais au service de leurs peuples. Partout en Afrique doit souffler un vent nouveau de liberté, de démocratie, de souveraineté. Le vingt-et-unième siècle doit être africain et siffler le réveil du phénix endormi depuis trop longtemps. », a-t-il encore lancé dans son adresse à la jeunesse de la Téranga (hospitalité en langue wolof) et du continent. Ce discours a sans surprise été largement partagé sur les réseaux sociaux, dans un contexte où les jeunes surtout sénégalais souffrent du chômage endémique, d’une précarité des emplois disponibles mais également du manque de perspectives, y compris pour les diplômés de l’enseignement supérieur.
Chômage et précarité des emplois
Selon les chiffres de l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD), publiés en décembre 2023, le taux de chômage au troisième trimestre de l’année sus-indiquée est estimé à 19,5%. Une grande majorité de ces personnes en âge de travailler sans en avoir l’opportunité sont des jeunes, la population sénégalaise étant elle-même caractérisée par sa grande jeunesse. La moitié est âgée de moins de 19 ans d’après les résultats du dernier recensement général de la population, réalisé l’année dernière par l’ANSD.
Preuve éloquente de l’ampleur du problème de leur emploi, « le Sénégal voit arriver chaque année 300.000 jeunes sur son marché de l’emploi mais l’État et les entreprises privées n’ont pas de véritables stratégies pour répondre à cette forte demande », indique à Tama Média Khadim Diop, le président du Conseil national de la Jeunesse du Sénégal (CNJS), une plateforme d’organisations qui accompagnent l’État, les collectivités locales et les partenaires au développement dans la mise en œuvre des projets et programmes à destination des jeunes.
Le manque d’emplois décents pour cette couche est un fléau qui touche aussi bien le monde rural que les centres urbains, autant les régions périphériques que celles du centre et de la façade maritime du pays. Selon le Recensement général de la population et de l’habitat (RGPH) de l’ANSD en 2023, les zones rurales vivent essentiellement de l’agriculture, majoritairement saisonnière (pendant les trois mois de l’hivernage), et près d’un ménage sur deux (45,6%) tire, au moins et en partie, ses ressources d’une activité agricole. Mais la contribution de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche (secteur primaire) au PIB (produit intérieur brut) estimée à 15% en 2023 reste faible.
Le caractère éphémère des campagnes hivernales et les problèmes d’accès aux terres cultivables, aux intrants et aux matériels de travail réduisent significativement le potentiel de création d’emplois pour les jeunes dans les activités agricoles. Cette précarité qui touche une grande partie des communautés rurales a pour principale conséquence un exode massif des jeunes vers la capitale et sa banlieue pour grossir les rangs dans les activités informelles comme le petit commerce de rue ou le secteur du bâtiment et des transports.
Certaines zones rurales sont affectées par d’autres phénomènes comme l’appauvrissement ou la salinisation des sols. C’est le cas du village d’origine de Mansour Cissé, venu de la région de Kaolack (centre) au cœur du bassin arachidier. Il dit être obligé de quitter son terroir pour trouver de quoi aider sa famille avec un petit commerce de sandales (un modèle de chaussures) installé sur le trottoir devant le campus social de l’Université Cheikh Anta Diop (Ucad) de Dakar sur l’avenue du même nom. Pour le jeune homme de 21 ans, petite corpulence, teint noir foncé et le sourire discret, cette activité permet de s’occuper et de gagner un revenu pendant une grande partie de l’année durant laquelle les activités agricoles sont aux arrêts au village. « On ne peut pas vivre d’une campagne agricole de seulement trois mois sur une année sans compter qu’on peut faire de mauvaises récoltes après des mois de préparation et d’investissement. Au moins, ici à Dakar, je peux gagner quelque chose qui me permet de soutenir mes parents. Avant la fermeture du campus, (NDLR : l’Ucad a été fermée pendant neuf mois suite aux violences politiques de juin 2023 et consécutives à la condamnation de l’ex-opposant Ousmane Sonko à deux ans de prison pour « corruption de la jeunesse »), je faisais souvent un chiffre d’affaire journalier de 10 à 15 mille francs CFA (entre 15 et 22 euros) mais depuis, le commerce ici n’est pas tout à fait revenu à la normale. Pendant la fermeture de l’université, je me suis investi dans la vente de noix de cajou grillées dans la rue ».
Cette capacité de résilience est également visible dans les rangs des jeunes diplômés, qui peinent à accéder aux emplois dans leurs domaines de formation. Ces milliers de juristes, scientifiques, littéraires, gestionnaires, sociologues, etc., doctorants, maitrisards ou encore titulaires de licences, obtenus dans les universités publiques comme privées, se voient obligés de s’insérer massivement dans les activités informelles. À défaut, ils sont souvent « utilisés par des cabinets dans des conditions plus que précaires » selon les mots de Mamadou Keita du Rassemblement des diplômés sans emplois, qui réunit des jeunes formés dans différentes filières mais qui n‘ont pas eu l’opportunité de travailler sur la base de leurs diplômes universitaires.
C’est une pratique très répandue
Titulaire d’une licence en Géographie et d’un Master en Management de projet, Souleymane Diamanka a choisi d’acquérir un motocycle à deux roues « tiak tiak » (moto-taxis dakarois qui se sont développés durant la période post-Covid-19) et de se lancer dans le transport de passagers et la livraison de colis, pour gagner sa vie en attendant de reprendre éventuellement ses études. Assis sur sa moto sur le trottoir d’une grande avenue, l’étudiant trentenaire originaire de Kolda dans le sud du pays, ne se lasse pas de héler les passants pour leur proposer de les déposer. Il s’est retrouvé dans ce métier après la suspension des cours dans les universités sénégalaises décrétée en juin 2023. Il fait partie des jeunes qui ont cru et soutenu les promesses de changement systémique portées par les nouvelles autorités pour résoudre le problème de l’emploi des jeunes. « L’espoir est là et on attend de voir comment les choses vont évoluer », lâche-t-il de prime abord.
Le sentiment d’être exploité par les entreprises et celui d’une précarité de l’emploi sont largement répandus parmi les jeunes diplômés au Sénégal. « Après mon diplôme en communication et marketing, j’ai obtenu un stage qui devrait durer quelques mois avec une possibilité de recrutement à terme. Mais à l’expiration du stage, l’entreprise a voulu le renouveler pour profiter de mes compétences sans m’accorder un contrat de travail en bonne et due forme. C’est une pratique très répandue et je considère que c’est de l’abus », déplore Aissatou Ndiaye, jeune femme de 26 ans, se disant « patriote » de la première heure pour montrer son engagement militant ou sympathisant pour les idéaux du parti Pastef (Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité) créé en 2014.
Dans les usines et divers chantiers, le plus souvent détenus par des investisseurs étrangers, les jeunes sont soumis à des abus sur les horaires, un environnement de travail souvent non sécurisé mettant en danger leur intégrité physique et des niveaux de rémunération jugés très bas. « J’ai travaillé dans quelques usines du parc industriel de Diamniadio (nouveau pôle urbain situé à 30 km de la capitale Dakar). Je peux vous assurer que les jeunes y subissent une exploitation sans nom. Les heures de travail ne sont pas respectées, la sécurité n’y est pas non plus, sans compter que les salaires sont à la limite ridicules. Les employeurs savent que certains jeunes n’ont pas le choix et sont obligés de travailler dans ces conditions faute d’alternatives. Il faut que l’État réagisse à ces injustices que subissent ses citoyens », dénonce Ousmane Sow, un habitant de Ndiakhirate dans l’arrière-pays de l’agglomération dakaroise. Plusieurs dénonciations de ce type ont circulé ces dernières semaines dans les réseaux sociaux (X, ex-Twitter, et Facebook surtout) pour signaler au gouvernement du Premier ministre Ousmane Sonko le traitement injuste et illégal auquel de nombreux travailleurs font face.
Faible impact des politiques de promotion d’emploi jeunes
De l’Agence d’encadrement et de développement des petites et moyennes entreprises (Adepme) à la Délégation à l’entreprenariat rapide pour les jeunes et les femmes (Der), en passant par l’Agence nationale pour la promotion de l’emploi des jeunes (Anpej), le Fonds de financement de la formation professionnelle et technique (3FPT), les programmes AgriJeunes, Xëyu ndaw ñi (emploi des jeunes en langue wolof), etc., nombreuses sont les initiatives de l’ancien régime de Macky Sall pour promouvoir l’emploi, l’employabilité et l’entreprenariat des jeunes. Mais, pour certains, ces instruments n’ont pas réussi à impacter de manière significative leur situation sociale. Alors que la jeunesse s’était largement mobilisée dans la rue en 2012 pour combattre le régime de l’ex-président Abdoulaye Wade.
Le marché du travail ne s’est guère amélioré, la création d’emplois est restée limitée et circonscrite le plus souvent à des occupations précaires. Ces programmes et projets publics souffrent aussi d’un manque d’évaluation sur l’impact des interventions sur le taux de chômage et l’insertion socioprofessionnelle des cibles bénéficiaires. Même si la couverture effective de ces initiatives est globalement difficile à estimer, elle apparaît insuffisante face à la masse de jeunes qui arrivent chaque année sur le marché de l’emploi. Autre constat : ces programmes sont davantage orientés vers l’appui technique et financier ainsi que la création d’emplois et d’activités économiques mais ne se préoccupent pas nécessairement de la formalisation de ces activités.
Une ambiance globale de déception et de désespoir empirée par la restriction des activités économiques engendrée par la crise sanitaire de Covid-19, survenue en 2020. La reprise brutale du phénomène de l’émigration irrégulière à bord de pirogues artisanales vers les Îles Canaries espagnoles ces deux dernières années est une autre preuve, s’il en est besoin, de l’insatisfaction des jeunes face aux politiques publiques mises en œuvre par les autorités politiques. La succession des drames dans l’Atlantique n’a pas découragé les candidats à cette aventure périlleuse vers l’Europe et ce sont les communautés de pêcheurs (de principaux ports de pêche comme Rufisque, Bargny, Mbour, Fass Boye, Saint-Louis, Cayar, Kafountine, etc.), affectées et appauvries par la raréfaction de la ressource en poisson, qui en ont payé le plus lourd tribut.
Dès lors, le discours du leader de Pastef pointant du doigt la mauvaise gouvernance, la corruption, les privilèges indus au sein du pouvoir et la dilapidation des ressources naturelles du pays au profit d’intérêts étrangers a trouvé un écho favorable parmi les jeunes générations en proie aux difficultés économiques. Les événements politiques violents survenus entre mars 2021 (accusation de viol et arrestation d’Ousmane Sonko) et février 2024 (report de la présidentielle), avec les nombreux procès et condamnations du commandant en chef des « patriotes », ont exacerbé la crise de confiance entre les pouvoirs publics et une grande partie des jeunes avec des dizaines de morts, de nombreux blessés et plus d’un millier de prisonniers.
Animés par ce profond désir de changement à la tête du pays, les jeunes ne se sont pas ménagés pour soutenir et porter au pouvoir le plus jeune président de la République du Sénégal, Bassirou Diomaye Faye, dès le premier tour le 24 mars 2024. Dans sa première déclaration à la nation le 3 avril, à la veille du 64ème anniversaire de l’indépendance du Sénégal, le nouveau locataire du Palais présidentiel a affiché sa détermination à travailler au mieux-être des jeunes. « Chers jeunes du Sénégal, je fais miens vos rêves, vos aspirations, et vos ambitions légitimes de réussir pour être utiles à vous-mêmes, à vos familles, vos communautés et votre pays », a voulu rassurer le chef de l’État.
Citant l’éducation, la formation aux métiers, l’emploi, l’entrepreneuriat des jeunes et des femmes comme des défis majeurs à relever, Bassirou Diomaye Faye avait affirmé qu’il en fera « une priorité élevée des politiques publiques en concertation avec le secteur privé ». Le plan B de Sonko devenu président a indiqué également l’importance de « revisiter les mécanismes existants, les améliorer et les rationaliser », afin qu’ils soient plus adaptés aux exigences du marché du travail actuel. Et, pour ce faire, il compte « s’appuyer sur un secteur privé fort parce que soutenu par l’État ». Un discours volontariste confirmé dès la première prise de parole publique d’Ousmane Sonko en tant que chef du gouvernement, en définissant les axes prioritaires de l’action de son équipe dont la première concerne l’éducation, la formation, l’entreprenariat et l’emploi des jeunes.
Bassirou Diomaye Faye réussira-t-il là où ses prédécesseurs ont échoué ?
« On ne peut pas changer les choses du jour au lendemain, le président Diomaye Faye ne peut pas trouver un emploi à tous les jeunes, l’État ne peut pas recruter tous les jeunes », reconnaît Khadim Diop, le président du Conseil national de la Jeunesse du Sénégal (CNJS). « Nous sommes un pays pauvre qui doit travailler pour aller vers l’émergence et on a du chemin à faire », tempère-t-il. Selon lui, il faut donner du temps au gouvernement d’Ousmane Sonko afin de déployer le projet de développement vendu aux Sénégalais.
Ousmane Sow, jeune « patriote » convaincu ayant participé à plusieurs manifestations et meetings pour défendre le projet du Pastef et son leader « après avoir été séduit par les prises de paroles de Sonko à l’Assemblée nationale ainsi que son parcours », dit attendre du gouvernement un fort soutien à l‘entreprenariat des jeunes surtout sur l’accès à des financements pour démarrer et booster leurs projets. « J’invite les autorités à former les jeunes dans les métiers agricoles et artisanaux et à les accompagner dans la réalisation de leurs idées entrepreneuriales », propose-t-il.
Si la plupart des jeunes accordent un délai de grâce aux nouvelles autorités et attendent avec espoir la réalisation des promesses de changement, certains actes posés par le pouvoir ont quelque peu déçus. Mamadou Keïta du Rassemblement des diplômés sans emplois (RDSE) rappelle que « le candidat Bassirou Diomaye Faye avait promis de lancer des appels à candidatures pour les postes de direction des sociétés et agences publiques mais pour le moment, il n’en est rien. Le chef de l’État nomme à ces fonctions de manière discrétionnaire alors que beaucoup de diplômés sans emploi avaient commencé à préparer leurs dossiers de candidatures pour tenter d’accéder à ces fonctions ».
Du côté du secteur informel, les attentes s’articulent principalement autour de l’accès à des lignes de crédit mais également à la régularisation des différentes activités notamment dans le domaine du transport. Un secteur fortement concurrentiel où une bonne partie des acteurs travaillent dans l’illégalité et sont victimes de tracasseries policières. C’est la principale préoccupation des conducteurs de moto « tiak tiak » comme Souleymane Diamanka. Pour lui, « il faut faciliter l’accès aux documents réglementaires comme le permis de conduire et la carte grise. Il faut également contrôler l’intrusion d’étrangers dans le secteur car ils tirent les tarifs vers le bas, ce qui diminue nos revenus ». Ce déficit de réglementation du secteur touche également une bonne partie des conducteurs de taxis appelés « clando », souvent non détenteurs de licences de transport mais circulant au vu et au su des autorités, devenant la cible de contrôles routiers abusifs qui accentuent la corruption routière.
Financer son business est une équation difficile pour la majorité de jeunes qui s’investissent dans des activités informelles. Le petit commerce, qui a une place prépondérante dans les occupations des jeunes ruraux installés dans les centres urbains, souffre de ce manque d’accompagnement et de facilitation de crédit. Pour le président du Conseil national de la Jeunesse du Sénégal (CNJS), l’État doit mettre en place un guichet unique décentralisé dans les différentes régions du pays pour permettre aux jeunes de s’informer sur les opportunités de formation, d’emplois mais aussi sur les options d’encadrement de leurs projets et leurs financements. Khadim Diop invite le gouvernement du Premier ministre Ousmane Sonko à revoir à la hausse les fonds destinés à soutenir les initiatives entrepreneuriales. « La demande annuelle de financement des projets portés par les jeunes est évaluée à 150 milliards de francs CFA or l’enveloppe disponible actuellement est de 53 milliards de francs CFA soit 97 milliards de gap », déplore-t-il.
L’accès au foncier et à l’équipement agricole constitue aussi un obstacle pour les jeunes porteurs de projets agricoles. « Le gouvernement doit faciliter l’accès à la terre car il est très compliqué au niveau des communes de se voir attribuer quelques hectares pour cultiver et au cas où on les obtient, un prédateur foncier peut débarquer un beau jour avec des documents, établis de manière illicite, lui attribuant l’assiette foncière », fait remarquer Ismaïla Ba, un jeune maraîcher de la commune de Bambilor, à environ 40 kilomètres de Dakar.
« Créer des centres de formation de proximité aux métiers technologiques »
La démocratisation de l’accès à la formation professionnelle de qualité reste un défi majeur malgré la mise en place, sous Macky Sall, des centres dédiés comme les Isep (Instituts supérieurs d’enseignement professionnel) dans certaines régions ainsi que le 3FPT pour promouvoir le financement de la formation professionnelle et technique des jeunes. Dans le domaine incontournable du numérique, les centres offrant les meilleures formations sont concentrés à Dakar, obligeant les jeunes à migrer vers la capitale pour pouvoir en bénéficier. « Il faut créer des centres de formation de proximité aux métiers technologiques comme l’intelligence artificielle. C’est un enjeu important pour l’employabilité des jeunes et le développement du pays », estime Khadim Diop.
Au titre des réformes attendues par les jeunes en quête de meilleures opportunités d’emploi, figure notamment une réforme du Code du travail pour « mettre fin aux stages interminables. Cela va permettre de protéger les jeunes diplômés contre les abus des employeurs », assure Aissatou Ndiaye. Des milliers de jeunes, formés dans les universités publiques et privées, espèrent voir la suppression ou le relèvement de la limite d’âge pour candidater aux principaux concours nationaux comme celui de l’Éna (École nationale d’Administration) où sont issus Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre non moins compagnon de lutte, ceux du barreau, de la police, la douane, la gendarmerie, entre autres.
Last but not least (c’est le dernier point mais non le moindre), les jeunes sollicités par Tama Média demandent aux nouveaux dirigeants de rectifier le tir en ce qui concerne la très faible présence des jeunes générations dans les organes délibératifs et institutions du pays. Pour un pays majoritairement jeune, « nous représentons globalement moins de 2% dans les instances de prise de décision. À l’Assemblée nationale, par exemple, c’est moins de 5%. Dès lors, nous recommandons au pouvoir d’initier une réforme visant à attribuer un quota de 30% à la jeunesse dans toutes les assemblées électives », recommande le patron du CNJS en s’appuyant sur des études faites en 2022 par cette plateforme d’organisations qu’il dirige et qui accompagnent l’État, les collectivités locales et les partenaires au développement dans la mise en œuvre des projets et programmes à destination des jeunes.
Autant d’attentes et d’espoir que le président Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre et camarade de lutte, Ousmane Sonko, incontestablement l’homme politique le plus populaire parmi la jeunesse sénégalaise depuis bientôt une décennie, doivent travailler à combler pour maintenir le contrat de confiance avec les jeunes qui ont consenti de lourds sacrifices, ces trois dernières années, pour la cause du « Projet Pastef ».