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Vers le retour des exilés politiques tchadiens ?

29 juin 2023
5 min

Lors de la fête de la Tabaski, le président tchadien de transition Mahamat Idriss Déby Itno a appelé les leaders politiques et de la société civile forcés à l’exil après les évènements du 20 octobre 2022 à rentrer. Cet appel sera-t-il entendu par les exilés politiques tchadiens concernés ?

Vers le retour des exilés politiques tchadiens ?
Le président de la transition Mahamat Idriss Déby

Les leaders politiques et de la société civile en exil depuis les évènements du 20 octobre 2022 peuvent-ils regagner le bercail ? A en croire le président tchadien de transition, Mahamat Idriss Déby Itno, c’est possible. Le 28 juin dernier, le chef de l’État a appelé à leur retour pour participer à la transition. Parmi ceux-ci, on peut citer le président du parti Les Transformateurs, Dr Succès Masra et ses deux vice-présidents, le coordinateur de la plateforme Wakit Tamma, Max Loalngar et l’artiste Ray’s Kim. 

« Du haut de cette tribune, je pardonne tous ceux qui sont impliqués, condamnés ou non, ayant commis des dégâts lors de l’insurrection du 20 octobre 2022. J’invite ceux d’entre eux qui ont fui le pays à regagner la mère patrie et participer à l’œuvre de construction de notre nation », appelle le chef de la transition. 

“Un acte fort”

Selon le politologue, Dr Evariste Ngarlem Toldé, c’est un acte fort pour le chef de l’État d’accorder son pardon aux exilés politiques tchadiens. Le climat politique est tendu dans le pays depuis les manifestations du 20 octobre 2022. A la suite de ces évènements, plusieurs responsables politiques alors recherchés officiellement ou officieusement par le pouvoir ont été forcés à l’exil, mettant sur pause l’animation de la vie politique. « Alors le pardon du chef de l’Etat est un signal. Mais ce n’est qu’un premier pardon. Il faut une procédure régulière, un accord de réconciliation sous le parrainage d’une organisation internationale », suggère-t-il.

Au sein de la classe en exil, l’appel du chef de l’État n’a pas trouvé bon écho.  « Plus personne n’a confiance en la parole du président de transition », a sèchement répondu le président des Transformateurs, Dr Succès Masra. Même son de cloche chez Me Max Loalngar, coordinateur de la plateforme Wakit Tamma, qui estime que le président de transition n’est pas bien placé pour accorder le pardon aux organisateurs de la marche du 20 avril 2022. « Le président de transition oublie qu’il est lui-même un acteur à part entière des évènements du 20 octobre 2022 et que sa responsabilité dans les crimes odieux, les tortures et la disparition des personnes ne peut être passée sous silence. » Un avis que partage le très critique membre du Conseil national de transition, Béral Mbaikoubou. « J’ai trouvé spécial que le président de transition parle du pardon comme si c’était lui ou le gouvernement qui avait été offensé et qu’il offrait son pardon. Alors que tout le monde se souvient que le 20 octobre 2022 il y a une répression disproportionnée des manifestations. Je trouve cela assez cynique. »

“La vérité avant tout” 

Vers le retour des exilés politiques tchadiens ?
L’opposant Succès Masra lors d’un meeting

Si ces leaders qui n’admettent pas qu’ils sont en exil se disent disposés à regagner le bercail, ils exigent avant tout la vérité sur la répression des manifestations du 20 octobre. « Rentrez dans le cadre de cet appel ce serait faire offense à nos camarades, ce serait incompréhensible de la part de ceux qui demandent toujours une clarté sur les évènements du 20 octobre de rentrer sur la base d’un simple appel », fait savoir Max Loalngar. 

Dr Succès Masra est lui aussi du même avis. Il exige avant tout dit-il la vérité sur la disparition des dizaines de ses militants arrêtés au siège de son parti et les responsables des massacres du 20 octobre. Il veut aussi une loi d’amnistie pour tous, condamnés ou non, et un accord de réconciliation. Car, suppose Béral  Mbaikoubou, l’affaire peut “rebondir au grand jour un matin”. « Connaissant les hommes qui nous dirigent, qui sait si un matin on ne ressortira pas la même affaire pour dire qu’elle était mise en veillée », évoque-t-il. 

Rappel des évènements du 20 octobre 2022

Le 20 octobre 2022, à l’appel des partis politiques de l’opposition et de la plateforme Wakit Tamma, des milliers de Tchadiens étaient sortis dans la rue. Ils protestaient contre la prolongation de la transition de 24 mois et le maintien du Général Mahamat Idriss Déby Itno au pouvoir. La répression a été sanglante. Le bilan officiel fait était de 75 morts. Ce que contestent les organisateurs qui estiment que le bilan des victimes se situe autour de 300 manifestants tués. Dans un rapport, la Commission nationale des droits de l’Homme (CNDH) a comptabilisé 125 morts, après une enquête menée sur trois mois. Le rapport de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) sur ces évènements est toujours attendu. 

Par Christian Allahadjim

Correspondant à N'Djamena au Tchad