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Le Tchad débordé par l’afflux des réfugiés soudanais

15 June 2023
6 min

En deux mois de combat, la guerre au Soudan a fait déplacer 150 000 Soudanais au Tchad. Installés tout au long de la frontière, ces réfugiés bénéficient de l’aide humanitaire de plusieurs ONGs mais le pays est débordé par cet afflux des réfugiés soudanais qui ont réussi à s’extraire de l’enfer de la guerre entre les hommes d’Abdel Fattah al-Burhan et son rival Mohamed Hamdan Dogolo alias Hemeti.

Depuis la guerre du Darfour en 2003, le Tchad est la terre de refuge privilégiée des Soudanais. Premièrement pour sa proximité ; deuxièmement pour les liens qui existent entre les ethnies habitant des deux côtés des frontières. Et troisièmement pour la porosité des frontières. Le Tchad et le Soudan partagent 1 000Km de frontière.

Avec les affrontements qui ont éclaté le 15 avril 2023 à Khartoum et d’autres États du Soudan entre l’armée et les forces de soutien rapide, plusieurs centaines de milliers de Soudanais ont trouvé refuge dans des pays voisins. Selon les Nations unies, la guerre a fait déplacer en interne 843 000 personnes. Tandis que 300 000 ont fui le pays en direction des pays voisins. Les destinations privilégiées de ces réfugiés sont l’Egypte, le Tchad et le Soudan du Sud. Au Tchad, ce sont près de 150 000 réfugiés soudanais qui sont dénombrés par les services du HCR et ses partenaires.

Installés à l’Est du Tchad précisément dans les provinces du Sila, de Wadi-Fira et du Ouaddaï, ces réfugiés sont pris en charge par le HCR, la Commission nationale d’accueil et de réinsertion des réfugiés (CNARR) et leurs partenaires.

Un appel d’aide d’urgence face à l’afflux des réfugiés soudanais

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Pour continuer à intensifier ses interventions et sauver des vies tout en préservant la coexistence pacifique, la sécurité et la stabilité, le HCR dit avoir un besoin urgent de financement. 214,1 millions de dollars sont ainsi demandés pour fournir une protection et une assistance vitales aux personnes déplacées de force au Tchad, dont 72,4 millions de dollars sont nécessaires pour la réponse d’urgence aux réfugiés fuyant le conflit au Soudan.

Malheureusement, les besoins du HCR pour le Tchad ne sont actuellement financés qu’à hauteur de 16%, fait savoir le service de communication de l’agence du Tchad. Les États-Unis, qui sont déjà le principal donateur d’aide humanitaire au Soudan, ont décidé de fournir une enveloppe supplémentaire de 246 millions de dollars pour soutenir la population de ce pays ainsi que celle du Tchad, de l’Égypte, du Soudan du Sud et de la République centrafricaine. Ces pays ont été affectés par les violences généralisées qui ont éclaté chez leur voisin le 15 avril. Sur les 246 millions de dollars décaissés par les États-Unis, une enveloppe de 17 millions est notamment octroyée à l’Etat tchadien.

« Malgré les besoins énormes, la réponse humanitaire à ces crises graves et complexes reste sous-financée. Les réfugiés vulnérables ne bénéficient pas d’une aide vitale, s’enfoncent dans la pauvreté et la faim, ce qui accroît leur vulnérabilité aux risques de protection », s’alarme le HCR.

Le 7 juin, la situation a été au centre d’une réunion présidée par le ministre tchadien de la Prospective économique et des Partenariats internationaux, Moussa Batraki. L’objectif a été de solliciter des partenaires techniques et financiers du Tchad un appui financier pour la prise en charge des nouveaux réfugiés soudanais et des rapatriés de la Centrafrique.

« Nous avons travaillé sans relâche en fournissant des services de protection, notamment une assistance spécialisée aux survivants de violences et aux enfants en situation de risque, en construisant des puits et des forages, en installant des latrines d’urgence, en gérant des cliniques mobiles, en organisant des convois complexes de réinstallation, en augmentant la capacité des camps pour accueillir les réfugiés nouvellement arrivés dans les camps de réfugiés existants », a déclaré Laura Lo Castro, représentante du HCR au Tchad.

Avec le début de la saison des pluies, le HCR redoute le pire et une dégradation des conditions de vie des déplacés. « La saison des pluies arrivant dans les prochaines semaines, nous avons besoin d’une logistique massive pour déplacer les réfugiés des zones frontalières afin d’assurer leur sécurité et leur protection. Nous devons établir immédiatement de nouveaux camps et étendre les camps existants et continuer à fournir une assistance humanitaire à la frontière et une fois que les réfugiés sont relocalisés. Les populations d’accueil étant gravement affectées par la situation au Soudan, l’assistance devra être étendue aux plus vulnérables parmi la population hôte. Pour les familles déracinées par la crise, l’aide humanitaire est une lueur d’espoir. ». Et Laura Lo Castro du HCR de lancer un appel : « Nous comptons sur la compassion et la générosité de nos partenaires pour qu’ils se mobilisent afin de garantir la fourniture d’une protection essentielle et d’une aide vitale. Ensemble, nous pouvons sauver des vies et restaurer la dignité de ceux qui en ont désespérément besoin ».

Le Tchad débordé par l'afflux des réfugiés soudanais

Le Tchad accueillait déjà environ 588 770 réfugiés, dont 409 819 Soudanais fuyant le conflit au Darfour à partir de mars 2023. 127 846 réfugiés de la République centrafricaine, 21 287 Nigérians fuyant les violences de Boko Haram dans la région du lac, 28 311 Camerounais affectés par des tensions intercommunautaires et 1 507 réfugiés d’autres nations. Les communautés déplacées continuent de faire face à l’insécurité au Tchad et dans les pays voisins, aggravée par l’insécurité alimentaire, la malnutrition, les effets du changement climatique et le manque de moyens de subsistance. La nature prolongée des déplacements a mis à rude épreuve les services, les ressources naturelles et la cohésion sociale. « Nous félicitons le Tchad d’avoir fait preuve de solidarité en accueillant les réfugiés chaleureusement », a déclaré Raouf Mazou, haut-commissaire assistant en charge des opérations du HCR, lors de sa visite le 22 mai 2023 dans les camps des réfugiés au Tchad.

By Christian Allahadjim

Correspondant à N'Djamena au Tchad