La guerre qui se déroule actuellement au Soudan n’engage pas seulement l’armée régulière et les forces de soutien rapide (FSR), un groupe paramilitaire. Les deux camps sont appuyés par des mercenaires étrangers, faisant ainsi du Soudan un eldorado pour ces combattants attirés par l’appât du gain.
Cela fait deux mois que le Soudan est à feu et à sang. Les mésententes entre les deux hommes forts de Khartoum, le Général Abdel Fattah Al Burhan et le Général Mohammed Dagolo Hamdan surnommé Hemetti (le petit prophète) ont éclaté au grand jour, plongeant le pays dans la guerre. Le premier est le chef de l’armée, numéro un de la transition soudanaise donc président de facto du pays ; le second est le patron des Forces de soutien rapide (FSR), un puissant groupe paramilitaire, et numéro deux de la transition. Depuis le 15 avril 2023, la guerre enclenchée par ces deux rivaux fait rage. Khartoum, la belle capitale, est en ruine. Des centaines de milliers de Soudanais ont fui, trouvant refuge dans les pays voisins. Les ressortissants d’autres pays sont évacués par leurs pays respectifs.
La guerre n’engage pas sur le terrain que l’armée soudanaise et les forces de soutien rapide. S’il est connu que les deux camps bénéficient d’appuis extérieurs venant de pays tels que les Emirats Arabes Unis, l’Arabie Saoudite ou encore l’Egypte, il en aussi de même pour les mercenaires étrangers qui se bousculent pour s’aligner derrière le plus offrant.
L’histoire des milices soudanaises
Le Soudan est connu pour ses activités de mercenariat. Développé avec la guerre du Darfour, le mercenariat est devenu une activité lucrative dans le pays. Depuis des décennies, le recours aux milices n’est guère un tabou dans le pays : soit Khartoum leur sous-traite la répression de minorités ethniques ou de mouvements armés, soit il loue leurs services sur des terrains de guerre étrangers. L’une des milices les plus importantes dans le pays est celle des Janjanwid, créée par le gouvernement de l’ex-président Omar el-Béchir pour mater la rébellion de la région du Darfour. D’autres milices comme celle des Toroboro sont nées par la suite. La milice des Janjanwid deviendra les Forces de soutien rapide, principal belligérant qui conflit actuel au Soudan. En 2008, l’ex-président tchadien Idriss Déby Itno avait accusé la milice Janjanwid d’avoir appuyé la rébellion qui tentait de renverser son pouvoir. Mais ce n’est pas le cas où les combattants de la milice Janjanwid sont intervenus à l’étranger. Il est établi également que les Janjanwid sous la bannière des FSR, sont intervenus au Mali, en Libye, en Centrafrique, et même au Yémen. Ce qui a permis à ses chefs de tisser des relations.
Qui sont les mercenaires qui combattent au Soudan ?
Le premier belligérant à être appuyé par des mercenaires étrangers est le camp du Général Hemetti qui s’appuie en l’occurrence sur les hommes de Wagner. Le Soudan sert de base arrière mais aussi de source de financement à ce groupe de mercenaires russes. Selon le Trésor américain, les mines d’or de la famille Daglo ont signé des contrats avec des prête-noms du patron de Wagner, Evgueni Prigojine. Même si Wagner ne combat pas actuellement, il conseille les hommes d’Hemetti.
D’autres étrangers se sont invités dans la danse. Pour faciliter et sécuriser l’évacuation des ressortissants étrangers, plusieurs petites compagnies privées se sont léché les doigts.
D’autres combattants étrangers, attirés eux aussi par l’appât du gain, ont rejoint les belligérants. Dans des vidéos publiées par les FSR, des personnes se présentant comme Tchadien, Nigérien ou Libyen affirment leur soutien au Général Hemetti. Ce que confirme l’envoyé de l’ONU au Soudan, Volker Perthes, qui évoque un nombre considérable de mercenaires ressortissants de ces pays. « Le nombre de mercenaires venus du Mali, du Tchad et du Niger pour soutenir les FSR n’est pas insignifiant », a-t-il déclaré. Des mercenaires tchadiens auprès des FSR, cela ne fait pas l’ombre d’un doute. Hemetti et plusieurs chefs miliciens ont des origines tchadiennes. Avec la pauvreté et la sécheresse, les peuples installés entre les deux frontières s’offrent à des groupes armés pour leur survie.
Selon des observateurs et analystes internationaux, grâce aux mines d’or que contrôle la famille Daglo, Hemetti offre des salaires mirobolants à ces mercenaires. « Hemetti peut payer des salaires comme peu de gens en Afrique subsaharienne ou au Sahel peuvent le faire », affirme à l’AFP Andreas Krieg, du King’s College de Londres.
Le conflit soudanais est donc loin d’être un conflit seulement interne. Avec la présence des mercenaires, il s’internationalise et risque de plonger le Soudan dans un chaos total. Malgré l’engagement des deux parties, les différents accords de cessez-le-feu signés sous l’égide de l’Arabie Saoudite et des Etats-Unis n’ont point été respectés sur le terrain.