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Tchad : droits de l’Homme, le rapport qui dérange

15 March 2023
4 min

Une enquête menée par la Commission nationale des Droits de l’Homme (CNDH) met la lumière sur les manifestations du 20 octobre 2022. Présenté le 25 février 2023, le rapport fait état de 128 personnes tuées lors de ces évènements. Un bilan largement au-dessus des chiffres avancés par le gouvernement.

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« Le 20 octobre 2022, plusieurs villes du Tchad, dont la capitale N’Djamena, ont été le théâtre de marches de protestation contre la prolongation de la durée de la transition et le maintien du Général Mahamat Idriss Déby à la tête du pays pour 24 mois supplémentaires », rappelle, d’emblée, la CNDH.

Le rapport, un document de 101 pages, est le résultat des enquêtes et investigations réalisées pendant trois mois sur les manifestations sanglantes du 20 octobre 2022. Présenté le samedi 25 février par le président de la CNDH, Mahamat Nour Ibedou, il met en lumière les circonstances dans lesquelles ces marches de protestation sont organisées et la répression qui en a suivi. Détaillé, le document est à charge contre le gouvernement.

Les investigations faites par cinq équipes ont été orientées dans les villes de N’Djamena, Moundou, Sarh, Koumra et Doba, considérées comme fortement touchées par ces évènements. Pour mener ces enquêtes, la CNDH assure que les équipes ont bénéficié de la collaboration de l’État-major général des armées, de la direction de l’Agence nationale de Sécurité, la légion n°10 de la Gendarmerie, du commissariat central de N’Djamena, des autorités administratives provinciales, les structures sanitaires, les parents des victimes, les victimes, les organisateurs de ces manifestations et les associations de défense des droits de l’Homme. 

D’après le rapport, les causes de ces protestations sont la prolongation de la transition de 24 mois et le maintien du Général Mahamat Idriss Déby à la tête du pays décidés lors du dialogue national inclusif. Ce qui est contraire à la promesse faite par la junte de laisser le pouvoir à un gouvernement civil dans 18 mois. Initiées par les partis politiques de l’opposition, tels que les Transformateurs, les Démocrates, le PSF et la coalition Wakit Tamma, ces manifestations ont été durement réprimées. Un premier bilan présenté par le gouvernement a fait état d’une cinquantaine de morts. Puis un second bilan revoit le nombre à 73 victimes.

Selon le bilan de la répression établi par la commission d’enquête de la CNDH, l’on dénombre 128 personnes tuées ; 518 blessés, 12 portés disparus et 914 arrestations dans les cinq villes contestataires. Des chiffres que les organisateurs de ces manifestations apprécient mais estiment qu’ils sont sous-évalués. Les Transformateurs, eux, tablent sur la mort de plus de 300 manifestants.

Dans ce rapport, la CNDH indique que les responsabilités sont partagées. D’abord, elle reproche aux initiateurs de ces marches d’avoir adopté un comportement va-t’en guerre en bravant l’interdiction du ministère de la Sécurité publique. Ce qu’elle qualifie « d’erreur monumentale » en soutenant que « le risque de répression violente était clairement prévisible ». Ensuite, la CNDH accuse les forces de l’ordre d’avoir systématiquement violé plusieurs droits fondamentaux de l’Homme, dans leur volonté de maintenir l’ordre et de réprimer les manifestations, en utilisant des moyens disproportionnés. « La CNDH attribue la responsabilité principale de toutes ces violations des droits de l’Homme aux agents investis de l’autorité de l’Etat, à savoir les forces de défense et de sécurité, qui ont clairement failli dans leurs tâches dans la chaîne des évènements », peut-on lire dans la synthèse du rapport.

Le document, à charge, a provoqué l’ire du gouvernement. Selon des sources proches du président de la CNDH, celui-ci a été convoqué à la Présidence de la République pour des explications. Ce qui ne l’a pas empêché tout de même de rendre public ce rapport qui avait fuité deux jours avant sa présentation officielle.

By Christian Allahadjim

Correspondant à N'Djamena au Tchad